Plaignant
Un groupe de
plaignants
Représentant du plaignant
Mme Monique
Moisan
Mis en cause
CBVT-TV [SRC,
Québec]
Représentant du mis en cause
M. Jacques-D.
Landry (directeur général, CBVT-TV [SRC, Québec])
Résumé de la plainte
Le 10 février
1987, CBVT diffuse des images du retrait des eaux d’un plongeur noyé, manquant
ainsi de respect tant à l’égard de la victime que de ses proches. Le plan en
question, qui montre le visage du plongeur et la raideur de ses membres,
s’avère bouleversant pour le public.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de madame Monique Moisan et d’un groupe de
signataires d’une pétition reprochant à la télévision de Radio-Canada à Québec d’avoir
diffusé, dans le bulletin de nouvelles du mardi 10 février 1987, des images
montrant le retrait des eaux du corps d’un plongeur qui s’était noyé, monsieur
Sergio Novara.
Le plan montrant
«clairement» le visage du plongeur de même que la raideur de ses membres avait
profondément bouleversé la plaignante qui n’osait imaginer, par ailleurs, les
réactions des parents et de la compagne de cette personne. «Comment la Société
Radio-Canada, de s’interroger la plaignante, a-t-elle pu transmettre ces images
dignes du plus bas sensationnalisme, sans respect pour monsieur Novara
lui-même, de même que ses proches et connaissances». Convaincue que de telles
images n’améliorent en rien la qualité de l’information, la plaignante
considérait plutôt qu’elles la dégradaient, et elle souhaitait que cette
démarche auprès du Conseil de presse permette aux responsables de Radio-Canada
de prendre conscience de leur manque de respect envers la famille et les
proches de monsieur Novara.
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte, monsieur Jacques-D. Landry, directeur général de Radio-Canada à
Québec, disait qu’après avoir visionné ces images à plusieurs reprises, elles
lui apparaissaient conformes aux principes de la pratique journalistique de
Radio-Canada tout en étant «à la limite de l’acceptable».
Si l’on tient
compte de la durée des images diffusées, moins de 30 secondes, de la place
occupée par cette nouvelle (cinquième nouvelle à 18 heures), ainsi que du choix
des images où l’on ne distinguait le visage de la victime que sur une seul plan
de quelques secondes, monsieur Landry disait penser sincèrement que cette
information avait été traitée avec tact.
Constatant que
la frontière entre l’acceptable et l’inacceptable varie considérablement selon
que l’on soit touché de près ou de loin par les événements, et soutenant que
l’émotivité du regard influe sur le jugement que l’on se fait de ce qui est
d’intérêt public ou non, monsieur Landry soulignait que, dans ce cas-ci, la
nouvelle de la disparition de monsieur Novara et de son camarade était publique
depuis quelques jours et que d’importantes recherches avaient cours pour
retrouver les deux hommes. Bien que ne diffusant pas toutes les images qui sont
disponibles, monsieur Landry soutenait que l’information télévisée exigeait que
les images comme celles à l’origine de cette plainte soient présentées,
«fussent-elles à la limite du supportable».
Réplique du plaignant
La plaignante
répliquait en demandant s’il était nécessaire «d’émettre des images à la limite
de l’acceptable alors que l’acceptable aurait été tout à fait convenable». Se
demandant également si l’importance d’une nouvelle dépend «uniquement de la
place de celle-ci (dans le téléjournal) de même que de sa durée», madame Moisan
soutenait que les arguments invoqués par Radio-Canada ne pouvaient excuser la
diffusion d’images qui n’auraient pas tenu compte de l’émotivité des
téléspectateurs, lesquels sont des êtres humains.
Enfin, madame
Moisan s’interrogeait sur l’intérêt public d’une telle présentation. En effet,
si la plaignante considérait normal de présenter le contexte de l’accident de
même que l’ampleur des recherches effectuées, il lui semblait inacceptable de
«faire fi de la dignité d’un individu en montrant son corps inerte, même
seulement pendant quelques secondes». «A quel phénomène naturel, social ou
politique ces images nous sensibilisaient-elles?», demandait-elle enfin.
Analyse
La liberté de presse serait gravement compromise si la presse devait s’interdire de diffuser certaines images qui font partie intégrante de l’information même si, parfois, de telles images peuvent heurter la sensibilité du public.
En exerçant cette liberté, les médias doivent toutefois agir avec rigueur et discernement, et manifester de l’humanité et de la déférence à l’endroit des personnes affectées par les événements rapportés.
La presse doit donc éviter de mettre l’accent sur les aspects morbides de l’information qu’elle diffuse. Pour ce faire, les responsables des médias doivent établir les distinctions nécessaires entre la notion d’intérêt public et ce qui relèvent plutôt de la curiosité publique.
Dans le cas présent, aucun blâme n’est retenu par le Conseil. En effet, les images présentées étaient certes dures, mais illustraient néanmoins, sans insistance indue, un reportage dont le caractère d’intérêt public ne saurait être mis en cause.
Analyse de la décision
- C16F Images de violence physique