Plaignant
Le Conseil du
patronat du Québec
Représentant du plaignant
M. Ghislain
Dufour (président, Conseil du patronat du Québec)
Mis en cause
CJMS-AM
[Radiomutuel, Montréal], M. Paul Arcand (journaliste) et M. Claude Jasmin
(animateur)
Représentant du mis en cause
M. Michel Arpin
(vice-président planification, Radiomutuel [Montréal])
Résumé de la plainte
Au cours de
l’émission «Face à face» du 3 avril 1991, diffusée sur les ondes de CJMS,
l’animateur Claude Jasmin et le journaliste Paul Arcand tiennent des propos
offensants et non professionnels à l’endroit du plaignant, après que ce dernier
eût refusé de participer à leur émission.
Faits
La plainte concerne
l’émission «Face à face» du 3 avril 1991. Elle porte sur des propos de
l’animateur Claude Jasmin et du journaliste Paul Arcand, au sujet d’une demande
d’entrevue qui a été formulée auprès du Conseil du patronat du Québec et de son
président, Ghislain Dufour. Ils lui faisaient grief d’avoir, par la voix de son
attachée de presse, refusé de participer à leur émission, pour y parler de sa
position en matière de référendum sur la souveraineté du Québec:
– Paul Arcand:
«[…] (on) nous a dit: écoutez, en cinq minutes peut-être, mais dialoguer avec
le peuple, vraiment… Tu sais, le mépris, le mépris. Il est épuisé par
Bélanger-Campeau, alors, le peuple… Alors, chers amis du peuple, vous avez
évité de justesse Dufour».
– Claude Jasmin:
«Et vive le peuple! Et vive l’agora publique!»
– Paul Arcand:
«Mais Ghislain ne veut pas causer, alors il va vivre avec sa démocratie tout
seul».
Griefs du plaignant
M. Ghislain
Dufour reproche à MM. Jasmin et Arcand d’avoir tenu des propos offensants et
non professionnels à son endroit… des propos que, dans une demande de
correction adressée à CJMS, il qualifie par ailleurs d’injustes, choquants,
inacceptables et intellectuellement malhonnêtes.
M. Dufour
explique que son agenda ne lui permettait pas d’aller, en studio, participer à
l’émission «Face à face». A la recherchiste qui l’avait contacté, son attachée
de presse avait donc offert une entrevue de 5 minutes avec M. Dufour, en début
d’émission.
Il estime,
enfin, qu’il n’avait pas à abandonner toutes ses activités pour se mettre au
service de MM. Arcand et Jasmin et que, «s’ils essuient un refus de la part
d’un invité, ils n’ont pas à le démolir en ondes».
Commentaires du mis en cause
Le secrétaire et
vice-président, planification, de Radio-Mutuel, M. Michel Arpin, ne voit rien de
vexatoire dans les propos de MM. Jasmin et Arcand, puisque M. Dufour, à titre
de personnalité publique, a l’obligation d’expliciter sa position sur un sujet
aussi délicat que l’avenir constitutionnel des Québécois.
Il croit
également que le fait que M. Dufour soit disponible pour une entrevue, mais
jamais pour participer à une émission de ligne ouverte, peut laisser perplexe
et devenir d’intérêt public. C’est, dit-il, «ce que messieurs Jasmin et Arcand
ont cru et transmis à leurs auditeurs».
Réplique du plaignant
M. Dufour
rétorque qu’en démocratie, aucun média électronique ne peut exiger qu’un invité
participe à une émission, pour expliquer sa position, surtout lorsque cette
position ne vise pas un média en particulier et lorsque l’invité doit prendre
«des centaines de positions par année». Il ajoute que, dans ce dossier précis,
de nombreuses stations de radio ont accepté une entente semblable à celle que
l’on avait proposée à CJMS.
Par ailleurs, il
souligne qu’il n’hésite jamais à participer aux divers débats publics, ce qui
rend presque ridicule l’affirmation selon laquelle son refus de participer à
«Face à face» sème le doute sur sa volonté de défendre son point de vue sur la
question d’un référendum. Toutefois, dit-il, il a certains horaires à respecter
et il a le droit «d’accepter ou de refuser une invitation sans se faire servir
des propos démagogiques».
Analyse
De façon générale, autant les médias ont le droit de traiter ou de ne pas traiter une information qui leur est transmise, autant les personnes publiques ont le droit d’accepter ou de refuser une invitation qui leur est faite par un média. Et de la même façon qu’on ne peut pas faire grief à un média de choisir de traiter ou de ne pas traiter une information, on ne peut pas faire grief à une personne publique d’accepter ou de refuser une invitation d’un média.
Dans le cas qui nous occupe, il apparaît que M. Dufour, par la voix de son attachée de presse, a refusé de participer à la ligne ouverte de l’émission «Face à face», mais qu’il a offert une entrevue aux animateurs… ce qu’ils ont décliné de plein droit.
Dans ce contexte, MM. Jasmin et Arcand avaient le droit de faire état publiquement du choix de M. Dufour, mais ils n’avaient pas le droit d’en profiter pour le ridiculiser.
Pour cette raison, le Conseil déplore une telle façon de faire de MM. Paul Arcand et Claude Jasmin.
Analyse de la décision
- C17D Discréditer/ridiculiser