Plaignant
Urgences Santé
Représentant du plaignant
M. Pierre
Lamarche (président et directeur général, Urgences Santé)
Mis en cause
TVA [Montréal]
et Mme Andrée Ducharme (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Philippe
Lapointe (rédacteur en chef, Information, TVA [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans des
reportages diffusés les 13 et 14 mai 1991 au réseau TVA, sous les titres «Les
employés d’Urgences santé dénoncent le gaspillage» et «La gestion d’Urgences
santé», la journaliste Andrée Ducharme présente des faits non vérifiés, non
fondés ou qui ne sont pas mis en contexte, en plus de rapporter des témoignages
anonymes dont la validité demeure douteuse. Le réseau TVA ne donne pas suite
aux trois demandes de rectification ou de mise au point de la plaignante.
Faits
La plainte
concerne deux reportages (de 2 minutes 23 et de 2 minutes 38) réalisés par
Andrée Ducharme, diffusés à l’antenne du réseau TVA les 13 et 14 mai 1991. Ces deux
reportages dénoncent la politique de la Corporation d’Urgences Santé qui serait
à l’origine d’un «gaspillage de temps et d’argent». Pour appuyer ses propos, la
journaliste Andrée Ducharme fait état des dépenses effectuées par la
Corporation, mais dénonce également la mauvaise organisation des secours, à
l’aide de sources anonymes. C’est contre ces deux critiques qu’Urgences Santé
porte plainte.
Griefs du plaignant
M. Pierre
Lamarche, président et directeur général de la Corporation d’Urgences Santé de
la région de Montréal métropolitain estime que ces deux reportages «rapportent
des faits non vérifiés, non fondés ou qui ne sont pas situés dans le temps ni
mis en rapport avec la fréquence des urgences des interventions faites par
Urgences Santé». De ce fait, l’intégrité même des personnes qui oeuvrent dans
cet organisme serait atteinte, dans la mesure où les reportages diffusés
laisseraient planer une «impression d’absence de contrôle et de comportements
déviants».
D’autre part, M.
Lamarche s’indigne du fait que trois démarches successives entreprises par
Urgences Santé, les 14, 15 et 17 mai 1991, n’aient donné lieu à aucune
rectification ou mise au point de la part du réseau TVA.
Les griefs de la
partie plaignante concernent donc certaines informations, contenues dans les
propos de la journaliste à l’occasion des deux reportages, et qui seraient
considérées comme incorrectes. Les critiques et les modifications apportées par
M. Pierre Lamarche sont exprimées en détail dans la plainte adressée au Conseil
de presse. De plus, dans une lettre adressée à Andrée Ducharme, le 14 mai 1991,
Pierre Lamarche met également en doute la validité des témoignages anonymes qui
ont alimenté ce reportage.
En conclusion,
la Corporation d’Urgences Santé met en cause le sérieux et la rigueur du
travail journalistique du service d’information de Télé-Métropole à l’occasion
de ce dossier.
Commentaires du mis en cause
M. Philippe
Lapointe, alors rédacteur en chef, Information, expose la position de
Télé-Métropole dans une lettre adressée au Conseil de presse. Selon lui, il est
inutile de répondre point par point aux 19 éléments de contestation exprimés
par M. Pierre Lamarche, dans la mesure où ceux-ci traduiraient plutôt une
vision différente de ce dernier du dossier Urgences Santé, qu’une véritable
dénonciation des faits.
En outre, M.
Lapointe répond que les reportages d’Andrée Ducharme sont le fruit d’un travail
journalistique sérieux puisque fondé sur l’étude de sources et de documents
«multiples, sérieux et crédibles», dont l’authenticité a été vérifiée.
