Plaignant
M. Jean-Pierre
Lemoine
Mis en cause
Le Nouvelliste
[Trois-Rivières]
Représentant du mis en cause
Mme Claudette
Tougas (présidente et éditrice, Le Nouvelliste [Trois-Rivières])
Résumé de la plainte
Le Nouvelliste
refuse de publier la lettre du plaignant, même si elle respecte les critères
adoptés par ce journal pour la publication des lettres ouvertes. Ce geste
arbitraire a toutes les apparences d’une censure inacceptable.
Faits
Le 13 novembre
1989, M. Jean-Pierre Lemoine adresse une lettre au quotidien Le Nouvelliste
pour publication. Il écrit qu’il annule son abonnement au journal et dit faire
partie d’un «nombre sans cesse croissant de lecteurs(trices) du Nouvelliste qui
souhaitent vivement la présence d’un deuxième quotidien à Trois-Rivières». Il
rend également hommage à plusieurs personnes qui, selon lui, ont marqué ce
qu’il appelle «la belle époque» du journal.
La lettre n’ayant
pas été publiée, M. Lemoine porte plainte au Conseil de presse le 8 février
1990.
Griefs du plaignant
Il soutient que
sa lettre d’opinion respectait tous les critères de la politique du Nouvelliste
en matière de publication des lettres aux lecteurs. Il considère que la
non-publication de sa lettre constitue un «geste arbitraire qui a toutes les
apparences d’une censure inacceptable».
Commentaires du mis en cause
Mme Claudette
Tougas, présidente et éditrice du Nouvelliste:
Mme Tougas porte
d’abord à l’attention du Conseil la politique du Nouvelliste relativement à la
publication des lettres des lecteurs. Elle signale que cette politique est
publiée une à deux fois par semaine dans la page éditoriale où paraissent les
lettres ouvertes et en indique les dates de publication entre la mi-août et la
fin du mois de novembre 1989:
«Le Nouvelliste
invite ses lecteurs à formuler des opinions sur des sujets divers mais qui sont
d’intérêt public. De préférence, la lettre doit être brève et l’auteur doit
fournir son nom complet, son adresse ainsi que son numéro de téléphone.
Cependant, les responsables de la page éditoriale se réservent le droit
d’abréger une lettre ou d’écarter celle qui ne respecte pas les politiques du
Nouvelliste. Les opinions touchant des sujets d’actualité seront publiées en
priorité».
Mme Tougas
remarque ensuite que la direction de l’éditorial était en plein droit de ne pas
publier la lettre du plaignant, ayant jugé que son contenu n’était pas
d’intérêt public.
Réplique du plaignant
En réplique, le
plaignant fait parvenir copie d’une note de la rédaction du Nouvelliste publiée
avant l’envoi au journal de sa lettre ouverte du 13 novembre 1989:
Vous aimeriez
faire connaître votre opinion sur un sujet d’actualité? N’hésitez pas,
écrivez-nous. Que votre lettre soit courte, signée. Ajoutez, pour fin
d’identification au journal, votre adresse et votre numéro de téléphone».
Il soumet que sa
lettre était d’actualité puisque plusieurs personnes auraient formulé, entre
septembre et décembre 1989, diverses critiques substantielles à l’endroit du
Nouvelliste sur les ondes radiophoniques de Trois-Rivières.
Il remarque
également, en réponse au commentaire de Mme Tougas indiquant que sa lettre
n’avait pas été jugée d’intérêt public, que le Nouvelliste devra reconnaître, à
moins de «fermer les yeux sur un ensemble d’indices tout à fait convergents»,
qu’il est affligé de défauts majeurs qui en rendent la lecture de «moins en
moins supportable».
Il souligne
enfin que d’autres médias ont déjà publié des critiques beaucoup plus
virulentes à leur endroit dans la rubrique qu’ils réservent aux lettres des
lecteurs et qu’ils ont su en tirer profit en améliorant sensiblement la qualité
de leur produit.
Analyse
Le Conseil a toujours reconnu la prérogative de l’éditeur en ce qui a trait à la publication des lettres des lecteurs, ainsi que le principe que nul n’a accès de plein droit à l’espace réservé à cette fin dans les journaux.
Le fait qu’une lettre ouverte présente des éléments d’intérêt public ou rencontre les critères de publication d’un journal ne diminue en rien cette prérogative. L’éditeur est libre de publier ou de ne pas publier toute lettre qui lui est soumise par un lecteur.
A la lumière de ce qui précède, Le Nouvelliste était donc en droit de ne pas publier la lettre du 13 novembre 1989 de M. Jean-Pierre Lemoine. La plainte de ce dernier est de ce fait rejetée.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes