Plaignant
Le Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska
Représentant du plaignant
M. Jean-Luc Bétit
(président, Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l’Hôtel-Dieu
d’Arthabaska)
Mis en cause
L’Union
[Arthabaska] et M. Gilles Besmargian (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Marcel
Duchesneau (rédacteur en chef, L’Union [Arthabaska])
Résumé de la plainte
Dans l’article
«Les demandes des médecins sont inacceptables – Claude Aubert», publié par
L’Union d’Arthabaska le 13 octobre 1987, le journaliste Gilles Besmargian ne
fait ressortir que la position du conseil d’administration de l’Hôtel-Dieu
d’Arthabaska en traitant du conflit qui l’oppose au plaignant.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens
[CMDP] de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska contre le journaliste Gilles Besmargian de
l’hebdomadaire L’Union de Victoriaville et des Bois-Francs, concernant un
article d’information paru le 13 octobre 1987, relativement au conflit entre le
CMDP et le conseil d’administration de l’hôpital.
Note: Le conflit
entre le conseil d’administration de l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska et le Conseil
des médecins, dentistes et pharmaciens de l’hôpital portait, entre autres, sur
la gérance de cette institution relativement aux questions médicales et
administratives.
Avant d’exposer
l’objet précis de la plainte, le CMDP, par l’entremise de son président, le
docteur Jean-Luc Bétit, indiquait que dans les premiers temps du conflit (juin
1987), le journaliste avait «signé des éditoriaux très virulents qui ne
laissaient aucun doute» sur sa position [en faveur du conseil d’administration
de l’Hôtel-Dieu] dans le conflit.
Monsieur Bétit
confirmait de plus que celui-ci avait «par la suite évité de façon quasi
systématique d’avoir des contacts journalistiques» avec le CMDP. Il ajoutait
que le journaliste n’avait «effectué aucun suivi téléphonique pendant la
période de juillet à octobre 1987, ce qui lui aurait permis d’obtenir de
première main la position du CMDP».
Quant à l’objet
précis de la plainte déposée au Conseil, le docteur Bétit reprochait au
journaliste de n’avoir «fait ressortir que la position du conseil
d’administration de l’hôpital» dans l’article du 13 octobre 1987, article qui
traitait d’éléments importants dans la position des deux parties en conflit.
Monsieur Bétit
s’en prenait aussi à la mention, à la fin de l’article, à l’effet que le
journaliste n’avait pu communiquer avec lui pour obtenir son point de vue. Il
faisait remarquer à cet égard que plusieurs médias écrits et électroniques de
la région avait tous été capables de communiquer avec lui et de «rendre compte
de la position des deux parties dans les jours qui ont suivi».
Monsieur Bétit
faisait de plus remarquer que, compte tenu de la date de parution du journal,
le journaliste profitait, comparativement aux autres médias, de l’échéance la
plus longue pour «établir un contact» avec lui. Il ajoutait que monsieur
Besmargian n’avait laissé aucun message téléphonique à son bureau ou à son
domicile pendant les six jours qu’il avait à sa disposition pour ce faire.
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, le journaliste Gilles Besmargian signalait d’abord qu’il avait
attendu à la dernière minute, c’est-à-dire la journée de tombée des articles,
pour rédiger son texte et faire le point sur le conflit entre le conseil
d’administration de l’hôpital et le CMDP, compte tenu que celui-ci «bougeait
d’heure en heure».
Expliquant que
la journée de tombée des articles était le lundi, monsieur Besmargian indiquait
que le docteur Bétit avait oublié de mentionner que le lundi précédant la
parution de l’article concerné ici, était fête de l’Action de Grâces, jour
férié, et que par conséquent, ses bureaux étaient fermés. Il faisait remarquer
de plus, que le plaignant avait aussi omis de signaler que son numéro personnel
n’apparaissait pas dans l’annuaire téléphonique.