Ces sources et
documents sont constitués principalement:
– du rapport de
Coster; – de l’étude des crédits du ministère de la Santé et des Services
sociaux en commission parlementaire (le 16 avril 1991); – de la proposition de
concordat de la Coopérative des travailleurs des services ambulanciers du
Montréal métropolitain; – de plusieurs rapports internes remis par des employés
d’Urgences Santé; – de cinq autres sources que, mis à part une seule,
Jean-Jacques Desrochers, Télé-Métropole a jugé préférable d’en conserver
l’anonymat.
Enfin, le
service de l’information de Télé-Métropole n’a pas jugé utile de diffuser la
mise au point du directeur d’Urgences Santé, estimant que sa position était
déjà amplement connue, notamment à l’occasion d’un reportage, uniquement
consacré à sa version des faits, diffusé sur les ondes de TVA lors de la
publication du rapport de Coster le 18 avril 1991.
Le service de
l’information de Télé-Métropole estime donc que la plainte de M. Lamarche est
sans fondement, et rappelle que le mandat de ce réseau est de développer la
nouvelle non officielle, de dépasser le simple compte rendu de conférences de
presse.
Analyse
Les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète et conforme aux faits et aux événements, même si cela doit aller à l’encontre d’une information officielle. Pour ce faire, les médias doivent vérifier les informations qu’ils se procurent et s’assurer de leur crédibilité. La rigueur intellectuelle et professionnelle dont doivent faire preuve les médias et les journalistes constitue donc la garantie d’une information de qualité, qui doit aider le public à porter des jugements éclairés.
Les médias doivent toutefois favoriser pour les personnes ou les groupes mis en cause la possibilité de réagir et de faire connaître leur mise au point, afin de permettre au public de faire la part des choses.
Enfin, la confidentialité des sources d’information ne peut nullement être contestée, si celle-ci sert à protéger les individus d’une quelconque forme de représailles, à la suite d’informations qu’ils auraient livrées.
1. A propos de la critique exprimée par M. Lamarche à l’encontre de l’utilisation de sources anonymes, le Conseil de presse ne peut donner suite, dans la mesure où la confidentialité des sources d’information des médias et des journalistes est essentielle à la liberté de la presse et au droit à l’information.
2. Pour ce qui est des informations diffusées dans les deux reportages, jugées incorrectes par la partie plaignante, le Conseil ne peut statuer sur cet aspect de la plainte étant placé devant des versions divergentes de la part des parties.
3. Le Conseil de presse reproche toutefois que les deux reportages n’aient pas présenté une information véritablement complète, couvrant dans la mesure du possible toutes les facettes de la question. Le Conseil constate que, dans la présentation des deux reportages, la journaliste n’a présenté qu’une partie de l’information – principalement illustrée par des propos confidentiels et des dossiers critiques à l’encontre d’Urgences Santé – et non pas des opinions diverses, qui auraient été pertinentes, eu égard au type de question polémique abordée. Le Conseil estime donc que les deux reportages n’offrent qu’une vision du dossier, qui peut induire le téléspectateur en erreur, par un manque d’éléments, dans la mesure où le point de vue de la défense n’est pas exprimé.
4. A ce titre, l’argument présenté par Télé-Métropole selon lequel le directeur Pierre Lamarche avait déjà eu la possibilité d’exprimer la position officielle d’Urgences Santé sur les ondes de TVA, à l’occasion du rapport de Coster le 18 avril 1991, n’est pas recevable. Ce reportage est bien antérieur à ceux diffusés les 13 et 14 mai 1991. Il ne peut donc pas être considéré comme une mise au point pour ce qui aurait pu être dit par la suite.
En conclusion, le Conseil de presse reconnaît le droit au respect de la confidentialité des sources, mais déplore le manque d’équilibre dans le traitement de l’information présentée par les deux reportages.
Les médias sont à la fois journalistes et citoyens. Le Conseil de presse invite donc les médias à prendre en considération le devoir d’agir équitablement en matière de droit de réponse pour permettre à toutes les parties d’exprimer leur position, et ainsi offrir au public une vision la plus large possible.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre