Plaignant
Mme Andrée Dubé
Mis en cause
Le
Saint-Laurent-L’Echo [Rivière-du-Loup]
Représentant du mis en cause
M. Gilles LeBel
(responsable de la section judiciaire, Le Saint-Laurent-L’Echo
[Rivière-du-Loup]) et M. Guy Lavoie (chef de pupitre, Le Saint-Laurent-L’Echo
[Rivière-du-Loup])
Résumé de la plainte
Le 10 février
1988, dans sa rubrique «Les Affaires policières», l’hebdomadaire Le
Saint-Laurent-L’Echo rapporte une tentative de suicide survenue dans un hôtel
en ajoutant, à la fin du texte, «L’histoire ne dit pas si elle a tenté de
mettre fin à ses jours dans la même chambre d’hôtel que lors de sa première
nuit de noces». En plus d’être de mauvais goût, ce commentaire témoigne d’un
manque de respect à l’égard des personnes concernées.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de madame Andrée Dubé, contre l’hebdomadaire Le
Saint-Laurent-L’Echo de Rivière-du-Loup concernant un article, paru le 10
février 1988, sous la rubrique «Les affaires policières».
Madame Dubé
reprochait au journal d’avoir publié le commentaire suivant à la fin de
l’article qui rapportait une tentative de suicide dans une chambre d’hôtel:
«L’histoire ne dit pas si elle a tenté de mettre fin à ses jours dans la même chambre
d’hôtel que lors de sa première nuit de noces».
La plaignante
considérait ce commentaire «tout à fait inacceptable». Elle estimait que
celui-ci n’apportait rien à la nouvelle d’autant plus que «ce genre de
nouvelles policières n’est pas indispensable à la qualité de l’information
régionale».
Commentaires du mis en cause
Commentant la
plainte de madame Dubé dans une lettre commune, monsieur Gilles LeBel,
responsable de la section judiciaire du journal, et monsieur Guy Lavoie, chef
de pupitre, expliquaient que la chronique «Les affaires policières» était un
«ramassis de petites nouvelles judiciaires» dont l’une des caractéristiques
était de présenter l’information de façon satirique ou humoristique.
Ajoutant que
cette chronique constituait à leurs yeux un «véhicule où il peut se glisser des
opinions», messieurs LeBel et Lavoie indiquaient qu’en conséquence, celle-ci
était «chapeautée d’un en-tête pour la différencier des nouvelles» publiées
dans la même page.
De plus,
conscients que la chronique laissait à leur journaliste en matière judiciaire
une plus grande latitude d’expression, messieurs LeBel et Lavoie exigeaient
néanmoins de ce dernier «qu’il s’acquitte de sa tâche en présentant
l’information de la manière la plus complète possible, avec le même souci de qualité
et de rigueur professionnelle que lorsqu’il écrit une nouvelle. Il estimait à
cet égard que le journaliste n’avait pas outrepassé ses droits «puisque les
faits sont présentés avec rigueur et honnêteté».
Par ailleurs,
les défendeurs, disant avoir toujours été respectueux d’autrui, avaient choisi
de ne pas nommer les personnes impliquées dans les événements rapportés dans
cette chronique.
Ils s’opposaient
enfin à l’argument de la plaignante à l’effet que ce genre de nouvelles
policières n’était pas indispensable à la qualité de l’information régionale.
Ils considéraient plutôt que les citoyens étaient en droit de savoir ce qui se
passait autour d’eux. Ils estimaient de plus qu’une telle affirmation était une
«ingérence dans les décisions et les choix relevant de l’autorité
rédactionnelle».
Réplique du plaignant
En réponse aux
commentaires de messieurs LeBel et Lavoie, madame Dubé faisait remarquer que sa
plainte ne portait pas sur la publication ou non du nom des personnes
impliquées dans des événements du genre, mais sur le commentaire contenu dans
l’article rapportant la tentative de suicide.
Madame Dubé
reconnaissait que les citoyens avaient droit à l’information policière. Elle
considérait cependant que ladite chronique «se prête très mal à la satire ou à
l’humour et aux commentaires en général». Elle ajoutait que si cette chronique
devait être maintenue, celle-ci devrait se contenter de rapporter les faits, ce
qui n’empêcherait en rien que la nouvelle soit complète.
Analyse
La liberté de la presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les médias devaient s’interdire d’informer la population sur les drames humains et les faits divers. Dans le cas de sujets aussi délicats, les professionnels de l’information doivent traiter de tels événements dramatiques avec rigueur et discernement et manifester de la déférence et de l’humanité à l’endroit des personnes affectées par ceux-ci, quel que soit le genre journalistique choisi.
Dans le cas présent, le Conseil est d’avis que le commentaire à l’origine de cette plainte est déplacé et manque de respect à l’égard de la victime et de ses proches. Le Conseil estime que ce commentaire, qui ne présente en aucune façon un caractère d’intérêt public, constitue plutôt une exploitation de l’événement dramatique rapporté.
Le Conseil invite les défendeurs à faire preuve de plus de rigueur en la matière.
Analyse de la décision
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches