Plaignant
Centre
psychiatrique de Roberval
Représentant du plaignant
M. Raynald
Brassard (avocat, Cain, Lamarre, Wells avocats)
Mis en cause
CHRL-AM
[Télémédia, Roberval] et M. Louis Arcand (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Marc-André
Lévesque (président-directeur général, CHRL-AM [Télémédia, Roberval])
Résumé de la plainte
Le 28 mai 1990,
dans le cadre de l’émission «L’envers de la médaille» diffusée par la station
CHRL, l’animateur Louis Arcand rapporte de manière inadéquate qu’un
bénéficiaire du Centre psychiatrique de Roberval a été vu dans un bar de
danseuses nues en compagnie d’un éducateur. L’animateur révèle en ondes des
informations confidentielles permettant d’identifier ce bénéficiaire, présente
des informations inexactes et affirme que «ce n’est pas la première fois que
l’on entend parler de choses assez bizarres au Centre psychiatrique», une
insinuation pernicieuse pouvant jeter le discrédit sur cet établissement.
Griefs du plaignant
Le Centre
psychiatrique de Roberval se plaint du traitement accordé le 28 mai 1990 par
l’animateur Louis Arcand et la station radiophonique CHRL au fait qu’un bénéficiaire
du Centre ait été vu dans un bar de danseuses nues en compagnie d’un éducateur.
Le Centre estime que, même si ce fait est exact, l’animateur a «manqué aux
règles les plus élémentaires de la déontologie».
Le Centre
psychiatrique, par l’entremise de M. Raynald Brassard de la firme Cain,
Lamarre, Wells avocats, reproche d’abord à M. Arcahd d’avoir révélé en ondes
des informations confidentielles pouvant permettre d’identifier ce
bénéficiaire, portant ainsi une atteinte infustifiée à sa vie privée.
M. Bernard
soutient ensuite que l’animateur a rapporté certains faits «de façon inexacte»,
notamment en prétendant faussement que l’on avait fait danser des demoiselles à
la table du bénéficiaire et qu’on les avait payées pour ce faire.
Le plaignant reproche
également à M. Arcand d’avoir «malicieusement» affirmé que «ce n’est pas la
première fois que l’on entend parler de choses assez bizarres au Centre
psychiatrique». Il souligne qu’il «s’agit là d’une insinuation pour le moins
pernicieuse et susceptible de jeter injustement du discrédit sur
l’établissement».
Le Centre
psychiatrique considère que M. Arcand et CHRL ont traité cette affaire au
détriment des droits les plus élémentaires du bénéficiaire, notamment le droit
au respect de sa vie privée et de son intimité, et en y ajoutant des
informations inexactes, mensongères et pernicieuses.
Commentaires du mis en cause
M. Marc-André
Lévesque, président-directeur général de CHRL:
En réponse à
cette plainte, M. Lévesque soutient d’abord que si quelqu’un est à blâmer, ce
n’est pas le personnel de CHRL. Indiquant que le secret professionnel eu égard
aux dossiers des patients du Centre psychiatrique relève des thérapeutes, des
éducateurs et du personnel hospitalier, il souligne que «Lorsqu’on accepte que
le traitement d’un patient se fasse dans un endroit public, en l’occurrence un
bar de danseuses nues, il ne fait pas se surprendre que le public en parle…
», et qu’«A partir du moment où un sujet est l’objet de discussion dans le
public, faut-il s’étonner qu’on en parle à la radio?».
En ce qui
concerne le respect de la vie privée du bénéficiaire mis en cause, M. Lévesque
indique que M. Arcahd n’a en aucun moment mentionné son nom et qu’aucun
auditeur ne pouvait clairement l’identifier à moins d’être un de ses proches.
M. Lévesque
indique par ailleurs que M. Arcand a rapporté les propos qu’il a pu vérifier
avec l’éducateur ayant accompagné ce bénéficiaire au bar et qu’il a donné
l’occasion au Centre psychiatrique, au cours de la même émission, de le
corriger ou d’expliquer davantage la situation. Il estime que M. Arcand «s’est
comporté d’une façon correcte, respectant les balises et l’éthique de la
station et des professionnels de l’information».
M. Arcand
remarque pour sa part que CHRL a offert un droit de réplique au Centre
psychiatrique et que son directeur général, M. P.A. Lambert, a donné sa version
des faits au cours de l’émission.
Il considère par
ailleurs qu’il a fait son travail dans le respect de la confidentialité des
informations concernant le bénéficiaire. Il précise qu’il n’a pas divulgué
toutes les informations qu’il possédait à son sujet et que les minces
informations transmises en ondre ne permettaient pas de l’identifier.
Analyse
La liberté de presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les medias devaient s’interdire d’informer la population sur les faits divers et les drames humains qui ont cours dans la société. Ils doivent toutefois traiter ces sujets avec rigueur et discernement. Ils doivent éviter les insinuations qui peuvent induire le public en erreur et faire preuve de sensibilité à l’endroit des personnes mises en cause.
Dans le cas présent, il était légitime que l’animateur Louis Arcand et la station CHRL enquêtent sur le fait qu’un bénéficiaire du Centre psychiatrique de Roberval ait été vu dans un bar de danseuses nues. Plusieurs questions pouvaient être soulevées, telles que le sens et la fréquence de telles sorties (sont-elles thérapeutiques ou récréatives?); la qualité de la protection assurée par l’établissement à ses bénéficiaires; l’utilisation de fonds publics à de telles fins; etc.
Le Conseil estime toutefois, après audition de l’émission en litige, que le traitement accordé à cette affaire témoigne davantage du sensationnalisme que d’un effort réel d’information et de compréhension des événements.
D’une part, les informations diffusées ne permettent pas aux auditeurs de comprendre la portée réelle de l’affaire, annoncée à plusieurs reprises au cours de l’émission comme d’un «sujet délicat dont on va parler». En fin d’émission, on ignore toujours s’il s’agit véritablement d’une sortie, ou d’une thérapie pour soigner le problème spécifique du bénéficiaire; si de te]les activités sont courantes et pratiquées dans d’autres établissements; si le bien-être du patient a été menacé.
D’autre part, à travers l’information qu’il présente et les opinions qu’il émet, l’animateur fait des affirmations et présume de faits sans apporter de preuves à l’appui. Il en est ainsi lorsqu’il présente à maintes reprises la sortie du bénéficiaire comme étant une thérapie pour son problème particulier, qu’il affirme que l’hôpital lui a payé une bière, que le directeur général du Centre psychiatrique souscrit à une telle démarche thérapeutique, que «ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de choses assez bizarres au Centre psychiatrique de Roberval».
Le Conseil considère enfin que certaines informations diffusées au sujet du bénéficiaire, même si ce dernier n’a pas été nommé, permettaient qu’il soit identifié par des auditeurs et risquaient de l’exposer au ridicule,
Le Conseil adresse donc un blâme à l’animateur Louis Arcand et à la station CHRL pour la façon dont ils ont traité cette affaire.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C16B Divulgation de l’identité/photo