Plaignant
M. Yvan Beaupré
Mis en cause
Le Journal de
Québec et M. Gaétan Fontaine (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Serge
Gosselin (directeur de l’information, Le Journal de Québec) et M. Serge Côté
(rédacteur en chef, Le Journal de Québec)
Résumé de la plainte
Le journaliste
Gaétan Fontaine mentionne le nom du plaignant en traitant de l’incendie
criminel pour lequel sa soeur a été accusée, alors qu’il n’est relié d’aucune
manière à cette affaire. Les deux articles concernés, parus dans Le Journal de
Québec le 17 août 1989 sous le titre «La soeur du délateur Beaupré, accusée de
crime d’incendie» et le lendemain sous le titre «Elle nie avoir mis le feu»,
font référence au plaignant en indiquant que l’inculpée est la «soeur du
célèbre délateur Yvan Beaupré…».
Faits
La plainte
concerne deux articles de Gaétan Fontaine publiés les 17 et 18 août 1989 dans
Le Journal de Québec:
– le premier
article, intitulé «La soeur du délateur Beaupré, accusée de crime d’incendie»,
rapporte que Mme Dorothée Beaupré a été accusée, le 16 août 1989, en cour
criminelle, de crime d’incendie. L’article fait également état de deux autres
affaires judiciaires non reliées à la précédente;
– le deuxième
article, intitulé «Elle nie avoir mis le feu», rapporte que Mme Beaupré a nié,
le 17 août 1989, être l’auteure de l’incendie pour lequel elle a été accusée.
Griefs du plaignant
M. Beaupré
reproche au journal et au journaliste d’avoir mentionné son nom dans les deux
articles, de même que dans le titre coiffant le premier texte, alors qu’il
n’était relié en aucune façon à l’affaire rapportée, soit le crime d’incendie
dont sa soeur était accusée.
Il s’en prend
également au titre chapeautant le premier article. Il considère que la grosseur
de celui-ci est démesurée par rapport au contenu de l’article, et que l’emphase
a été mise sur la délation d’un individu plutôt que sur le méfait présumément
commis par la personne dont il est question dans la nouvelle.
En traitant
cette affaire comme ils l’ont fait, M. Beaupré estime que les défendeurs ont
porté atteinte à son intégrité morale. Il lui apparaît qu’une telle approche
n’a d’autre objectif que de faire vendre des journaux au détriment de la
dignité humaine.
Commentaires du mis en cause
Dans une lettre
du 15 février 1990 adressée au plaignant, M. Serge Gosselin, directeur de
l’information du Journal de Québec, remarque:
– que ce dernier
s’élève contre une pratique journalistique «fort répandue, qui veut que le
reporter tente par différents moyens de situer le lecteur devant l’information
publiée»;
– qu’en
l’occurrence, le journal a fait référence aux démêlés judiciaires du plaignant
qui défrayaient la manchette des journaux à la même époque;
– qu’il n’était
aucunement question, ce faisant, de présumer, par voie d’association, du sort
de la cause de Mme Beaupré;
– que
l’utilisation de ce procédé d’identification doit se faire avec circonspection
lorsqu’il s’agit d’identifier une personne impliquée dans la commission d’un
acte criminel;
– qu’il ne croit
pas utile d’écrire «…un crime commis par le petit cousin par alliance du
délateur Beaupré…», mais estime qu’un journaliste ne transgresse pas les
règles d’utilisation de ce procédé lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille
immédiate.
Dans une lettre
du 30 mai 1990 adressée au Conseil, M. Serge Côté, rédacteur en chef du Journal
de Québec, remarque:
– qu’une
personne qui accepte d’être délateur dans des causes importantes, doit
accepter, conséquemment, la notoriété publique; et que dans un cas semblable,
le traitement de l’information par Le Journal de Québec ne diffère pas de celui
des autres médias;
– qu’il est
normal, voire obligatoire pour un média de situer l’information dans son
contexte;
– que les médias
fouillent et mettent en évidence des corrélations familiales dans divers
domaines; qu’il y a une différence entre faire référence à des parents ou amis
lointains et des parents immédiats; que Le Journal de Québec ne ferait pas état
des liens lointains; que le faire dans le cas des liens immédiats constitue une
pratique journalistique reconnue au Québec, au Canada et encore plus aux
Etats-Unis;
– que la
réputation du plaignant n’a pas été entachée.
Analyse
Le Conseil adresse un reproche au Journal de Québec et au journaliste Gaétan Fontaine pour avoir fait référence au plaignant et à ses démêlés judiciaires dans les deux articles concernant l’accusation de crime d’incendie portée contre sa soeur, ainsi que dans le titre coiffant le premier texte.
Le Conseil estime que cette référence était abusive dans le contexte de la nouvelle rapportée. D’une part, aucun lien n’existe entre cette affaire et les démêlés judiciaires du plaignant. D’autre part, les liens de parenté de l’accusée avec le plaignant ne s’avéraient pas, ici, une information d’intérêt public.
Par ailleurs, cette référence ne peut être considérée comme un moyen de situer la nouvelle rapportée dans son contexte, compte tenu qu’elle ne contribue en aucune façon à la compréhension de cette nouvelle et qu’elle n’est porteuse d’aucune signification relativement à cette affaire. La notoriété publique du plaignant, invoquée par les défendeurs, ne peut non plus justifier à elle seule cette référence.
Les professionnels de l’information doivent faire preuve de discernement lorsqu’ils réfèrent aux membres de la famille des personnes mises en cause dans leurs reportages. De telles références, lorsqu’elles risquent d’être préjudiciables ou au détriment des personnes concernées, ne sont acceptables que dans la mesure où l’intérêt public le justifie.
Analyse de la décision
- C16D Publication d’informations privées
- C16E Mention non pertinente