Plaignant
M. Gilles
Patenaude
Mis en cause
Le Véhicule des
conducteurs propriétaires [Ville Saint-Laurent] et M. Pierre Gravel (éditeur,
Le Véhicule des conducteurs propriétaires [Ville Saint-Laurent] et président,
Les Editions Bomart)
Représentant du mis en cause
M. Jean-Rock
Savard (ex-rédacteur en chef, Le Véhicule des conducteurs propriétaires [Ville
Saint-Laurent])
Résumé de la plainte
Le magazine Le
véhicule des conducteurs propriétaires refuse de publier la lettre ouverte du
plaignant au sujet de la réglementation des véhicules routiers. Cette lettre
dénonce les agissements douteux des ministères des Transports et de la Justice
envers le plaignant. Le magazine explique son refus par le désir de ne pas
s’attirer les foudres des gouvernants.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de monsieur Gilles Patenaude contre la revue
mensuelle Le véhicule des conducteurs propriétaires publiée par Les éditions
Bomart.
Monsieur
Patenaude reprochait à l’éditeur du mensuel, monsieur Pierre Gravel, d’avoir
refusé de publier une lettre ouverte qu’il avait «composée à la demande» du
rédacteur en chef de la revue, monsieur Jean-Roch Savard, au sujet de la
réglementation des véhicules routiers, réglementation qu’il trouvait injuste
pour les voituriers-remorqueurs. Monsieur Patenaude indiquait dans sa plainte
que sa lettre ouverte visait à dénoncer les agissements «douteux» des
ministères des Transports et de la justice à son égard en ce qui concerne
l’immatriculation de ses véhicules.
Le plaignant
affirmait enfin que monsieur Gravel avait motivé sa décision ne pas publier
cette lettre par le fait qu’il ne voulait pas «s’attirer les foudres» des
gouvernants.
Commentaires du mis en cause
M. Jean-Rock
Savard, rédacteur en chef, L’écho du transport
[M. Savard
occupait auparavant le poste de rédacteur en chef du mensuel Le véhicule des
conducteurs propriétaires]
En réponse à
cette plainte, monsieur Savard expliquait d’abord que le plaignant, à la suite
de la publication, en février 1987, d’une lettre ouverte qu’il signait au sujet
d’une nouvelle tarification de l’immatriculation commerciale des véhicules
lourds, avait contribué à apporter des documents dont l’objet était la
«contestation d’un règlement du ministère des Transports du Québec concernant
l’immatriculation d’un véhicule commercial basée sur le nombre d’essieux».
Monsieur Savard
signalait que le plaignant n’avait en aucun temps demandé de publier un ou
plusieurs de ces documents, jusqu’au moment où «voyant que sa cause n’était pas
entendue», il fit une requête à l’effet de publier une dernière lettre ouverte.
Le rédacteur en chef faisait remarquer que le plaignant ne savait pas, «à ce
moment-là, quel contenu» donner à sa lettre ouverte, et qu’il lui avait alors
suggéré d’expliquer brièvement la situation qu’il vivait relativement à cette
affaire.
Monsieur Savard
indiquait que le comité de rédaction du Véhicule des conducteurs propriétaires,
présidé par l’éditeur, monsieur Pierre Gravel, avait décidé de ne pas publier
l’écrit de monsieur Patenaude, compte tenu que ce dernier voulait rallier les
lecteurs [les conducteurs-propriétaires] à sa cause «tout en mettant au pilori
les instances gouvernementales concernées». Monsieur Savard ajoutait que la
publication d’une telle lettre ouverte paraissait «inacceptable» au comité de
rédaction, et quelle aurait eu pour effet «de nuire à la crédibilité du magazine
et de [la] maison d’édition».
M. Pierre
Gravel, président, Les éditions Bomart
Monsieur Gravel
signalait, en réponse à cette plainte, que monsieur Patenaude «traîne à [leur] bureau
depuis plus d’un an pour [leur] fournir des textes et essayer de [les] rallier
à sa cause». Il indiquait que toutes les associations et tous les groupements
qui l’ont entendu, «l’ont tout simplement éconduit».
Monsieur Gravel
considérait qu’il n’avait eu aucune façon «manqué au code d’éthique». Joignant
à ses commentaires un dossier complet de tous les documents transmis par le
plaignant, monsieur Gravel indiquait que sa publication n’était pas un «journal
de coeur» et qu’elle n’avait pas la «prétention de défendre la veuve et
l’orphelin».
Réplique du plaignant
Répliquant aux
commentaires de monsieur Pierre Gravel, monsieur Gilles Patenaude considérait
que ceux-ci étaient «axés sur la démolition pure et simple de [sa] crédibilité
et de [sa] réputation personnelle» et n’entendait pas y répondre. Il soumettait
par ailleurs d’autres documents en complément de ceux transmis par monsieur
Gravel.
Quant aux
commentaires du rédacteur en chef Jean-Roch Savard à l’effet que le comité de rédaction
estimait que la publication de sa lettre ouverte aurait eu pour effet «de nuire
à la crédibilité du magazine et de [la] maison d’édition», monsieur Patenaude
voyait là un «grave problème d’éthique journalistique».
Il se demandait,
d’une part, si l’on devait «contraindre une publication spécialisée à tirage
limité à publier la vérité» même si cela signifiait à «plus ou moins brève
échéance, une menace pour sa survie comme entreprise». Monsieur Patenaude
considérait que non.
Il
s’interrogait, d’autre part, si l’on devrait disposer d’un «organisme
apolitique qui pourrait prendre la relève dans [des] cas litigieux». Il
estimait que oui afin de préserver la liberté de la presse spécialisée.
Monsieur Patenaude se demandait si le Conseil de presse ne serait pas justement
«l’organisme idéal» pour agir dans de tels cas.
Analyse
La jurisprudence du Conseil relativement au courrier des lecteurs précise que la décision de publier ou non les lettres ouvertes relève de la prérogative de l’éditeur et que nul ne peut prétendre avoir accès de plein droit à l’espace réservé à cette fin.
Si les médias doivent favoriser l’expression du plus grand nombre possible de points du vue, ils sont également, et légalement, responsables de tout ce qu’ils publient. Ils doivent par conséquent demeurer libres de déterminer si les propos et les textes qui leur sont soumis sont d’intérêt public et susceptibles de discréditer gratuitement les personnes, les groupes ou les instances dont il est question dans les textes.
En regard de ces principes, le Conseil est d’avis que le magazine Le véhicule des conducteurs propriétaires était libre, dans le cas présenté, de refuser de publier la lettre ouverte du plaignant. De cet fait, la plainte est rejetée.
Le Conseil estime, par ailleurs, qu’il serait opportun que les entreprises de presse publient fréquemment leur politique relative à la publication des lettres des lecteurs, de façon à faire connaître clairement les limites de cette tribune.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
Date de l’appel
14 July 1989
Appelant
M. Gilles Patenaude
Décision en appel
La Commission
d’appel juge que cet appel ne contient aucun élément ou fait nouveau dont le
Comité des cas n’aurait pu prendre connaissance et qui aurait alors été
susceptible de justifier la réouverture du dossier.
Les membres de
la Commission conviennent donc à l’unanimité de rejeter cet appel et de
maintenir intégralement la décision rendue par le Comité des cas.
Griefs pour l’appel
Le plaignant en
appelle de cette décision.