Plaignant
Revenu Canada,
Douanes et Accise
Représentant du plaignant
M. Henri Noël
(receveur régional, Revenu Canada, Douanes et Accise)
Mis en cause
CHRC-AM
[NTR/Télémédia, Québec], CKAC-AM [Télémédia, Montréal] et M. André Arthur
(animateur)
Représentant du mis en cause
M. Jacques
Millette (directeur de l’information, CKAC-AM [Télémédia, Montréal] et
Télémédia) et M. Jacques Duhamel (président, CHRC-AM [NTR/Télémédia, Québec])
Résumé de la plainte
Entre le 12 et
le 15 mars 1990, l’animateur André Arthur tient des propos intentionnellement
injurieux à l’endroit des douaniers canadiens dans le cadre de ses émissions
«En direct» et «André Arthur», respectivement diffusées sur les ondes des
stations radiophoniques CKAC et CHRC.
Faits
La plainte
concerne des propos tenus par M. André Arthur sur les ondes de CKAC au sujet
des douaniers canadiens. Ces propos ont été tenus les 12, 13, 14 et 15 mars 1990
à l’émission «En direct», animée par M. Arthur et M. Jacques Proulx. La plainte
s’adresse également à CHRC pour des propos que M. Arthur aurait tenus sur les
ondes de cette station, le 12 mars 1990.
Segments
d’émissions mises en cause (CKAC)
1) Emission du
12 mars 1990
Au cours de
l’émission du 12 mars 1990, M. André Arthur fait des commentaires sur
l’aéroport Mirabel. Il opine, entre autres, sur les vols d’Air Canada à
destination de la Guadeloupe et de la Martinique, l’endroit même où se situe
l’aéroport, les moyens disponibles pour s’y rendre, le stationnement, le
service de l’hôtel Le Château de l’aéroport.
Les commentaires
de M. Arthur portent également sur les douaniers de Mirabel et du Canada. Ils
renvoient à la manière dont les douanes canadiennes traitent les citoyens qui
entrent au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs, notamment en
France et à la Martinique.
Dans ses propos,
M. Arthur utilise plusieurs épithètes à l’endroit des douaniers canadiens: «les
douaniers les plus arriérés au monde», «les fouilleurs de p’tites culottes de
femmes voyageant seules», «les espèces de malades qui n’ont jamais voyagé», «un
frustré», «un minable», «ces ostrogoths», «ils sont stupides», «ces bibites»,
«des abrutis qui ont un secondaire V et qui n’auront jamais de leur vie un
emploi valorisant», «ils passeront le restant de leurs jours à se défrustrer
sur les citoyens dont ils sont jaloux car eux, ils ont pas les moyens de
voyager».
2) Emission du
13 mars 1990
Le 13 mars 1990,
M. Arthur traite à nouveau de Mirabel. Il introduit ses commentaires au sujet
de l’aéroport de la manière suivante. S’adressant à M. Jacques Proulx, il dit:
«La diatribe que je m’étais préparée hier à votre intention cher ami m’a un peu
emballé. Je me suis laissé égaré dans la recherche du plaisir que peuvent avoir
les minables douaniers canadiens à jouer dans les petites culottes des femmes
qui voyagent seules et j’ai oublié certains détails au sujet de Mirabel».
Ces propos sont
les seuls tenus à l’endroit des douaniers au cours de cette émission.
3) Emission du
14 mars 1990
Le 14 mars 1990,
en toute fin d’émission, M. Arthur fait un bref commentaire au sujet des
douanes canadiennes. Il y traite d’abus de pouvoir et dit à M. Jacques Proulx
qu’il a deux anecdotes à lui raconter à ce sujet et qu’il espère avoir le temps
de le faire le lendemain.
4) Emission du
15 mars 1990
Le 15 mars 1990,
M. Arthur traite des pouvoirs des douaniers et de certains gestes qui lui
«apparaissent comme des abus de pouvoir de la part des douaniers, plus
particulièrement dans la région de Québec».
