Plaignant
La Fondation
Canado-Palestinienne
Représentant du plaignant
M. Wael B. Hallaq
(représentant, Fondation Canado-Palestinienne)
Mis en cause
The Gazette
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Robert Walker
(rédacteur-gérant adjoint et ombudsman, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans son édition
du 1er mars 1990, The Gazette démontre un important parti pris contre les
Palestiniens par son éditorial «Palestinians are the losers», lequel traite
d’un incident violent survenu dans un village palestinien des territoires
occupés.
Faits
La plainte
concerne un éditorial publié le 1er mars 1990 dans le quotidien The Gazette.
L’éditorial, intitulé «Palestinians are the losers» (Les Palestiniens sont les
perdants), traite d’un incident survenu dans le village palestinien de Beit
Furik dans les territoires occupés.
L’éditorial
rapporte que le villageois Ali Nasasra, 45 ans, a fui Beit Furik, il y a 21
ans, après avoir été accusé d’être un indicateur pour les Israéliens. Que lors
d’une visite chez une tante, en 1990, à Beit Furik, il a été découvert; amené
par des vigiles masqués dans une mosquée locale; forcé d’avouer avoir aidé à
planifier des embuscades contre des guérillas palestiniennes; jugé sans un
procès en règle; et suite audit procès, battu et lapidé à mort par des
villageois.
Griefs du plaignant
M. Wael B.
Hallaq estime que The Gazette a démontré un fort parti-pris contre les
Palestiniens dans cet éditorial. Il souligne que plusieurs éléments dudit
éditorial pourraient être contestés, mais reproche particulièrement le passage
suivant:
«Too many will
see in his death [Nasasra’s death] further evidence that Palestinians cannot be
accommodated in the community of civilized peoples» (Beaucoup trop verront dans
sa mort [la mort de Nasasra] une preuve de plus que les Palestiniens ne peuvent
être de la communauté des peuples civilisés).
Il considère que
ce passage est extrêmement offensant et discriminatoire à l’endroit des
Palestiniens, ces derniers étant caractérisés comme n’étant pas civilisés.
M. Hallaq estime
que The Gazette, en publiant cet éditorial, a montré une attitude
fondamentalement négative et discriminatoire envers les Palestiniens; et
encouragé, sinon créé, beaucoup d’irrespect dans l’esprit du public pour ces
derniers.
Commentaires du mis en cause
The Gazette, par
l’entremise de M. Robert Walker, rédacteur gérant adjoint et ombudsman,
considère que cette plainte est sans fondement.
M. Walker
renvoie d’abord à une note de service de la rédactrice en chef aux pages
éditoriales, Mme Joan Fraser, dans laquelle elle fait le commentaire suivant:
«L’éditorial en question ne dit pas que les Palestiniens ne sont pas civilisés,
mais bien que les pseudo-tribunaux « vigilante » de Beit Furik
encourageront certains Israélites à penser ainsi des Palestiniens. Le but de cet
éditorial était de souligner que des événements aussi tristes ne sauraient que
nuire à la cause de la paix au Moyen-Orient en encourageant la méfiance et en
nuisant au dialogue».
M. Walker
souligne, concernant le sens de la phrase «Too many will see in his death further
evidence that Palestinians cannot be accommodated in the community of civilized
peoples», que «les mots «beaucoup trop» («too many») signifient un nombre
indésirable, un nombre excessif.
En d’autres mots, cette phrase veut dire qu’il
serait indésirable, qu’il serait malheureux que d’autres personnes adoptent une
opinion défavorable à l’endroit des Palestiniens. L’éditorial donne à entendre
que nous espérons que cette éventualité ne surviendra pas».
M. Walker
signale ensuite que Mme Fraser fait remarquer dans sa note de service, que The
Gazette n’a pas tenté d’étouffer la discussion concernant cet éditorial. Le
journal a publié huit lettres ouvertes dont trois critiquaient l’incident de
Beit Furik et les déclarations palestiniennes à ce sujet et cinq appuyaient la
position palestinienne et critiquaient l’éditorial.
M. Walker
soutient enfin que les plaignants ont mal compris l’intention de l’éditorial et
que celui-ci ne contenait aucune suggestion de parti-pris contre les
Palestiniens.
Analyse
Les opinions émises en éditorial sont la manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Ce genre journalistique permet à l’éditorialiste de prendre position, d’exprimer ses critiques et de faire valoir ses points de vue sur les questions et les événements de son choix.
La latitude qui lui est conférée n’est toutefois pas absolue. Il doit exercer celle-ci dans le respect des personnes et des groupes et éviter de cultiver des préjugés et des attitudes discriminatoires à leur endroit.
Après étude de l’éditorial «Palestinians are the losers», le Conseil est d’avis que The Gazette n’a pas démontré un parti-pris, ni une attitude discriminatoire à l’encontre des Palestiniens. D’une part, l’éditorial ne porte pas un jugement sur la population palestinienne dans son ensemble, mais sur l’incident violent survenu à Beit Furik. D’autre part, l’opinion qui y est exprimée ne s’appuie pas sur des préjugés raciaux envers les Palestiniens.
Le Conseil note, par ailleurs, que le journal a fait place à l’expression d’opinions et de réactions contraires concernant cet éditorial. Des huit lettres ouvertes publiées, trois critiquaient l’incident de Beit Furik et cinq adressaient des reproches au journal pour son éditorial du 1er mars 1990.
Pour ces considérations, le Conseil ne retient pas la plainte du Canadian Palestinian Foundation.
Analyse de la décision
- C08A Choix des textes
- C18B Généralisation/insistance indue
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C18D Discrimination
Date de l’appel
31 March 1992
Appelant
La Fondation
Canado-Palestinienne
Décision en appel
La Fondation
Canado-Palestinienne a interjeté appel de cette décision. La Commission d’appel
du Conseil de presse a maintenu intégralement la décision en première instance
du Comité des cas.