Plaignant
La Fédération de
l’UPA de Lanaudière
Représentant du plaignant
M. Gilbert
Nicole (directeur régional, Fédération de l’UPA de Lanaudière)
Mis en cause
Le Joliette
Journal et M. Jean-Pierre Malo (éditeur)
Représentant du mis en cause
M. Raymond
Coderre (directeur régional, Le Joliette Journal)
Résumé de la plainte
M. Jean-Pierre
Malo, éditeur du Joliette Journal, se place dans une situation de conflit
d’intérêt en signant quatre éditoriaux au sujet de la réalisation d’une piste
cyclable dans Lanaudière, alors qu’il est personnellement impliqué dans la
promotion de ce projet. M. Malo manque de fidélité aux faits, de rigueur et
d’intégrité intellectuelle dans ces textes, publiés sous les titres «Piste
cyclable Joliette-St-Gabriel : Une activité touristique exceptionnelle» (5
avril 1989), «Piste cyclable : Un must… dans Lanaudière» (31 mai), «Piste
cyclable : Les mea culpa!» (23 août) et «D’une piste cyclable… à l’autre» (14
février 1990).
Faits
La plainte
concerne quatre éditoriaux signés par l’ancien éditeur et éditorialiste du
Joliette Journal, M. Jean-Pierre Malo. Ces éditoriaux, publiés les 5 avril, 31 mai,
23 août 1989 et 14 février 1990, traitaient d’un projet de piste cyclable dans
Lanaudière empruntant le tracé de la voie ferrée désaffectée entre
Saint-Félix-de-Valois et Saint-Gabriel-de-Brandon, et appuyaient le projet.
La Fédération de
l’Union des producteurs agricoles de Lanaudière, la partie plaignante dans le
présent dossier, s’opposait audit projet. Elle considérait que le chemin de
fer, qui traverse les terres de producteurs agricoles, était un mauvais tracé
dont les agriculteurs avaient souffert assez longtemps. Les producteurs
riverains tentaient depuis 1980 d’obtenir que les terrains occupés par cette
voie ferrée leur soient rétrocédés.
Griefs du plaignant
La Fédération de
l’Union des producteurs agricoles de Lanaudière se plaint du manque de fidélité
aux faits, de rigueur et d’intégrité intellectuelle dans ces éditoriaux. Elle
reproche à M. Malo de ne pas avoir exprimé le point de vue des producteurs, et
d’avoir insinué que les nombreuses démarches faites par ces derniers depuis 10
ans, afin que les terrains leur soient rétrocédés, étaient «douteuses,
clandestines et malhonnêtes».
Elle considère
également que l’éditorial du 14 février 1990 comportait des «propos haineux,
offensants, diffamants et insidieux pour les producteurs agricoles et leur
association professionnelle».
La Fédération
estime par ailleurs que M. Malo a manqué à l’éthique professionnelle en signant
ces textes, compte tenu qu’il était «impliqué à fond de train dans la promotion
du projet de la piste cyclable» à titre personnel et à titre de président de
l’organisme Piste de vélo et ski de fond Lanaudière.
Commentaires du mis en cause
En réponse, M.
Malo écrit qu’il a le «droit de présider les destinées d’un organisme bénévole
voué à la promotion d’une activité récréative». «Dans notre milieu régional»,
poursuit-il, «peut-on empêcher l’éditeur d’un média, lui-même éditorialiste,
d’être impliqué comme tout autre citoyen dans une cause qui lui tient à
coeur?». Plus loin, il écrit que «ce n’est pas tant de traiter d’un sujet où
l’éditorialiste est partie qui est dommageable, ce serait plutôt de cacher aux
lecteurs cette implication».
M. Malo signale
qu’il a précisé cette implication dans son dernier éditorial sur le sujet, paru
le 14 février 1990, «laissant le public-lecteur juger par lui-même de l’opinion
franche de l’éditorialiste, par ailleurs cohérente depuis plusieurs années».
M. Malo porte à
l’attention du Conseil qu’il a signé d’autres éditoriaux au sujet de la piste
cyclable avant d’assumer la présidence de Piste de vélo et ski de fond Lanaudière
à l’automne 1989, et que toujours, le Joliette Journal a appuyé ce projet, tel
qu’en fait foi l’éditorial qu’il signait le 5 avril 1989: «Notre journal appuie
sans réserves cette initiative du maire Arnault […] S’il faut une autre
pétition, nous la piloterons».
M. Malo rejette
enfin avec véhémence les «accusations sans fondements de haine et diffamation
proférées par l’UPA Lanaudière à l’endroit de mes éditoriaux sur un sujet qui
les concerne directement».
M. Raymond
Coderre, ancien directeur régional du Joliette Journal:
M. Coderre écrit
que le Joliette Journal ne partage pas le point de vue de la Fédération de
l’UPA de Lanaudière selon lequel les éditoriaux litigieux manquent de fidélité
aux faits, de rigueur et d’intégrité intellectuelle.
Il souligne que
l’on ne peut s’attendre à ce qu’un éditorialiste reprenne à son compte toutes
les informations publiées dans le journal de sorte que beaucoup d’arguments
avancés dans les éditoriaux de M. Malo, «pris isolément, semblent gratuits ou
sans fondements, si on ne tient pas compte des articles d’information du
journal». Il considère également que les termes utilisés par M. Malo «peuvent
paraître durs, et c’est son droit, mais ne sont nullement diffamants» à
l’endroit des producteurs agricoles.
M. Coderre
précise par ailleurs que M. Malo était libre de toute attache vis-à-vis le
comité de promotion de la piste cyclable pour la plupart de ses éditoriaux sur
le sujet, et que lorsqu’il en est devenu président, à l’automne 1989, il s’est
fait un devoir de le signaler aux lecteurs dans un éditorial.
M. Coderre
souligne, enfin, que la Fédération de l’UPA de Lanaudière a toujours eu droit à
un traitement équitable dans le Joliette Journal en ce qui concerne le débat entourant
le projet d’une piste cyclable, la preuve en étant que le journal a publié
intégralement, et aussitôt reçue, la réplique de la Fédération à l’éditorial du
14 février 1990.
Analyse
Les éditorialistes jouissent d’une très grande liberté dans l’expression de leurs opinions. Ils doivent exercer cette liberté dans le respect des faits et de la réputation des personnes. Ils doivent aussi faire tout en leur pouvoir pour préserver aux yeux de leurs lecteurs leur qualité «d’analyste au-dessus de la mêlée», capable d’apporter un éclairage neuf sur des situations souvent controversées où des points de vue très partisans s’affrontent.
On ne saurait restreindre le droit des éditorialistes, pas plus que celui des journalistes, de s’engager bénévolement au service d’une cause. Ce sont des citoyens comme les autres. On peut toutefois s’attendre à ce qu’ils fassent preuve de réserve et évitent de signer des éditoriaux et des articles reliés à cette cause lorsqu’ils sont devenus des acteurs importants dans cette même cause.
Tout éditorialiste, ayant des enfants en garderie, peut très bien opiner sur les services de garde québécois. Il ou elle devrait toutefois éviter d’écrire des éditoriaux sur une garderie dont il ou elle préside le conseil d’administration. Son opinion sera bienvenue dans les pages d’opinion. Mais en page éditoriale, les lecteurs de son journal sont en droit de s’attendre à un point de vue plus «au-dessus de la mêlée».
Aussi, en ce qui concerne le présent dossier, le Conseil de presse reproche à M. Malo de s’être placé dans une situation de conflit d’intérêts. Devenu acteur dans un dossier controversé, il aurait dû juger bon de s’imposer une plus grande réserve, en choisissant, par exemple, de partager sa chronique avec un éditorialiste extérieur.
Analyse de la décision
- C22D Engagement social