Monsieur
Besmargian disait avoir «fait des efforts» pour «recueillir les propos du
docteur Bétit, le seul porte-parole autorisé par le CMDP», et que «n’ayant pu
le localiser», il n’avait d’autre alternative que d’écrire dans son article:
«Nous n’avons pu communiquer avec le docteur Jean-Luc Bétit pour obtenir son
point de vue».
Ä l’affirmation
du plaignant à l’effet que plusieurs autres médias avaient été capables de
communiquer avec lui, monsieur Besmargian répondait que celui-ci avait négligé
de mentionner que certains de ces médias avaient des journées de tombée
différentes de L’Union et que, par conséquent, ils avaient pu recueillir ses
propos, puisque ses bureaux étaient ouverts.
Monsieur
Besmargian faisait remarquer par ailleurs que son journal n’avait pas hésité à
publier intégralement, dans l’édition suivant la parution de l’article
contesté, la mise au point du CMDP relativement à cet article.
Il ajoutait que
dans cette même édition du journal, un suivi du dossier sur le conflit avait
été fait en accordant de l’espace aux positions de chacune des parties au
litige, comme cela avait toujours été fait auparavant.
Quant au point
soulevé par le plaignant concernant les éditoriaux qu’il avait signés
relativement au conflit, monsieur Besmargian répondait que ces éditoriaux
«disent ce qu’ils disent» et qu’il «prendrait exactement la même position» s’il
avait encore à se prononcer sur ce conflit. Ajoutant à cela que les éditoriaux
étaient là pour «apporter des éclaircissements sur divers dossiers», monsieur
Besmargian soutenait que le CMDP s’était senti frustré parce que le journal
local n’avait pas soutenu ouvertement ses revendications, et expliquait que le
journal avait préféré appuyer les administrateurs et la directrice générale de
l’hôpital dans ce dossier pour des «raisons humanitaires».
Monsieur
Besmargian terminait en disant qu’il demeurait convaincu qu’il avait agi de bonne
foi relativement à l’article contesté par le CMDP, et qu’il avait toujours
tenté de livrer à ses lecteurs «les opinions de chacune des parties lors d’un
conflit quelconque».
Invité à commenter
cette plainte, le rédacteur en chef de L’Union, monsieur Marcel Duchesneau,
confirmait d’abord les commentaires du journaliste à l’effet qu’il était vrai,
«qu’à cause du congé de l’Action de Grâces» le journal n’avait pu communiquer
avec le président du CMDP, le docteur Jean-Luc Bétit, pour obtenir son point de
vue.
Rappelant que le
journal était publié le mardi, monsieur Duchesneau disait qu’ils avaient
«attendu le lundi pour rejoindre les parties en cause afin de présenter à
[leurs] lecteurs des nouvelles «fraîches, comme cela était la «coutume de
L’Union».
Il ajoutait que
s’ils avaient pu croire être dans l’impossibilité d’entrer en contact avec le
docteur Bétit au cours de cette journée du lundi, ils auraient tenté de le
rejoindre le vendredi précédent ou au cours de la fin de semaine.
Monsieur
Duchesneau indiquait ensuite que L’Union avait, «dans la mesure du possible,
toujours assuré un suivi « normal »» du conflit entre le conseil
d’administration de l’Hôtel-Dieu et le CMDP.
Considérant que
cette plainte n’était «aucunement fondée», le rédacteur en chef de L’Union
croyait plutôt que ce n’était pas tellement l’article du 13 octobre de monsieur
Besmargian qui avait mis «en furie» le CMDP, et «en particulier le docteur
Jean-Luc Bétit», mais plutôt les prises de position du journaliste dans les
éditoriaux qu’il avait signés, «lesquels n’ont rien à faire avec la
«couverture» journalistique du conflit».
Réplique du plaignant
En réplique aux
commentaires du journaliste Gilles Besmargian, le plaignant, le docteur
Jean-Luc Bétit, rappelait d’abord que le «point majeur» de la plainte était le
fait que celui-ci n’avait pas donné la version de l’une des deux parties au
litige dans l’article qu’il signait le 13 octobre 1987.
