Plaignant
M. Jean-Pierre
Charbonneau (éditorialiste, L’Oeil Régional [Beloeil]); M. Daniel Tremblay
(journaliste, L’Informateur des Monts [Saint-Basile-Le-Grand])
Mis en cause
L’Informateur
des Monts [Saint-Basile-Le-Grand] et M. Daniel Tremblay (journaliste); L’Oeil
Régional [Beloeil], M. Jean-Pierre Charbonneau (éditorialiste), M. Guy Gilbert
(directeur général), Mme Carole Pronovost (rédactrice en chef), et M. Michel
Auclair (président, Les Hebdos Montérégiens)
Représentant du mis en cause
M. Benoît
Duchesne (directeur général, L’Informateur des Monts [Saint-Basile-Le-Grand]);
M. Guy Gilbert (directeur général, L’Oeil Régional [Beloeil])
Résumé de la plainte
M. Jean-Pierre
Charbonneau reproche à quatre articles et un éditorial de M. Daniel Tremblay,
publiés entre le 24 février et le 10 mars 1991 dans L’Informateur des Monts, de
le discréditer indûment auprès de la population. Dans ces textes, le
journaliste démontre un parti pris flagrant et laisse planer des malentendus,
sans avoir cherché à obtenir sa version des faits. Pour sa part, le journaliste
Daniel Tremblay reproche à M. Charbonneau de vouloir nuire à sa réputation dans
un éditorial publié par L’Oeil Régional le 2 mars 1992. Il reproche également à
la rédactrice en chef de ce journal, Mme Carole Pronovost, d’avoir signé le 16
mars un article faisant état de la plainte de M. Charbonneau au Conseil de
presse, sans expliquer le rôle de cet organisme et avant même que la plainte ne
soit officiellement déposée.
Faits
Le Conseil de
presse a décidé de traiter ensemble les plaintes qui lui ont été adressées par
M. Jean-Pierre Charbonneau et M. Daniel Tremblay.
La plainte de M.
Charbonneau porte sur quatre articles et un éditorial de M. Daniel Tremblay,
publiés entre le 24 février et le 10 mars 1991. Ceux-ci sont titrés: – «En
écrivant une lettre à Bernard Landry du Rwanda: J.P. Charbonneau posait les
jalons de son retour en politique» (24 février 1991); – « »Une minorité
travaille au retour de Jean-Pierre Charbonneau dans le comté »: Claude
Théberge» (24 février 1991); – « »Il n’y a aucun rapport entre les troubles
de l’exécutif et le militantisme pour J.P. Charbonneau »: Jean-Marie Danis,
PQ de Verchères» (3 mars 1991); – «J.P. Charbonneau à la C.C.V.R.: Son
retour… du Rwanda» (3 mars 1991); – «Le dilemme de Jean-Pierre: Etre juge et
partie à la fois…» (éditorial 10 mars 1991).
La plainte de M.
Tremblay porte sur un article de Mme Carole Pronovost et un éditorial de M.
Jean-Pierre Charbonneau publiés dans le journal L’Oeil Régional. Ceux-ci sont
titrés: – «Jean-Pierre Charbonneau dépose une plainte au Conseil de presse» (16
mars 1991); – «L’Informateur tendancieux!» (2 mars 1991);
Griefs du plaignant
Les plaignants s’accusent
mutuellement d’avoir manqué à l’éthique professionnelle en publiant des
articles non conformes aux faits sans obtenir la version du mis en cause et
dont le but était de discréditer l’autre.
Plainte de M.
Jean-Pierre Charbonneau:
M. Charbonneau
reproche au journaliste Daniel Tremblay et au journal L’Informateur des Monts,
d’avoir rédigé et publié des «textes tendancieux visant à (le) discréditer
auprès de la population (qu’il a) servie pendant treize ans à titre de député
de Verchères à l’Assemblée nationale du Québec». Il reproche particulièrement
au journaliste son parti-pris basé sur des renseignements fragmentaires sans
avoir jamais cherché à obtenir sa version des faits; d’avoir laissé planer des
malentendus et d’avoir confondu les genres journalistiques.
Selon M.
Charbonneau, M. Tremblay a affirmé qu’il préparait son retour en politique
depuis longtemps, et que même du Rwanda il avait posé les jalons de sa rentrée.
Le journaliste a laissé entendre que M. Charbonneau ne serait pas étranger à la
lutte de pouvoir qui secoue le Parti québécois du comté. Selon M. Charbonneau,
ces affirmations ont été faites dans le but de le discréditer.
Plainte de M.
Daniel Tremblay:
M. Tremblay
reproche à M. Charbonneau, à la rédactrice en chef Mme Carole Pronovost, au
directeur général, M. Guy Gilbert, et au président des Hebdos Montérégiens, M.
Michel Auclair, d’avoir publié un article («Jean-Pierre Charbonneau dépose une
plainte au Conseil de presse») visant à discréditer un journaliste dans
l’exercice de ses fonctions.
Selon M.
Tremblay, il est clair que M. Charbonneau et le journal L’Oeil Régional se sont
entendus pour nuire à sa réputation d’abord en éditorial («L’Informateur
tendancieux!»), puis en publiant un article faisant état d’une plainte au Conseil
de presse sans expliquer le rôle du Conseil et avant même que la plainte ne
soit officiellement déposée.
En résumé, les
deux plaignants estiment qu’il y a eu atteinte délibérée à leur réputation et
manquement à l’éthique journalistique.
Commentaires du mis en cause
Réponse à la
plainte de M. Charbonneau:
Pour la défense
du journaliste Daniel Tremblay, le directeur général de L’Informateur des
Monts, M. Benoît Duchesne, est d’avis qu’en aucun temps, compte tenu du manque
de ressources de son journal, celui-ci peut-il se permettre «d’éclabousser qui
que ce soit». Selon M. Duchesne, la plainte de M. Charbonneau s’inscrit dans un
contexte «de concurrence acharnée», et, à son avis, la réaction de M.
Charbonneau, sa plainte au Conseil de presse et son éditorial «L’Informateur
tendancieux!» relèvent de la paranoïa.
Selon M. Daniel
Tremblay, il n’y a pas eu campagne de salissage, et l’éthique journalistique a
été respectée. Il affirme s’en être tenu aux faits, alors que la démarche de M.
Charbonneau visait explicitement à l’empêcher de faire son travail et
d’informer le public des événements.
M. Tremblay
reconnaît s’être servi de l’éditorial pour répondre aux attaques de M.
Charbonneau: «Il ne me restait plus que l’éditorial pour répondre aux attaques
tendancieuses, et pour clarifier la situation». Quant aux accusations de
confusion des genres, M. Tremblay souligne que l’éditorial était clairement
identifié.
Réponse à la
plainte de M. Tremblay:
Mme Carole
Pronovost, rédactrice en chef, M. Guy Gilbert, directeur général de L’Oeil
Régional, et M. Michel Auclair, président des Hebdos Montérégiens, rejettent
catégoriquement toute allégation de complicité visant à nuire à qui que ce
soit. Selon Mme Pronovost, il était parfaitement normal de publier dans son
journal la plainte adressée au Conseil de presse par M. Charbonneau, et il n’y
avait là aucune malice de la part du journal.
Selon M.
Jean-Pierre Charbonneau, la décision de porter plainte au Conseil de presse n’a
rien à voir avec un complot. Il s’agissait de faire cesser une campagne de
presse négative à son endroit. M. Charbonneau demeure convaincu qu’il
s’agissait bel et bien «d’une opération de salissage visant à contrer de façon
préventive, selon les intérêts des gens qui y sont opposés, un éventuel retour
en politique».
M. Charbonneau
reconnaît qu’il n’a pas cherché à obtenir la version des faits de M. Tremblay,
parce que «j’ai jugé qu’il n’y avait rien à espérer de correct à le contacter.
D’autant plus que je savais que ses patrons, messieurs Duchesne et Desrosiers,
sont des adversaires de longue date au plan politique».
Analyse
Le Conseil de presse rappelle à MM. Jean-Pierre Charbonneau et Daniel Tremblay, L’Oeil régional et L’Informateur des Monts, que la liberté de presse dont jouissent les médias québécois est un bien précieux. Cette liberté s’accompagne de la responsabilité de diffuser une information conforme aux faits et qui soit d’intérêt public. De plus, les principes qui régissent la presse, comme le recours au droit de réplique, ne peuvent être ignorés.
Dans le cas présent, le Conseil considère que les journalistes impliqués et leur direction ont utilisé la presse pour véhiculer une information partisane qui relevait du domaine personnel et qui n’était d’aucun intérêt public.
Le Conseil estime que MM. Tremblay et Charbonneau ont abusé de leur liberté d’éditorialiste. Le Conseil tient à leur rappeler que l’éditorialiste doit en tout temps respecter les faits et la réputation des personnes. Ils doivent faire tout en leur pouvoir pour maintenir aux yeux de leurs lecteurs leur qualité d’analyste «au-dessus de la mêlée», capable d’apporter un éclairage neuf sur des situations souvent controversées où des points de vue très partisans s’affrontent.
En conclusion, le Conseil adresse un reproche à MM. Tremblay et Charbonneau pour avoir détourné la presse des fins qu’elle doit servir en sacrifiant l’intérêt public à des intérêts partisans.
Analyse de la décision
- C22H Détourner la presse de ses fins
Date de l’appel
21 December 1994
Appelant
M. Jean-Pierre Charbonneau
(éditorialiste, L’Oeil Régional [Beloeil]); M. Daniel Tremblay (journaliste,
L’Informateur des Monts [Saint-Basile-Le-Grand])
Décision en appel
Le conseil
d’administration du Conseil de presse a changé un décision rendue par son
tribunal d’honneur à la suite d’une recommandation de sa commission d’appel.
Alors que les deux plaignants, MM. Jean-Pierre Charbonneau et Daniel Tremblay,
avaient été l’objet d’un reproche commun par le tribunal d’honneur du Conseil
en février dernier, la décision révisée en septembre lève le reproche adressé à
M. Daniel Tremblay et maintient celui à M. Jean-Pierre Charbonneau.
Ainsi, le
Conseil de presse reconnaît maintenant que le journaliste Daniel Tremblay,
alors qu’il était à l’emploi de l’hebdomadaire L’Informateur des Monts de
Saint-Basile-Le-Grand, n’a pas détourné la presse des fins qu’elle doit servir
ni sacrifié l’intérêt public à des intérêts partisans dans quatre articles et
un éditorial publiés entre le 24 février et le 10 mars 1991.
Analyse de la décision en appel
- C22H Détourner la presse de ses fins