Plaignant
M. Drasko D.
Pekovic (président, Biomedco Services)
Mis en cause
CBF-AM [SRC,
Montréal] et M. Claude Brunet (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. André
Béliveau (adjoint au directeur général des programmes, CBF-AM [Société
Radio-Canada, Montréal])
Résumé de la plainte
Le 5 octobre
1990, l’émission «Tout compte fait», diffusée à la radio de la Société
Radio-Canada, présente un reportage du journaliste Claude Brunet traitant des
tests de dépistage du sida dans les laboratoires privés, et plus
particulièrement au laboratoire Biomedco Services. Ce reportage rapporte des
informations partiales, incomplètes, citées hors contexte et inexactes au sujet
de cette entreprise et de son président, ce qui porte gravement atteinte à leur
réputation. Par cela, la Société Radio-Canada et son journaliste ont produit
une émission à caractère sensationnaliste, en faisant preuve de malhonnêteté et
d’un manque de professionnalisme flagrant. La mise au point diffusée le 1er
novembre 1990, au sujet d’un élément d’information, ne corrige pas de manière
satisfaisante toutes les inexactitudes du reportage incriminé.
Faits
La plainte
concerne un reportage d’enquête diffusé à la radio de Radio-Canada, le 5 octobre
1990, au magazine d’information sur la consommation Tout compte fait. Le
reportage, signé par le journaliste Claude Brunet, porte sur les tests de
dépistage du sida dans les laboratoires privés, et s’intéresse plus
particulièrement au laboratoire Biomedco Services Inc., de Saint-Laurent, dont
le président est M. Drasko D. Pekovic, le plaignant dans le présent dossier.
Griefs du plaignant
M. Pekovic
reproche au journaliste Claude Brunet et à Radio-Canada d’avoir diffusé des informations
partiales, incomplètes, citées hors contexte et inexactes concernant sa
personne, son entreprise et son service d’analyses de dépistage du sida; et
d’avoir ainsi porté un préjudice grave à sa réputation, à son entreprise et à
son intégrité professionnelle et scientifique. Il estime que M. Brunet et
Radio-Canada ont produit une émission à caractère sensationnaliste, faisant
preuve de malhonnêteté et d’un manque de professionnalisme flagrant.
La plainte
concerne également la mise au point que Radio-Canada a diffusée dans le cadre
de cette émission, le 1er novembre 1990, au sujet d’un élément du reportage. M.
Pekovic considère que celle-ci était tardive et incomplète, et qu’elle n’a pas
corrigé de façon satisfaisante toutes les inexactitudes diffusées à son sujet.
1. La légalité
de la méthode d’analyse de Biomedco
M. Pekovic
reproche au journaliste et à Radio-Canada d’avoir affirmé à plusieurs reprises
que Biomedco utilise une méthode d’analyse de dépistage du sida qui n’est pas
approuvée par le gouvernement fédéral, et que de ce fait, son entreprise
contrevient à la loi. Il indique qu’il est erroné de dire que les méthodes
d’analyse utilisées – plutôt que vendues – par les laboratoires doivent être
approuvées par les autorités gouvernementales.
2. La fiabilité
de la méthode d’analyse
M. Pekovic
reproche à M. Brunet d’avoir qualifié sa méthode de «très douteuse» et de «très
peu fiable». Il indique que rien dans son enquête ne lui permettait de mettre
en doute la validité scientifique et la fiabilité de cette méthode, d’autant
plus que les résultats obtenus dans le cas des échantillons qu’il a apportés en
confirment plutôt la fiabilité.
Il souligne
qu’il n’y a rien d’incorrect à ce que Biomedco ait utilisé au stade du
dépistage, et ce pour plus de fiabilité, le «test Elisa» et la technique
d’immunofluorescence («test IFA»). Quant au réactif utilisé pour ce dernier
test, M. Pekovic fait valoir que ce type de réactif est utilisé par plusieurs
laboratoires dans le monde pour la détection des anticorps, et que cette
approche scientifique a été acceptée et publiée par de nombreux journaux
scientifiques comme étant une approche fiable.
3. L’ordonnance
médicale
M. Pekovic
reproche à M. Brunet d’avoir faussement accusé Biomedco de n’avoir pas exigé
d’ordonnance médicale pour l’analyse des échantillons de sang qu’il avait
apportés, et d’avoir ainsi agi illégalement. Il relate qu’une préposée a
expliqué à M. Brunet que Biomedco ne pouvait procéder à l’analyse du sang sans
une ordonnance médicale appropriée, et qu’elle lui a remis un formulaire de
réquisition d’analyse à être signé par un médecin. Il indique qu’il semble que
c’est M. Brunet, lorsqu’il est revenu peu après, qui a signé le formulaire en
lieu et place d’un médecin. Considérant ce comportement, il trouve curieux
qu’on l’accuse d’agir de façon illégale.
4. L’annonce des
résultats d’analyse
M. Pekovic
renvoie ici aux critiques exprimées dans le reportage pour avoir donné à M.
Brunet les résultats d’analyse de sang au téléphone. Il indique que dans sa
carrière professionnelle et scientifique, il n’a jamais été exposé à un si
grand nombre d’appels téléphoniques visant à obtenir de force les résultats
d’une analyse ou des réponses qui pouvaient par la suite être interprétées
comme la divulgation des résultats. Il souligne que M. Brunet a créé une
situation artificielle et que son comportement n’était pas comparable à la
réalité des relations avec les personnes testées.
Il précise que
Biomedco n’accepte généralement de donner que deux réponses concernant les
résultats d’analyses pour le VIH: un résultat négatif ou un résultat
indéterminé; et qu’il ne déclare jamais à quelqu’un qu’il est séropositif. Il
explique que cette politique est consciencieusement suivie par Biomedco, ce qui
explique pourquoi celui-ci n’a pas de service de soutien ou d’encadrement pour
les personnes, car c’est le Laboratoire de santé publique ou le médecin
traitant qui confirme les résultats aux patients.
5. La méthode
d’enquête du journaliste
M. Pekovic
reproche au journaliste d’avoir utilisé une méthode douteuse, empreinte
d’irresponsabilité et comportant des aspects illégaux, pour mener son enquête
sur Biomedco. Il indique que M. Brunet lui a avoué avoir eu la complicité d’un
médecin et d’un client séropositif. Il trouve curieux que M. Brunet l’accuse
d’agir de façon illégale, alors qu’il a lui-même signé le formulaire de
réquisition pour l’analyse de son sang, en lieu et place d’un médecin, et qu’il
a fait parvenir l’un des deux échantillons de sang chez Biomedco par l’intermédiaire
d’un chauffeur de taxi, et ce, au mépris de la Loi fédérale sur le transport
des substances infectueuses, qui stipule qu’une substance infectueuse doit être
transportée dans un contenant bien défini par cette loi et que le transporteur
doit en être informé.
M. Pekovic
reproche par ailleurs à M. Brunet d’avoir enregistré une partie de leur
conversation à son insu lors de leur rencontre dans son bureau (après que les
analyses du sang aient été effectuées). Il indique que M. Brunet, qu’il croyait
toujours être un client, ne s’est identifié comme journaliste que lorsqu’il
s’en est rendu compte.
6. La
présentation et le traitement de l’information
M. Pekovic
estime que ce reportage a été présenté sur un ton inflammatoire, et d’une façon
généralement tendancieuse, souvent tronquée et parfois erronée, qui laisse
grandement à désirer sur le plan de l’honnêteté intellectuelle. Selon M.
Pekovic, le tout donnait l’impression que le journaliste s’était donné pour
mission de ternir la réputation des laboratoires privés, et particulièrement
celle de Biomedco, pour mieux faire ressortir les qualités du réseau public de
dépistage du sida.
Au soutien de ce
grief, M. Pekovic, exemples à l’appui, s’en prend au montage des entrevues de
divers intervenants et des discussions entre le journaliste et l’animatrice de
l’émission, ainsi qu’à «l’accrocheuse entrée en matière» du reportage :
«L’appât du gain attire les laboratoires privés vers le dépistage du sida. Un
laboratoire privé ne respecte pas la loi, et ce, avec l’approbation du
gouvernement du Québec».
7. M. Pekovic
«laisse croire» qu’il est médecin
M. Pekovic, qui
est docteur en microbiologie et en immunologie, reproche au journaliste d’avoir
affirmé qu’il «laissait croire» qu’il est mécecin. M. Pekovic indique qu’il n’a
jamais fait de fausses représentations à cet égard. Il explique qu’il a reçu
une formation médicale et qu’il a pratiqué la médecine dans son pays natal, la
Yougoslavie, mais que pour des raisons légales qui n’ont rien à voir avec la qualité
de cette formation et son statut de médecin dans ce pays, il ne peut se dire
médecin au Québec.
Commentaires du mis en cause
1. La légalité
de la méthode d’analyse de Biomedco
La Société
Radio-Canada, par l’entremise de M. André Béliveau, adjoint au directeur
général des programmes (Information radio), indique qu’elle a déjà établi sa
bonne foi dans ce dossier en reconnaissant, dans la mise au point du 1er
novembre 1990, avoir diffusé une information inexacte relativement à la
légalité du réactif utilisé par Biomedco.
M. Béliveau
explique que cette affirmation n’a pas été faite à la légère et qu’elle se
fondait sur l’interprétation du Règlement sur les instruments médicaux, telle
qu’elle a été communiquée à M. Brunet par deux sources compétentes et fiables.
Cette interprétation a toutefois été modifiée après la diffusion du reportage,
comme quoi l’utilisation en laboratoire d’un réactif non approuvé ne constitue
pas véritablement une vente de produit, et n’est donc pas illégale.
Quant au délai
écoulé entre la diffusion du reportage et de la mise au point, celui-ci
s’explique par les interprétations contradictoires émanant du ministère fédéral
de la Santé et du Bien-être social et par le fait que les procureurs de
Radio-Canada et de Biomedco ont mis quelque temps à chercher un terrain
d’entente dans cette affaire.
2. La fiabilité
de la méthode d’analyse
Radio-Canada, en
réponse à ce grief, se dit d’avis, au contraire de ce que M. Pekovic affirme,
que les échantillons fournis par M. Brunet n’ont pas été soumis au «test
Elisa», mais seulement au «test IFA», lequel, selon les spécialistes consultés,
produit trop de «résultats indéterminés» et de faux négatifs, et n’est donc pas
une technique valable au stade du dépistage. Celui-ci n’est utilisé que comme
technique de contrôle au stade de la confirmation par le Laboratoire de santé
publique du Québec (celui-ci est responsable de la confirmation de tous les
tests de dépistage du sida effectuées au Québec).
M. Béliveau
argumente également que le réactif mis au point par M. Pekovic n’a pas été
évalué, étudié ou validé par les mécanismes de contrôle gouvernementaux, et
donc, que rien n’en garantissait la fiabilité.
3. L’ordonnance
médicale
Radio-Canada
rétorque que Biomedco invoque «l’erreur honnête» devant la «fraude» de M.
Brunet, qui aurait forgé une ordonnance. Il ajoute que cette version de
«l’erreur honnête» ne tient pas, car personne, chez Biomedco, n’a procédé à la
moindre vérification pour s’assurer que le signataire de la demande d’analyse
était un professionnel habilité par la loi à signer cette ordonnance.
M. Béliveau
conteste par ailleurs la version des faits de M. Pekovic. Il indique qu’aucun
préposé n’a jamais dit au journaliste que l’analyse ne pouvait se faire sans ordonnance
médicale. C’est plutôt un biochimiste qui lui a présenté un formulaire de
réquisition d’analyse en lui disant de signer dans un encadré au bas de la
feuille portant la mention «Médecin-Doctor», et que cette signature a eu lieu
séance tenante, sur place, à la demande et à la connaissance de ce biochimiste.
Toute possibilité de méprise était donc exclue, puisque la relation entre cette
signature (Claude Brunet), qui était parfaitement lisible, et le nom du patient
(Claude Brunet) au haut du formulaire était évidente.
4. L’annonce des
résultats d’analyse
Radio-Canada
explique que l’un des principaux objectifs de cette enquête était de vérifier
dans quelle mesure Biomedco respectait les préceptes reconnus dans ses rapports
avec ses clients. L’un de ceux-ci étant évidemment que l’annonce d’une
«séropositivité» ne doit jamais se faire au téléphone. Il importait donc
d’examiner comment Biomedco annonçait les résultats d’analyse et quelle
structure d’encadrement il avait mis en place pour aider les personnes
séropositives à absorber le choc.
M. Béliveau
souligne que M. Pekovic a bel et bien annoncé au téléphone à M. Brunet que les
tests indiquaient qu’il était séropositif, bien que cela aurait dû être
confirmé par d’autres analyses au Laboratoire de santé publique du Québec. Il
fait valoir qu’il s’agit là d’une entorse importante aux règles habituelles et
que le reportage devait en faire état. Le contraire aurait constitué une
information inexacte et incomplète.
5. La méthode
d’enquête du journaliste
Radio-Canada, en
réponse à ce grief, croit que la pratique du journalisme doit normalement se
faire au grand jour, mais que cette politique reconnaît toutefois qu’il peut
arriver qu’une information importante ne puisse être obtenue autrement que par
le recours à un subterfuge ou à un procédé clandestin. Il fait valoir que les
recherches préliminaires dans le présent dossier indiquaient qu’il y avait lieu
de procéder à des vérifications dans le cas de Biomedco, lesquelles ne
pouvaient être faites par les méthodes ouvertes habituelles.
M. Béliveau
rejette par ailleurs catégoriquement l’allégation de M. Pekovic selon laquelle
M. Brunet et Radio-Canada ont utilisé une méthodologie douteuse. Il indique que
cette enquête a été menée de façon sérieuse et ordonnée. Il souligne, entre
autres, que chaque élément a été vérifié et contre-vérifié. Quant à la question
du transport du sang par taxi, M. Béliveau indique que cette allégation n’a
rien à voir avec la qualité de l’information ou la compétence du Conseil de
presse.
Enfin, M.
Béliveau souligne que Radio-Canada n’a pas abusé du procédé clandestin, ayant
mis cartes sur table dès qu’il en a été possible. Il ajoute par ailleurs que M.
Brunet nie avoir enregistré clandestinement une partie de la conversation dans
le bureau de M. Pekovic. Il explique que M. Brunet a tenu son magnétophone
fermé tant et aussi longtemps qu’il n’a pas divulgué son identité de
journaliste. M. Pekovic lui donnait alors des détails sur la nature des tests.
Après s’être identifié, M. Brunet a demandé une entrevue à M. Pekovic, lequel
s’est prêté à l’enregistrement de celle-ci en toute connaissance de cause.
6. La
présentation et le traitement de l’information
Radio-Canada
rejette catégoriquement ces accusations. Il fait valoir que si à l’écoute,
certains ont pu avoir l’impression que ce reportage défavorisait les uns par
rapport aux autres, la cause n’en est pas dans l’intention du journaliste ou de
Radio-Canada, mais uniquement dans la nature des réalités qui ont été
fidèlement décrites.
Quant au ton
inflammatoire, M. Béliveau remarque qu’il s’agit là d’une notion fort
subjective, et qu’il laisse au Conseil de presse le soin d’apprécier, se
contentant de dire que l’émission en litige avait le même ton que les autres
émissions d’affaires publiques.
En ce qui
concerne «l’accrocheuse entrée en matière», M. Béliveau fait valoir que
celle-ci n’était pas fausse, même après avoir admis dans la mise au point que
le réactif utilisé par Biomedco était légal. Il maintient ce qui a été dit, à
savoir que Biomedco agit dans l’illégalité quand il accepte de faire des
analyses de sang sans ordonnance médicale et qu’il ne respecte pas les règles
d’éthique que se sont données les laboratoires d’analyse en annonçant les
résultats comme il le fait. Et il demeure que cela se fait avec l’approbation
du gouvernement du Québec.
