Plaignant
M. Yvan Gauthier
Mis en cause
Le Quotidien
[Chicoutimi]
Représentant du mis en cause
M. Carol Néron
(directeur de l’information, Le Quotidien [Chicoutimi])
Résumé de la plainte
Le titre «C’est
confirmé : Boivin était agent secret», publié dans l’édition du 16 septembre
1987 du Quotidien, ne correspond pas au contenu de la dépêche qu’il coiffe.
Cette dernière, émise par la Presse Canadienne, précise en effet que M. Marc
Boivin, un ex-permanent de la CSN, était un informateur et non un agent secret.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Yvan Gauthier contre Le Quotidien de
Chicoutimi, concernant le titre accompagnant une dépêche de la Presse
Canadienne, publiée dans ce journal le 16 septembre 1987, et faisant état des
liens existant entre le Service canadien du renseignement de sécurité et
l’ex-permanent de la CSN, monsieur Marc Boivin.
Monsieur Gauthier
reprochait au journal d’avoir coiffé cette dépêche d’un titre exprimant le
contraire du contenu de l’article. Ce titre, «C’est confirmé: Boivin était
agent secret», aurait dû être, selon le plaignant, «C’est confirmé – Boivin
était informateur». Monsieur Gauthier expliquait en effet que l’on découvrait,
à la lecture de l’article, que «ledit Boivin était un informateur et non un
agent secret», et que le solliciteur général James Kelleher avait soutenu cette
distinction en Chambre.
Le plaignant
estimait qu’un tel titre constituait un «manque flagrant à l’éthique
journalistique», et que les lecteurs ne lisant que les grands titres avaient
été mésinformés. Il concluait en soutenant que «titrer un article du contraire
de ce qu’il dit relève du crétinisme ou de la mauvaise foi la plus évidente».
Commentaires du mis en cause
Commentant cette
plainte, le directeur de l’information du Quotidien, monsieur Carol Néron,
faisait d’abord remarquer que si le titre ou le statut de monsieur Marc Boivin,
tel qu’exprimé dans le titre de l’article, ne correspondait pas à sa fonction
présumée, les conséquences de son implication au sein du Service canadien du
renseignement de sécurité [SCRS] demeuraient toutefois les mêmes, peu importe
sa manière d’opérer.
A ce titre,
monsieur Néron faisait observer qu’un informateur était aussi un «agent
infiltré secrètement dans une organisation afin de fournir des… informations
à une autre organisation», et que «théoriquement, un informateur travaillant
pour un service de renseignement était aussi un agent secret, même si son
statut apparaissait différent de l’individu qui avait été spécialement formé
pour accomplir cette besogne».
Estimant que Le
Quotidien avait «probablement péché» en interprétant dans un sens plutôt large
une donnée contenue dans le texte de la Presse Canadienne, le directeur de
l’information soutenait que le fond du message livré dans le titre
correspondait tout de même à la «froide réalité des faits», et qu’il y avait
une marge à ce que le journal soit accusé de «crétinisme» ou de «mauvaise foi
évidente».
Monsieur Néron
signalait que la direction de l’information n’avait pas cru bon d’effectuer des
représentations auprès du pupitre concernant le titre en question, puisqu’elle
considérait que les lecteurs étaient en mesure de tirer les conclusions qui
s’imposaient.
Le directeur de
l’information indiquait enfin que Le Quotidien se serait fait un plaisir et un
devoir de publier les commentaires du plaignant dans la rubrique «Opinions» si
ce dernier avait porté ses griefs à l’attention du journal.
Réplique du plaignant
Invité à
répliquer aux commentaires de monsieur Néron, monsieur Yvan Gauthier maintenait
sa position à l’effet que le titre choisi pour coiffer la dépêche de la Presse
Canadienne ne cadrait pas du tout avec le contenu de celle-ci et lui était même
contraire. Il expliquait que rien dans la dépêche ne permettait de confirmer
que monsieur Boivin était agent secret, mais que si quelque chose avait été
confirmé, c’était qu’il était informateur.
Le plaignant
rappelait que la dépêche portait sur le fait que le solliciteur général
établissait une distinction entre être informateur et être agent secret, et
qu’à ce titre, il y avait lieu «d’interpréter les deux termes au sens strict et
non au sens large comme le prétend monsieur Néron».
Estimant que les
propos de ce dernier, en tant que journaliste, étaient «plutôt inquiétants»,
monsieur Gauthier soutenait que «l’éthique journalistique exige qu’on recherche
la précision c’est-à-dire le sens strict des termes, plutôt que le sens général»,
et que «ces gens [les journalistes] passent d’un sens à l’autre, avec un égal
bonheur, suivant que l’un ou l’autre fait le plus leur affaire».
Analyse
Le choix des titres, tout comme l’établissement de la politique du média en la matière, relèvent de la discrétion de l’éditeur. Celui-ci doit cependant veilleur à ce que ces titres reflètent fidèlement l’esprit et le contenu des textes qu’ils accompagnent afin que le public reçoive une information exacte et honnête.
Dans le cas présent, le titre choisi par Le Quotidien pour accompagner la dépêche de la Presse Canadienne ne respectait pas ce critère de fidélité. En effet, le titre pouvait laisser croire aux lecteurs qu’il avait été confirmé officiellement que Marc Boivin était un agent secret, alors que l’article rapportait plutôt que le solliciteur général du Canada, de même que monsieur Boivin, avaient admis que ce dernier était un informateur et non pas un agent secret.
Le titre en question est donc contraire au contenu de la dépêche et risque ainsi d’induire le public en erreur. Le Conseil est donc d’avis que le journal doit être blâmé et invite les responsables à faire preuve d’une plus grande rigueur à cet égard.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information