Plaignant
Teamsters
Québec, local 931
Représentant du plaignant
M. Gerry Boutin
(agent d’affaires, Teamsters Québec, local 931)
Mis en cause
CBFT-TV [SRC,
Montréal] et Mme Hélène Courchesne (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Pierre O’Neil
(directeur général des informations, Société Radio-Canada [Montréa])
Résumé de la plainte
La journaliste
Hélène Courchesne réalise un reportage sur les agences de placement de
main-d’oeuvre temporaire en intercalant des extraits d’entrevue d’employés
temporaires et d’employés syndiqués, ce qui laisse croire que ce sont des
employés syndiqués, plutôt que temporaires, qui déclarent ne pas avoir été
défendus par leur syndicat. De plus, la journaliste ne contacte pas le
plaignant, qui représente les employés syndiqués concernés, pour connaître sa
position ou pour vérifier la véracité des informations recueillies. Ce
reportage est diffusé à l’émission «Le Point», sur les ondes de la Société
Radio-Canada, le 27 février 1990.
Faits
La plainte
concerne un reportage de la journaliste Hélène Courchesne, le premier de deux
reportages sur les agences de placement de main-d’oeuvre temporaire diffusés à
l’émission Le Point des 27 et 28 février 1990.
Les griefs du
plaignant, le Local 931 du syndicat des Teamsters, portent spécifiquement sur
le segment du reportage qui traite d’un centre de distribution de Zellers, une
compagnie qui utilise de la main-d’oeuvre temporaire. Ce segment représente
trois minutes de la durée totale du reportage. Celui-ci est d’environ 21
minutes.
Griefs du plaignant
Le Local 931 du
syndicat des Teamsters, le représentant des employés syndiqués du centre de
distribution Zellers susmentionné, formule les griefs suivants.
1. Le Syndicat
reproche à la journaliste Hélène Courchesne de ne pas l’avoir contacté pour
connaître sa position sur la question des travailleurs temporaires, ni pour
vérifier la véracité d’informations qu’elle avait recueillies auprès d’un
employé de l’entreprise.
Le Syndicat
formule ce grief en raison de certaines affirmations de la journaliste et d’une
déclaration d’un employé syndiqué interviewé.
Le Syndicat
réfute d’abord les affirmations de Mme Courchesne selon lesquelles «Peu de gens
s’y sont intéressé (la question de l’utilisation de main-d’oeuvre temporaire),
y compris les centrales syndicales. On ne s’arrête pas au phénomène et on
souhaite même voir sa disparition» et «Dans des entreprises comme chez Zellers,
ce sont les employés réguliers et non les dirigeants syndicaux qui se
préoccupent de cette question». Le Syndicat répond à cela qu’il tente depuis
1981, par des moyens légaux, d’enrayer l’utilisation du personnel d’agence chez
Zellers.
Le Syndicat
conteste ensuite la déclaration d’un employé syndiqué qui affirme que le centre
de distribution Zellers a éliminé «200 emplois réguliers qui ont été remplacés
par des agences (sic) ou discontinués complètement». Il précise, là-dessus,
qu’il y a effectivement eu perte d’emplois réguliers, depuis 5 ans, mais que
c’était à cause de l’ouverture d’un autre centre de distribution de Zellers, à
Pointe-Claire. Le Syndicat estime que cette déclaration laisse croire que le
Local 931 des Teamsters est demeuré impassible devant cette situation.
2. Le Syndicat
reproche également le montage d’une partie du segment en litige. Le fait,
notamment, d’avoir intercalé des extraits d’entrevue d’employés temporaires
entre des extraits d’interviews d’employés syndiqués.