Quant au montage
et à la présentation du reportage, M. Béliveau est d’avis que la présentation
exposait les conclusions avec sobriété, vigueur et clarté et que le montage
reflétait les diverses opinions exprimées par les personnes invitées à faire
connaître leur point de vue.
7. M. Pekovic
«laisse croire» qu’il est médecin
Radio-Canada
réplique que M. Pekovic a répondu très évasivement lorsque M. Brunet lui a
demandé s’il était médecin lors de l’entrevue qu’il lui a accordée. Citant ses
réponses, M. Béliveau remarque qu’il «y a là un flou artistique, des
hésitations, des restrictions mentales, des intonations qui… laissent
croire…». Il fait valoir également que des articles parus dans la presse,
dans lesquels M. Pekovic y est présenté comme médecin ou faisant partie d’un
groupe de médecins, confirment cette opinion qu’il aime bien «laisser croire»
qu’il est médecin.
Analyse
1. La légalité de la méthode d’analyse de Biomedco
Radio-Canada a reconnu ici avoir diffusé une information inexacte en affirmant que Biomedco agissait de façon illégale en utilisant un réactif non approuvé par les autorités fédérales; et a corrigé ultérieurement cette information auprès de ses auditeurs dans une mise au point.
Quoique le Conseil reconnaisse que Radio-Canada s’est acquitté de ses responsabilités en diffusant ce correctif, il y a lieu toutefois de prendre en compte que cette question «d’illégalité» a fait l’objet d’une insistance importante dans le reportage, et partant, que la mise au point qui a été diffusée ne pouvait remédier pleinement aux torts qui auraient pu être causés à Biomedco à cet égard.
2. La fiabilité de la méthode d’analyse
Le Conseil considère que l’affirmation selon laquelle la méthode utilisée par Biomedco est «très douteuse» et «très peu fiable», n’était pas justifiée. L’argument présenté aux auditeurs sur cette question était appuyé sur le fait que le réactif utilisé par Biomedco pour le test IFA n’était pas approuvé par les autorités gouvernementales. Or, si le fait qu’un réactif n’ait pas été approuvé ne garantit pas sa fiabilité, il ne garantit pas non plus, nécessairement, qu’il n’est pas fiable.
Si Radio-Canada disposait de preuves à l’appui de cette affirmation, elle se devait d’en informer les auditeurs. La question de la validité ou de la non-validité d’un procédé scientifique est fort complexe, en plus de faire l’objet d’opinions diverses dans les milieux scientifiques. La façon dont cette question a été présentée dans le reportage et argumentée dans le présent dossier, n’a pas convaincu le Conseil de la justesse de cette affirmation.
3. L’ordonnance médicale
Le Conseil est placé devant des versions contradictoires sur ce qui s’est passé au laboratoire Biomedco au sujet de l’ordonnance médicale, et ne peut donc déterminer si celui-ci a exigé ou non une ordonnance. Cependant, le Conseil estime que le journaliste était justifié de porter une critique sur le fait que Biomedco ne s’est pas assuré de l’origine du sang qui lui était apporté pour analyse, soit en exigeant de faire un prélèvement de sang sur place, soit en exigeant que les échantillons lui soient transmis directement par un médecin ou un professionnel habilité à le faire.
4. L’annonce des résultats d’analyse
Compte tenu de la gravité de l’annonce d’une possible «séropositivité» à une personne, et des conséquences qui peuvent en découler, le Conseil estime que le journaliste était justifié de mettre en cause le fait que M. Pekovic lui a annoncé les résultats des tests d’analyse au téléphone, avant que ceux-ci ne soient confirmés par le Laboratoire de santé publique du Québec, et ce, même si le contexte dans lequel cette annonce a été faite pouvait s’avérer inhabituel.
5. La méthode d’enquête
Les journalistes doivent éviter de recourir à la fausse représentation et à des techniques abusives dans la cueillette de l’information. Il peut toutefois leur être nécessaire, dans des cas très particuliers, de ne pas divulguer leur identité professionnelle, mais ces cas doivent demeurer exceptionnels et toute décision en ce sens doit être justifiée par le caractère d’intérêt public de l’information recherchée.
Cette pratique peut être également justifiée dans le cas du journalisme «de consommation», toujours lorsqu’il est d’intérêt public de le faire, lorsqu’un journaliste veut vérifier les services offerts par une entreprise, et qu’en s’identifiant comme journaliste, il serait susceptible de recevoir un traitement différent de celui qui serait accordé à un client moyen.
Dans le cas présent, le Conseil estime que l’objectif poursuivi par Radio-Canada et le journaliste Claude Brunet de vérifier les services du laboratoire Biomedco en matière de dépistage du sida, pouvait justifier que M. Brunet ne dévoile pas pour un certain temps son identité professionnelle. Le Conseil n’est toutefois pas en mesure d’évaluer, si le journaliste a abusé de cette méthode d’enquête et adopté un comportement qui a pu amener M. Pekovic ou son laboratoire à poser des gestes inhabituels, ou s’il s’est comporté comme un client moyen.
Enfin, en ce qui concerne le grief de M. Pekovic selon lequel M. Brunet aurait enregistré une conversation à son insu dans son bureau, le Conseil ne peut statuer sur cette question compte tenu des versions contradictoires des parties.
6. La présentation et le traitement de l’information
En regard des faits qui ont été présentés et démontrés, le Conseil estime que le ton général de ce reportage était exagérément négatif envers le plaignant et son laboratoire. De plus, le Conseil considère la manchette «L’appât du gain attire les laboratoires privés vers le dépistage du sida: Un laboratoire privé ne respecte pas la loi, et ce, avec l’approbation du gouvernement du Québec», ainsi que des commentaires tels que: «Les scientifiques se transforment en marchands sans scrupules et le bénéficiaire paye de sa poche et de sa santé», «…en plus de maltraiter ses clients, M. Pekovic…», témoignent d’une recherche du sensationnalisme, plutôt que d’une information appuyée véritablement par des faits.
7. M. Pekovic «laisse croire» qu’il est médecin
Le Conseil estime que l’affirmation du journaliste selon laquelle M. Pekovic «laisse croire» qu’il est médecin était abusive et fallacieuse. Le Conseil ne retient pas les arguments de Radio-Canada pour justifier cette affirmation. Au contraire, M. Pekovic a répondu clairement aux questions de M. Brunet à cet égard lors de l’entrevue qu’il lui a accordée. Quant aux articles de presse mentionnés par Radio-Canada, ceux-ci constituent, de l’avis du Conseil, une base bien peu solide pour tirer une telle conclusion.
Conclusion générale
En somme, le Conseil estime que Radio-Canada et le journaliste Claude Brunet n’ont pas démontré de façon satisfaisante qu’il était justifié de produire un reportage aussi négatif sur le laboratoire Biomedco et son président, M. Drasko D. Pekovic.
Il ressort de l’étude de ce dossier, que les seuls véritables torts que l’on peut reprocher à M. Pekovic sont d’avoir annoncé à M. Brunet, au téléphone, des résultats indiquant une «séropositivité», et de ne pas s’être assuré avec certitude de l’origine du sang qui lui était apporté pour analyse. Les affirmations selon lesquelles la méthode d’analyse de Biomedco est «très douteuse» et «très peu fiable», et que M. Pekovic «laisse croire» qu’il est médecin, n’ont pas été appuyées, de l’avis du Conseil, par des faits qui le démontrent de façon sûre, tant dans le reportage qui a été diffusée que dans la réponse de Radio-Canada à cette plainte. Aussi, après avoir pris en considération l’ensemble des éléments de ce dossier, le Conseil estime qu’il y a lieu d’adresser un reproche à Radio-Canada et au journaliste Claude Brunet.
Analyse de la décision
- C03C Sélection des faits rapportés
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C15C Information non établie
- C23C Recours à une fausse identité
- C23E Enregistrement clandestin