Plaignant
Le Groupement
des locataires du Québec métropolitain
Représentant du plaignant
M. Denis Cusson (coordonnateur,
Groupement des locataires du Québec métropolitain)
Mis en cause
Habitabec
[Sainte-Foy], Justice [Sainte-Foy] et Mme Francine Bordeleau (journaliste,
Justice [Sainte-Foy])
Représentant du mis en cause
Mme Agathe
Légaré (rédactrice en chef, Justice [Sainte-Foy])
Résumé de la plainte
Le 6 juin 1986,
Habitabec fait paraître un article de la journaliste Francine Bordeleau qui,
malgré son titre «Droits et obligations du locataire mineur», ne traite que des
obligations des mineurs et des conséquences pour ceux qui ne les respectent
pas. Cet article incomplet et partial, d’abord publié dans le magazine Justice
sous le titre «Le locataire mineur», risque d’encourager les pratiques
discriminatoires à l’endroit des jeunes.
Griefs du plaignant
Le Conseil a terminé
l’étude de la plainte portée par le Groupement des locataires du Québec
métropolitain qui reprochait au journal Habitabec d’avoir publié un article
partial, partiel et manquant de rigueur.
Le coordonnateur
du Groupement, monsieur Denis Cusson, soutenait que l’article, ayant paru le 6
juin 1986 sous le titre: «Droits et obligations du locataire mineur», était
susceptible de conduire à des pratiques discriminatoires à l’endroit des
jeunes. Selon lui en effet, ce texte était rempli de procès d’intention, tel le
passage où il est dit que: «Cette façon d’embêter le propriétaire ne peut être
utilisée que par le locataire mineur, évidemment», et cela sans que le journal
ne présente de preuve de telles allégations.
De plus malgré
le titre de l’article, il ne serait pas ailleurs question nulle part des
«droits» du locataire mineur, le texte s’en tenant aux seules obligations et
aux conséquences pour le mineur qui ne les respecterait pas.
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte à plusieurs reprises, le rédacteur en chef d’Habitabec,
monsieur Yvon Giroux, choisit de n’en rien faire.
Par ailleurs,
cet article ayant été puisé dans la revue Justice qui l’avait d’abord publié
sous le titre «Le locataire mineur», mesdames Agathe Légaré, rédactrice en chef
de la revue, et Francine Bordeleau, qui avait signé le texte, furent également
invitées à commenter la plainte.
Madame Légaré
notait d’abord que le changement de titre opéré par Habitabec portait à faux,
le texte original ne constituant pas une nomenclature des droits et obligations
des locataires, mais portant plutôt sur la légalité de certaines pratiques
ainsi que sur la protection juridique du locataire mineur et du propriétaire.
D’où, selon madame Légaré, l’apparent «déséquilibre» de la chronique et le fait
que le Groupement des locataires et le Comité des citoyens qui auraient été
contactés par la journaliste «n’avaient rien à dire de ce point de vue». Par
ailleurs, madame Légaré signalait que Justice aurait accepté de publier la
lettre du plaignant si celui-ci la lui avait adressée.
La signataire de
l’article, madame Francine Bordeleau, ajoutait à ces considérations que son
article était destiné à une chronique du magazine Justice, genre dont la
caractéristique première est la brièveté et où l’on ne traite généralement que
d’un aspect d’une question. Partant, madame Bordeleau disait donc avoir abordé
le sujet «selon la perspective du propriétaire qui loue à un mineur, en
signifiant la protection juridique dont bénéficient l’un et l’autre»; s’y ajoutaient
un examen de la légalité de certaines pratiques ainsi que les responsabilités
du locataire mineur.
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
commentaires, le plaignant notait d’abord n’avoir jamais été contacté par la
journaliste au sujet de cet article. De plus, il considérait que Justice aurait
très bien pu publier son point de vue même s’il ne l’avait pas adressé
directement au magazine, le plaignant voyant dans l’argumentation des intimées
à cet égard «une vieille méthode de défense qui est celle de culpabiliser la
victime afin de ne pas prendre le blâme et faire pardonner sa faute».
Le plaignant
considérait par ailleurs que la caractéristique première d’une chronique était
non pas la brièveté, mais bien le traitement d’un sujet particulier. Et le
sujet de la chronique de Justice étant «Les jeunes», la journaliste avait «le
devoir de conserver la même rigueur des faits et de l’information». Quant aux
exigences de brièveté de la chronique, monsieur Cusson considérait que «ceci ne
doit pas se faire au détriment de l’information rigoureuse et ne doit pas
porter à faux».
Enfin, il était
inacceptable, selon monsieur Cusson, d’aborder le sujet selon une seule
perspective dans la revue Justice, laquelle relève du ministère de la Justice
et «doit user des mêmes règles de preuves que les tribunaux».
Analyse
Les médias et les journalistes sont libres de leurs choix rédactionnels, mais en faisant ces choix, ils doivent se conformer à leur obligation de livrer une information équilibrée.
Le texte à l’origine de cette plainte ne rend compte essentiellement que d’une seule facette de la question abordée, à savoir les obligations du locataire mineur. Dans ce contexte, il s’agit donc là d’une approche partielle d’un phénomène plus vaste, et du compte rendu d’une seule vision des choses, à savoir celle des représentants de la Corporation des propriétaires d’immeubles du Québec interviewés dans le cadre de cet article.
La journaliste et les médias impliqués étaient libres d’aborder la question sous cet angle, dans la mesure toutefois où il ne s’agirait pas là du seul texte traitant du phénomène des locataires mineurs. Il est en effet essentiel, selon le Conseil, que l’une et l’autre des revues qui ont publié ce texte élargissent la perspective aux autres facettes du phénomène dans le cadre d’articles ou de chroniques ultérieurs. S’en tenir à ce seul texte priverait le lecteur d’une information à laquelle il a droit et constituerait effectivement une façon partiale et traiter l’information.
Par ailleurs, bien que le choix des titres relève de la discrétion de l’éditeur, ceux-ci doivent refléter fidèlement l’esprit et le contenu des textes qu’ils coiffent.
Dans le cas présent, le titre choisi par Habitabec pour accompagner le texte puisé dans Justice ne répond pas à ce critère de fidélité. Ce titre laisse en effet croire que ce texte présentait une analyse complète des droits et obligations du locataire mineur ce qui, tel que précisé plus haut, n’est manifestement pas le cas. Quant au titre donné par Justice [«Le locataire mineur»], bien que moins trompeur que dans le cas d’Habitabec, il ne rend pas compte aussi clairement qu’il ne l’aurait dû de l’optique privilégiée dans l’article.
Enfin, tout en déplorant que la direction d’Habitabec ait refusé de collaborer à l’étude de cette plainte, le Conseil tient à rappeler aux responsables de cette publication que le fait de repiquer un article déjà publié ailleurs ne dispense pas un média d’exercer son jugement rédactionnel. Ceci devrait au contraire inciter à la plus grande prudence, afin de ne pas trahir le contexte dans lequel a été publiée la version initiale du texte.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C11F Titre/présentation de l’information
- C24A Manque de collaboration