Plaignant
M. Yves Alix
(chroniqueur, La Criée [Montréal])
Mis en cause
La Criée
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Pierre-G.
Laporte (responsable de l’information, La Criée [Montréal])
Résumé de la plainte
La Criée
n’informe pas ses lecteurs de la raison de la suppression d’une chronique sur
les arts populaires rédigée par le plaignant. Dans une note de la rédaction
publiée le 2 décembre 1987, le journal entretient un malentendu sur cette
disparition en parlant du «départ» du plaignant. Finalement, La Criée refuse un
droit de réplique au plaignant, ce qui l’empêche de rétablir les faits.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Yves Alix contre l’hebdomadaire La
Criée au sujet de la suppression d’une chronique sur les arts populaires.
Monsieur Alix,
ex-pigiste à La Criée, indiquait d’abord qu’il avait été engagé, en septembre
1986, pour produire une chronique sur les arts populaires. Il signalait ensuite
que le journal avait décidé, conséquemment aux changements survenus à la
direction, de cesser la publication de ses articles «jugés non pertinents». Le
plaignant disait avoir alors demandé à plusieurs reprises au journal, et cela
sans succès, d’informer les lecteurs de la décision de la direction concernant
la chronique «Arts populaires».
Reprochant au
journal ce refus, monsieur Alix s’en prenait également à une «note de la
rédaction» publiée à la suite d’une lettre ouverte d’un lecteur déplorant le
peu de couverture accordée à l’art populaire dans La Criée depuis la
disparition de ladite chronique, et souhaitant voir celle-ci réapparaître.
Le plaignant
considérait que la formulation d’un passage de cette note [«Quant au départ du
chroniqueur dont vous parlez, il ne saurait être interprété comme une mise au
rancart des arts populaires, cela n’a rien à voir»], contribuait à créer un
malentendu sur la raison de la disparition de cette chronique. Il faisait
remarquer que cette note faisait état de son «soi-disant» départ, plutôt que
d’une décision du journal de supprimer ladite chronique.
Monsieur Alix
reprochait enfin au journal de lui avoir refusé un droit de réplique pour
rétablir les faits à la suite de la parution de cette note de la rédaction. Il
estimait que le journal lui avait causé, ce faisant, un «préjudice moral en
tant que journaliste intervenant dans le domaine des arts populaires», de même
qu’il avait porté atteinte au «droit du public à une information objective et
véridique».
Commentaires du mis en cause
M. Pierre-G.
Laporte, responsable de l’information, La Criée:
En réponse à
cette plainte, monsieur Laporte disait que les faits énoncés par monsieur Alix
ne reflétaient pas «tout à fait la réalité». Il signalait que le plaignant
n’avait pas été engagé par La Criée, puisqu’aucun document écrit n’attestait ce
fait, mais qu’il recevait plutôt des honoraires pour les textes qui étaient
publiés, et qu’il ne jouissait d’aucune garantie quant à la publication de
ceux-ci.
En ce qui
concerne la décision du journal de ne plus recevoir les textes du plaignant,
monsieur Laporte disait qu’il s’agissait là d’un «droit de gérance tout à fait
reconnu d’une entreprise de presse de pouvoir choisir ses pigistes». Ayant
décidé de consolider son personnel permanent, le journal s’était donc départi
progressivement de quelques pigistes. Monsieur Laporte indiquait que les choix
effectués à cet égard ont été basés sur la pertinence des textes soumis et que
monsieur Alix n’avait pas «passé le test».
Monsieur Laporte
précisait que la décision de ne plus recevoir les textes de monsieur Alix ne
signifiait pas la suppression de tout article sur les arts populaires, mais
plutôt que ceux-ci ne seraient pas encadrés dans une chronique particulière.
Quant au grief
du plaignant concernant l’utilisation du mot «départ» dans la note de la
rédaction, monsieur Laporte remarquait que ce mot semblait le plus adéquat dans
les circonstances, dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un congédiement,
mais plutôt de ne plus recevoir les textes de monsieur Alix.
Monsieur Laporte
rejetait donc les «accusations» du plaignant à l’effet que le journal avait
«laissé entendre» que ce dernier avait volontairement quitté le journal et
considérait que le droit du public à l’information n’avait jamais été menacé.
Réplique du plaignant
Répliquant à ces
commentaires, le plaignant précisait d’abord qu’il n’avait jamais contesté le
droit de gérance du journal ni ses choix rédactionnels. Il considérait
cependant que celui-ci avait manqué d’éthique journalistique en n’informant pas
les lecteurs de la décision au sujet de ses chroniques.
Monsieur Alix
soutenait toujours que le «choix du terme «départ» pour qualifier la
suppression de [sa] chronique ne pouvait qu’induire les lecteurs en erreur». Il
affirmait que le silence du journal à la suite de la décision concernant ses
chroniques et la publication d’une «information erronée» par l’utilisation du
mot «départ», lui avaient «causé préjudice en tant que travailleur culturel
impliqué dans la promotion et la valorisation des arts populaires» dans le
quartier où il oeuvrait.
Analyse
Les médias sont entièrement libres de traiter ou non d’un sujet ou d’un secteur d’activités particulier. L’importance qu’ils décident d’y accorder, de même que la forme du traitement, relève également de leur liberté rédactionnelle.
Quels que soient les choix rédactionnels qu’ils posent en la matière, les médias doivent néanmoins livrer une information exacte et conforme aux faits et aux événements.
Enfin, nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal, puisque la décision de publier ou non une lettre ouverte ou une mise au point relève de la prérogative de l’éditeur. Le Conseil est cependant d’avis que la publication de telles lettres ou mises au point peut parfois constituer un moyen adéquat et recommandable de rectifier certaines erreurs ou de permettre aux personnes et aux groupes de faire connaître leurs griefs concernant l’information diffusée à leur sujet.
Dans le cas présent, le Conseil estime que le journal était parfaitement en droit de ne pas informer les lecteurs des raisons de sa décision de supprimer la chronique sur les arts populaires et que le public n’a pas été lésé dans son droit à l’information du fait que ces raisons ne lui ont pas été communiquées.
Le Conseil est d’avis, par ailleurs, que le journal n’a pas désinformé le public en parlant du «départ» du plaignant dans une note de la rédaction en réponse à une lettre d’un lecteur. Le terme «départ» ne laisse pas nécessairement entendre que le plaignant a cessé volontairement sa collaboration au journal, mais peut référer à différentes raisons ayant conduit à la fin de cette collaboration.
En regard de ces considérations, le Conseil ne retient aucun blâme contre le journal pour ne pas avoir donné suite à la demande du plaignant de publier une réplique à la note de la rédaction.
Enfin, en raison de la nature des griefs formulés dans cette plainte, le Conseil n’a pas à se prononcer sur la question du préjudice moral soulevée par le plaignant.
Analyse de la décision
- C02F Création/retrait de rubriques/d’émissions
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11H Terme/expression impropre