Monsieur Bétit
estimait que «pour expliquer sa maladresse», le journaliste tentait de «faire
croire» qu’il n’avait pu le rejoindre. Il indiquait que tous les journalistes
de la région et de l’extérieur avaient ses numéros de téléphone pour le
rejoindre à son domicile ou au bureau, et signalait que monsieur Besmargian
l’avait déjà rejoint à plusieurs reprises à sa résidence en juillet 1987 pour
obtenir ses commentaires.
Monsieur Bétit
ajoutait que le service téléphonique de son bureau était couvert 24 heures par
jour par un service de réponse personnalisé «qui était avisé de [lui]
transmettre chez [lui] tout appel téléphonique «médiatique» peu importe l’heure
ou la journée».
Aussi, à
l’affirmation du journaliste à l’effet qu’il avait «fait des efforts» pour
communiquer avec le plaignant, ce dernier répondait qu’il ne croyait pas un
seul instant à l’objectivité de celui-ci durant cette période du conflit,
puisqu’il n’avait pas quitté sa résidence durant toute la longue fin de semaine
précédant l’article contesté.
Par ailleurs,
concernant la mise au point publiée dans l’édition du journal suivant la
parution de cet article, monsieur Bétit disait que le rédacteur en chef de
L’Union n’avait pas le choix de publier celle-ci, compte tenu des pressions que
le journal avait subies à la suite de la parution dudit article, en raison du
manque d’objectivité de son journaliste. Monsieur Bétit considérait cependant
que cette mise au point «n’avait pas du tout le même impact» que les articles
du 13 octobre 1987 dont les propos étaient «strictement tendancieux».
Note: Monsieur
Gilles Besmargian avait signé, le 13 octobre 1987, un éditorial intitulé
«Encore l’hôpital…», et deux articles d’information titrés respectivement
«Les demandes des médecins sont inacceptables – Claude Aubert» et «Les lueurs
d’espoir s’estompent».
Monsieur Bétit
estimait enfin, du point de vue de l’éthique, qu’un journaliste devait «prendre
tous les moyens pour rejoindre les deux parties surtout dans un délai de sept
jours entre deux publications».
Référant ensuite
à l’affirmation du journaliste à l’effet qu’il prendrait «la même position»
s’il avait encore à se prononcer sur le conflit entre le CMDP et le conseil
d’administration de l’Hôtel-Dieu, monsieur Bétit disait considérer que cette
«prise de position ouverte» de la part d’un journaliste lui semblait «fort
déviante» de l’éthique journalistique où la couverture d’un dossier devait être
faite de «façon objective». Il faisait remarquer à cet égard que l’autre
hebdomadaire de Victoriaville n’avait «jamais pris partie dans le conflit se
contentant de présenter les faits de la façon le plus objective possible».
Monsieur Bétit
se demandait enfin si le journaliste avait une «dette envers la directrice
générale» de l’Hôtel-Dieu, compte tenu que son épouse travaillait toujours au
centre hospitalier en cause, malgré que son poste ait été «inclus» au programme
de compressions budgétaires de l’année 1987. Il semblait, selon monsieur Bétit,
que le journaliste avait «dû mettre un peu de pression pour que son épouse
garde son poste», et ajoutait que cela n’aidait pas «à garder une certaine
objectivité lorsqu’un proche risque de perdre son emploi».
Analyse
Le choix et le traitement d’un sujet ou d’un événement particulier relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent, ce faisant, se conformer à leur devoir et à leur obligation de renseigner adéquatement la population sur les questions d’intérêt public.
Il est par conséquent important d’obtenir, lorsque possible, la version des faits des personnes ou des groupes mis en cause.
Dans le cas présent, le Conseil déplore que la version des faits du plaignant n’ait pu être obtenue, compte tenu, d’une part, de l’importance des informations contenues dans l’article contesté par rapport à l’évolution du conflit et, d’autre part, du fait que le CMDP était l’un des principaux intéressés par cet article.
Le Conseil ne peut cependant pas, à la lumière des éléments soumis à son attention, savoir avec certitude si le journaliste a tenté ou non d’obtenir la version des faits des plaignants avant la publication de l’article.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits