Plaignant
M. Robert
Monastesse (journaliste-recherchiste, TVA [Montréal])
Mis en cause
Le Journal de
Montréal et M. François Dowd (journaliste)
Résumé de la plainte
Le journaliste
François Dowd abuse de la confiance du plaignant en n’informant pas ce dernier
qu’il le citerait dans son article «Par le FBI : 15 Warriors recherchés»,
publié dans l’édition du 31 juillet 1990 du Journal de Montréal. Cet article,
qui rapporte que des Warriors se trouvant derrière les barricades de Kanesatake
et de Kahnawake seraient activement recherchés par le FBI de l’Etat de
New-York, contient des informations inexactes faussement attribuées au
plaignant.
Faits
La plainte porte
sur l’article du reporter François Dowd, publié le 31 juillet 1990, en page 4,
dans Le Journal de Montréal, intitulé «15 Warriors recherchés».
Après avoir pris
connaissance de cet article, M. Robert Monastesse, journaliste et recherchiste
à l’émission 9-1-1 à Télé-Métropole, dépose une plainte au Conseil de presse le
1er août 1990.
L’article de
quelque 75 mots et 6 paragraphes, sur six colonnes, attribue à M. Monastesse,
dans cinq des paragraphes, les renseignements relatifs à 15 Warriors à
Kanesatake et Kahnawake qui sont nommés.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.
Robert Monastesse, affirme que M. François Dowd: – lui a prêté à maintes
reprises des affirmations fausses et exagérées dans son article; – qu’il n’a
jamais été informé que les propos, qu’il avait tenus à M. Dowd lors d’une
conversation téléphonique la veille, étaient recueillis dans le cadre d’une
entrevue et à des fins de publication.
M. Monastesse
estime que M. François Dowd: – a abusé de la confiance qu’il lui prêtait; – a
été malhonnête en omettant de l’informer au préalable qu’il pourrait être cité
dans son article; – a gravement manqué de professionnalisme en rapportant des
informations inexactes et en les lui attribuant faussement.
M. Robert
Monastesse ajoute: – que l’attitude de M. Dowd porte sérieusement atteinte à sa
réputation de journaliste-recherchiste; – que l’article de M. Dowd risque
d’avoir des conséquences néfastes sur la relation de confiance que lui M.
Monastesse a réussi à établir avec les intervenants du milieu judiciaire, tout
au long de sa carrière de plus de 15 ans à titre de reporter sur la scène
judiciaire québécoise; – que, dans un contexte aussi explosif que le
soulèvement d’Oka et de Kahnawake, ce manque de professionnalisme contribue à
créer une confusion parmi les Mohawks et les Warriors, et met en danger sa
propre sécurité dans le traitement futur de ce dossier.
Commentaires du mis en cause
En réponse à la
plainte de M. Monastesse, M. Dowd indique en préambule qu’un conflit entre lui
et M. Monastesse existe depuis 1987, M. Monastesse étant sous l’impression que
lui, François Dowd, était responsable de son renvoi du journal Photo Police, ce
qu’il nie.
Il affirme par
ailleurs que l’entretien téléphonique entre lui et M. Monastesse a duré au
moins trente minutes; il nie donc que M. Monastesse lui a refusé toute forme de
collaboration. Il affirme que les mots qui se retrouvent entre guillemets dans
son article sont ceux prononcés par M. Monastesse.
Il dit que M.
Monastesse lui a raconté son voyage à New York pour y rencontrer des agents du
F.B.I. et ses efforts pour obtenir les noms des Warriors recherchés.
Il ajoute que
son entretien avec M. Monastesse a pris le ton d’une entrevue au moment où M.
Monastesse précisait certains renseignements sur les raisons pour lesquelles
les Warriors en cause étaient recherchés.
Il dit que
l’entretien s’est terminé sur une note amicale et que M. Monastesse ne lui a
pas demandé «de ne pas lui donner crédit dans l’article que j’allais écrire à
cet effet».
M. Dowd convient
que M. Monastesse ne lui a jamais donné les noms des quinze Warriors recherchés
par le F.B.I. si ce n’est lui indiquer qu’il pouvait obtenir les noms d’un
poste de radio montréalais qui avait déjà identifié les Warriors. M. Dowd
indique que l’animateur du poste de radio avait donné le crédit, tout comme lui,
à M. Monastesse pour cette exclusivité.
M. Dowd conclut
en disant avoir écrit un texte tout à fait conforme à l’entrevue que M.
Monastesse lui avait accordée et il dit espérer que le Conseil de presse ne se
fasse pas le juge du conflit de personnalités et d’intérêts qui existe entre
lui et M. Monastesse.
Réplique du plaignant
Dans sa réplique
à la réponse de M. François Dowd, M. Monastesse dit: – qu’un conflit de nature
personnelle n’est pas à l’origine de la plainte, que sa plainte est fondée
uniquement sur un conflit de nature professionnelle; – que la conversation
qu’il a eue avec M. Dowd a pris fin après quelques minutes, tout au plus; –
qu’il n’est jamais allé à New York et qu’il n’a pas rencontré des agents du
F.B.I.; mais que ses informations provenaient d’autres sources; – qu’il
s’interroge sur la possibilité d’une contradiction fondamentale, quand M. Dowd
lui attribue le fait d’avoir donné des noms alors que lui-même (M. Dowd)
confirme dans sa réponse à la plainte que M. Monastesse n’a jamais donné les noms
des 15 Warriors recherchés par le F.B.I.
Analyse
La presse doit prendre toutes les mesures appropriées pour s’assurer de la véracité des faits qu’elle rapporte. Quant au choix et au traitement d’un sujet ou d’un événement, ils relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lequel jugement doit s’exercer en fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle. Par ailleurs, ces décisions ne sauraient être influencées par des inimitiés ou un parti pris à l’égard de personnes.
Dans le présent cas, il s’agit de répondre à deux affirmations du plaignant:
1) Première affirmation du plaignant:
– l’article contiendrait des affirmations fausses et exagérées.
Une fausseté possible de fait serait que le plaignant a donné au défendeur des noms de personnes. Or, dans sa réponse à la plainte, le défendeur admet que le plaignant ne lui a pas donné les noms qu’il a publiés. Toutefois, selon le défendeur, les noms des personnes auraient été rendus publics par un poste de radio, avant la rédaction de son article, et l’information alors attribuée au plaignant, sans que, au dire du défendeur, celui-ci ne se soit objecté.
La cassette audio du poste de radio ne serait plus disponible, selon la réponse donnée à une demande d’accès du Conseil. Par contre, le visionnement de l’émission 9-1-1 du 27 juillet 1990 à Télé-Métropole permet de constater que 14 des 15 noms de Warriors cités dans l’article de François Dowd ont été présentés à l’écran lors de l’émission de télé dès le 27 juillet. Ainsi, 14 des 15 noms cités dans l’article étaient des noms connus du public.
Le Conseil cependant reproche au journaliste François Dowd d’avoir attribué dans son article du 31 juillet 1990 à Robert Monastesse l’origine de l’information sur les noms des Warriors, pour ensuite convenir dans une lettre au Conseil que M. Monastesse ne les lui avait pas donnés.
Une autre fausseté possible serait que le défendeur dans son article aurait maladroitement interchangé l’ordre des noms et des prénoms des personnes nommées. Une comparaison entre les noms cités dans l’article de François Dowd et ceux présentés à l’écran de l’émission 9-1-1 indique neuf divergences sur quatorze, surtout des inversions de noms et de prénoms et des divergences d’épellation. Il s’agirait dans ce cas d’inexactitudes. Or les médias et les journalistes doivent faire preuve d’une grande rigueur intellectuelle et se montrer soucieux d’exposer fidèlement la réalité. Cette rigueur est synonyme, entre autres choses, d’exactitude et de précision.
A cet égard, le Conseil déplore les inexactitudes de l’article du défendeur, en ce qui a trait à certains noms des Warriors soit 9 des 15 noms.
2) Deuxième affirmation du plaignant:
– le plaignant n’a pas accordé d’entrevue officielle au défendeur et n’a jamais été informé que les propos qu’il avait tenus étaient recueillis dans le cadre d’une entrevue et à des fins de publication.
A cet égard, il n’est pas possible au Conseil d’établir avec certitude les modalités et conditions reliées à l’entrevue notamment pour ce qui est de savoir si le journaliste François Dowd tenait ou non de Robert Monastesse tous les renseignements, ou la plupart, que François Dowd lui attribue. Il ressort toutefois des propos du plaignant et du défendeur qu’il y a eu entrevue téléphonique et que des «propos» ont été tenus.
Par ailleurs, l’émission 9-1-1 du 27 juillet 1990 n’indique nulle part que M. Robert Monastesse aurait participé à la préparation de l’émission.
Un journaliste manque à l’éthique professionnelle en omettant de signifier à une personne interrogée, même s’il s’agit d’un autre journaliste, qu’elle pourrait être citée dans son article. Aussi le Conseil reproche-t-il au journaliste François Dowd d’avoir utilisé une tactique qui manquait de «fair play» vis-à-vis un collègue.
Analyse de la décision
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C15A Manque de rigueur
- C23D Tromper sur ses intentions