Il exprime
d’abord des doutes quant à l’efficacité des douanes concernant la saisie de
marchandises introduites en contrebande et l’arrestation des personnes
concernées. Il fait ensuite état de trois cas qu’il juge comme étant des abus
de pouvoir de la part des douaniers.
Griefs du plaignant
Revenu Canada,
Douanes et Accise, par l’entremise de M. Henri Noël, se plaint des propos
«intentionnellement injurieux» de M. Arthur à l’endroit des douaniers. Il ne conteste
nullement le droit de celui-ci de dire ce qu’il pense et de tenter d’en
convaincre ses auditeurs, mais considère que l’utilisation de qualificatifs
triviaux visant à discréditer les douaniers est inacceptable.
Commentaires du mis en cause
En réponse à cette
plainte, M. Jacques Millette, directeur de l’information de CKAC et du réseau
Télémédia, fait les commentaires suivants:
– «Dans le cadre
d’une société qui reconnaît la liberté d’expression, il est légitime de la part
d’un commentateur de dénoncer des comportements et même, de remettre en
question l’utilité d’un service ou encore, la façon dont un service
fonctionne»;
– «[…]
l’utilisation de certaines épithètes peut parfois être justifiable devant des
situations aberrantes où la dignité humaine est mise en cause» (ce commentaire
renvoie au grief de Revenu Canada, Douanes et Accise au sujet de «l’utilisation
de qualificatifs triviaux» à l’endroit des douaniers);
– «André Arthur
affirme qu’il a découvert trois cas, vérifiés et vérifiables, dans la région de
Québec qui l’ont amené à dénoncer le travail des douaniers».
M. Jacques
Duhamel, président de CHRC:
CHRC, pour sa
part, par l’entremise de son président, M. Jacques Duhamel, avise le Conseil
que la station «n’est pas membre du Conseil de presse du Québec et, comme tel,
n’a nullement l’intention de se soumettre à quelque directive ou demande que
(celui-ci pourrait) lui soumettre».
Analyse
Les chroniqueurs et les commentateurs de la radio jouissent d’une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue sur les sujets et les événements de leur choix. Ils doivent exercer cette latitude dans le respect des personnes et des groupes et éviter à leur endroit des propos méprisants et propres à les discréditer indûment auprès de l’opinion publique. Il importe également qu’ils présentent les faits et les événements sur lesquels ils appuient leurs commentaires afin que le public puisse se former une opinion en toute connaissance de cause.
Plainte contre CKAC
Après vérification des enregistrements fournis par la station CKAC pour les émissions «En direct» des 12, 13, 14 et 15 mars 1990, le Conseil rend la décision suivante.
Dans le cadre de ces émissions, M. André Arthur était en droit de faire des commentaires sur les services et l’efficacité des douanes canadiennes. Il était également en droit de dénoncer ce qu’il considère être des abus de pouvoir de la part de douaniers.
En ce qui concerne les émissions des 12 et 13 mars 1990, le Conseil estime que M. Arthur a abusé de sa latitude. Il a truffé ses commentaires de propos injurieux et outranciers à l’endroit de l’ensemble des douaniers canadiens. Le Conseil estime qu’il a ainsi discrédité indûment les douaniers canadiens auprès de l’opinion publique. Pour ces raisons, le Conseil adresse un blâme à M. Arthur et à la station CKAC.
Quant aux émissions des 14 et 15 mars 1990, le Conseil considère que M. Arthur n’a pas abusé de sa latitude en commentant, comme il l’a fait, les incidents qu’il rapportait impliquant les douanes canadiennes. Le Conseil ne retient donc pas les griefs de Revenu Canada, Douanes et Accise concernant ces deux émissions.
Plainte contre CHRC
Le Conseil ne peut statuer sur les propos que M. Arthur aurait tenus sur les ondes de CHRC, le 12 mars 1990, au sujet des douaniers canadiens. Le refus de la station de fournir sa version des faits et l’enregistrement de l’émission mise en cause a empêché le Conseil d’effectuer les vérifications nécessaires à l’examen des griefs de Revenu Canada, Douanes et Accise. Le Conseil déplore ce manque de collaboration et en avise le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation
- C17C Injure
- C24A Manque de collaboration