Au visionnement
du segment litigieux, à environ 2 minutes du début, apparaissent, intercalés
entre des extraits d’entrevues d’employés syndiqués, deux extraits d’entrevues
d’employés temporaires: un intervenant anonyme et une dame Trinque, déjà
identifiée 30 secondes plus tôt comme une ancienne employée temporaire
(ex-agence) de l’entrepôt Zellers. Immédiatement après l’intervention d’un
employé régulier, on entend la journaliste Hélène Courchesne, en voix
hors-champ, demander: «Est-ce que le Syndicat s’occupe de vous?» A cela,
l’intervenant anonyme répond: «Non». Dans le plan suivant, madame Trinque précise:
«Mais, vu qu’on faisant affaire avec une agence, il n’y a aucun syndicat qui
nous défend».
Le Syndicat
estime que ce montage pouvait laisser croire que des employés syndiqués
déclarent ne pas avoir été défendus par le syndicat «devant l’utilisation accrue,
par l’employeur, de travailleurs temporaires».
Le Syndicat
remarque enfin que la façon dont l’information a été traitée a eu pour effet de
nuire à la réputation et à la crédibilité du Local 931, au moment où il devait
faire face au maraudage d’une autre centrale syndicale.
Commentaires du mis en cause
C’est le
directeur général des informations de Radio-Canada, alors M. Pierre O’Neil, qui
réplique à la plainte. Il affirme: – que les deux reportages de madame
Courchesne, sur les agences de placement de travailleurs temporaires, avaient
pour but de démontrer que les employés de ces agences ne bénéficient pas de
services équivalents à ceux des employés syndiqués; – qu’aucun employé
syndiqué, dans ces reportages, n’avait critiqué ouvertement son syndicat; – que
le syndicat des Teamsters, auquel sont affiliés les employés du centre de
distribution Zellers, n’avait jamais été nommé dans le reportage; – et que
l’auteur du reportage ignorait que les employés syndiqués interviewés
participaient à une campagne de maraudage contre le syndicat des Teamsters.
Radio-Canada
conclut que le reportage a peut-être causé du tort au plaignant, mais que cela
a été par coïncidence et que cela ne remet en cause ni la qualité ni le
professionnalisme du document.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète et conforme aux faits et aux événements. Par ailleurs, si cette information fait nécessairement l’objet de choix, ces choix doivent être faits dans un esprit d’équité et de justice.
La décision qui suit ne concerne que le segment du reportage relatif au centre de distribution Zellers, l’objet ici en litige, et n’est pas un prononcé sur l’ensemble du document.
Dans un premier temps, le Conseil considère que la journaliste Hélène Courchesne et Radio-Canada auraient dû rapporter le point de vue du plaignant concernant son rôle dans le dossier des employés temporaires au centre de distribution Zellers, et s’ils n’avaient pu obtenir ce point de vue, d’en informer les auditeurs.
Il y avait lieu, ici, de rendre compte de la position du Local 931 du syndicat des Teamsters – le représentant des employés syndiqués de ce centre de distribution – compte tenu que celui-ci y était mis en cause, notamment dans des affirmations de la journaliste et des déclarations d’employés réguliers et temporaires interviewés.
Le Conseil déplore donc que Mme Courchesne et Radio-Canada aient livré une information incomplète dans ce segment du reportage.
Dans un deuxième temps, le Conseil rejette l’élément de la plainte du syndicat des Teamsters relatif au montage d’extraits d’entrevues réalisées avec des employés réguliers et temporaires de l’entrepôt Zellers. Le Conseil estime que le montage ne porte pas à confusion. L’arrière-plan de chacun des intervenants interviewés, ainsi que l’identification de ces derniers, permet de distinguer les employés temporaires des employés réguliers. Et conséquemment, que ce n’est pas un employé permanent qui affirme que le syndicat ne s’occupe pas de lui.
Le Conseil rappelle cependant aux professionnels de l’information de procéder avec prudence lorsqu’ils présentent successivement plusieurs extraits d’entrevues, d’autant plus lorsque les personnes ont des intérêts différents, afin d’éviter toute confusion chez les téléspectateurs.
Analyse de la décision
- C12C Absence d’une version des faits
- C15A Manque de rigueur