Plaignant
L’Association
des journalistes de Télévision Quatre-Saisons [Montréal]
Représentant du plaignant
M. André Duchesneau
et M. Bertin Leblanc (représentants, Association des journalistes de Télévision
Quatre-Saisons [Montréal])
Mis en cause
Télévision
Quatre-Saisons [Montréal] et M. Jean Rivard (directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Le directeur de
l’information de Télévision Quatre-Saisons, M. Jean Rivard, compromet
l’indépendance entre les services de l’information et de la publicité en
signant une entente avec l’Association professionnelle du chauffage à
combustion solide (APCCS), organisatrice du «Salon du chauffage et du confort
au foyer». L’entente en question spécifie qu’un représentant de l’APCCS sera
invité à une émission de variétés, et que le service des nouvelles de TQS se
rendra à une conférence de presse tenue dans le cadre de ce salon.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de l’Association des journalistes de
Télévision Quatre Saisons [AJIQS], qui reprochait à la direction de
l’information de cette station d’avoir violé l’éthique professionnelle dans le
cadre d’une promotion concernant le «Salon du chauffage et du confort au
foyer».
Référant le
Conseil au texte d’une entente promotionnelle entre Télévision Quatre Saisons
et l’Association professionnelle du chauffage à combustion solide [APCCS] [qui organisait
le Salon du chauffage et du confort au foyer], les représentants de l’AJIQS,
messieurs André Duchesneau et Bertin Leblanc, reprochaient au directeur de
l’information de Quatre Saisons, monsieur Jean Rivard, d’avoir associé, en août
dernier, son service à ladite promotion en cosignant cette entente. Celle-ci,
outre de prévoir l’invitation d’un représentant de l’APCCS à une émission de
variétés de Télévision Quatre Saisons, spécifiait notamment que «le service des
nouvelles se rendra à la conférence de presse [de l’APCCS] selon le communiqué
de presse […]» émis par les organisateurs du Salon.
«Après, selon
les plaignants, quelques pressions auprès d’un journaliste de la salle des
nouvelles de Télévision Quatre Saisons qui s’est dit contrarié par cette
pratique», la direction de l’information aurait décidé de n’envoyer qu’un seul
caméraman à cette conférence de presse, tenue le 18 septembre 1987, lequel
avait alors rapporté, tel qu’on le lui aurait demandé, les images de la
conférence et de l’événement qui s’y rattache, soit le Salon lui-même.
Au «Grand
journal» de ce même soit était diffusé un montage de ces images accompagné du
texte suivant, rédigé par le rédacteur en chef Luc Lapierre:
«Pour ceux que
la fin de l’été rend frileux, le Salon du chauffage et du confort au foyer
s’offre à vous en fin de semaine à la Place Bonaventure.
Parrainé par le
ministre délégué aux petites et moyennes entreprises du Québec, le Salon réunit
cette année une centaine de spécialistes de l’industrie du chauffage du bois et
mettra en vedette les dernières trouvailles venues de Norvège ou de
Nouvelle-Zélande».
Commentaires du mis en cause
Invité à
commenter cette plainte, monsieur Jean Rivard s’y refusait en arguant que «le
Conseil ne possédait aucune juridiction en l’espèce».
Selon monsieur
Rivard, en effet, les plaignants «voudraient peut-être se servir du Conseil
afin de parvenir à d’autres buts, notamment celui de faire avancer leur demande
d’accréditation syndicale». Le Conseil n’étant pas un tribunal du travail, il
n’avait donc pas, selon monsieur Rivard, de juridiction pour régler de telles
questions.
Par ailleurs,
tout en précisant ne pas vouloir que ses commentaires soient interprétés «comme
une reconnaissance de la juridiction du Conseil à s’impliquer dans des questions
qui ne sont pas de son ressort», monsieur Rivard se disait convaincu que cette
plainte était sans fondement.
Ainsi, la lettre
d’entente liant Télévision Quatre Saisons et l’Association professionnelle du
chauffage à combustion solide indiquait que le service des nouvelles se
rendrait à la conférence de presse de cette dernière, mais aucun engagement n’y
était pris «qui pourrait compromettre, de quelque façon que ce soit, la faculté
exclusive du directeur du service des nouvelles de décider si oui ou non il y
aura un reportage et, si oui, quelle en sera la nature».
Monsieur Rivard
se disait d’ailleurs convaincu que même en l’absence de telle entente,
quelqu’un aurait été affecté à cette conférence, de la même façon qu’est envoyé
du personnel de la salle des nouvelles «à de tels événements à l’année longue».
Nonobstant ces
considérations sur le mérite de la plainte, monsieur Rivard concluait en
réitérant que le fait de répondre «à la plainte mal fondée des plaignants ne
doit pas être interprété comme une invitation au Conseil de s’immiscer dans des
questions de relations de travail, notamment le droit de gérance de décider des
affectations qui ne relèvent pas de sa compétence».
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
propos, les plaignants rappelaient d’abord que leur plainte constituait une
démarche collective et unanime de l’ensemble des membres de l’Association des
journalistes de Télévision Quatre Saisons.
Par ailleurs,
messieurs Duchesneau et Leblanc disaient ne pas comprendre très bien «pourquoi
monsieur Rivard parle syndicat alors que nous parlons tout simplement éthique
professionnelle et […] en quoi une question d’éthique professionnelle puisse
influencer la décision du Conseil canadien des relations de travail
relativement à l’obtention d’une accréditation syndicale». Les plaignants
précisaient enfin que l’AJIQS était un organisme professionnel, totalement
indépendant et dissocié du Comité provisoire chargé de la démarche syndicale
des journalistes, recherchistes, monteurs et caméramen de Télévision Quatre
Saisons.
En outre, les
plaignants se disaient étonnés des réserves exprimées par monsieur Rivard,
celui-ci ayant «pourtant reconnu publiquement «son erreur» lorsqu’interrogé par
les journalistes du Devoir et de La Presse» au sujet de toute cette affaire.
Enfin, les
représentants de l’AJTQS maintenaient que la lettre d’entente cosignée par le
directeur du service de l’information enfreignait «la règle fondamentale de
l’indépendance que chaque salle de nouvelles doit préserver […]», et ils disaient
trouver «dangereux et inquiétant» que le droit de gérance de décider des
affectations «puisse conduire à la signature de tel contrat d’échange
publicitaire».
Analyse
L’étude attentive de ce dossier a convaincu le Conseil qu’il s’agit bien là de questions relatives à l’éthique, cela conformément aux principes déontologiques qui ont été énoncés à plusieurs reprises dans la jurisprudence qui se dégage des décisions déjà rendues par le Conseil dans le cadre de cas similaires.
Se désister de ce dossier sur la seule base des intentions prêtées aux plaignants par le défendeur équivaudrait, pour le Conseil, à juger du bien-fondé d’une plainte par voie de procès d’intention, ce à quoi le Conseil s’est toujours refusé de se prêter. Cette plainte est donc jugée recevable.
Les médias ne doivent en aucun temps laisser, ni sembler laisser, des considérations d’ordre publicitaire ou commercial influencer les décisions rédactionnelles et, partant, leur contenu informatif.
Agir autrement compromet la crédibilité des médias et des journalistes qui peuvent alors être perçus comme se prêtant à des oeuvres publicitaires, quelle que soit par ailleurs la qualité même de l’information diffusée.
Il est donc essentiel que soient respectées l’autonomie et l’indépendance absolues des services de l’information par rapport aux services de la publicité et de la promotion.
Dans le cas présent, la décision de la direction de l’information d’associer formellement ce service à une action promotionnelle est tout à fait contraire à l’esprit d’indépendance qui doit régir les rapports entre ces différentes activités.
Que l’entente ne comprenne aucun engagement quant à la diffusion ainsi qu’à la forme et au contenu d’une éventuelle diffusion n’est qu’à demi rassurant, dans la mesure où le simple fait de s’être engagé à affecter un professionnel de l’information à la couverture de l’événement constituait déjà, en soi, une décision rédactionnelle basée sur des considérations promotionnelles.
Tout en prenant acte des explications et des excuses que le directeur de l’information de Télévision Quatre Saisons a formulées dans le cadre d’entrevues accordées à certains médias à la suite de ces événements, le Conseil blâme ce dernier pour avoir signé et donné suite à une telle entente, et l’invite instamment à une plus grande rigueur en la matière.
Analyse de la décision
- C21G Indépendance des services d’information et de publicité
- C24D Hors mandat