Plaignant
Centre de
services sociaux de Québec [CSSQ]
Représentant du plaignant
M. Jean Rousseau
(directeur général, Centre de services sociaux de Québec [CSSQ])
Mis en cause
Le Journal de
Québec et Mme Nathalie Roy (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Jean-Claude
L’Abbée (éditeur, Le Journal de Québec)
Résumé de la plainte
La journaliste
Nathalie Roy mène une campagne de désinformation à l’endroit de la Direction de
la protection de la jeunesse (DPJ) et de son directeur pour la région de
Québec, M. Jean Rousseau, dans cinq articles publiés les 11 et 12 août 1991 par
Le Journal de Québec. Ces articles rapportent le cas d’une fillette victime
d’un incident puis confiée à la DPJ. La journaliste traite ce sujet en faisant
preuve d’un manque de rigueur.
Faits
La plainte fait
référence à des articles parus les 11 et 12 août 1991 dans Le Journal de Québec,
sous la signature de Mme Nathalie Roy. Ceux-ci font suite à la découverte d’une
fillette de deux ans, sur le trottoir de la rue la Salle, à Québec, le soir du
9 août 1991. Celle-ci souffre d’une fracture à la jambe. Les policiers qui sont
appelés sur les lieux concluent qu’elle est tombée de la fenêtre de sa chambre,
au troisième étage. Puisqu’ils ne trouvent personne à cet endroit, ils confient
la fillette à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), après l’avoir
conduite à l’hôpital.
L’article du 11
août 1991:
Le 11 août, en
première page et sur fond de photo couleur, le journal titre en lettres rouges:
«La DPJ lui interdit de voir sa fille». Apparaît aussi, en titre superposé et
en caractères évidés, la mention: «Tombée du 3e».
En page 2, avec
photo et sous le titre: «Je veux papa! Je veux papa!», apparaît un article qui
raconte le désarroi de l’enfant qu’une infirmière emporte dans un autre local,
pour éviter qu’elle soit en contact avec son père.
Enfin, en page
3, sous les titres: «Une fillette tombe du 3e» et «La DPJ ordonne à l’hôpital
de ne rien communiquer au père», on raconte que la DPJ refuse de dire au père
dans quel état se trouve sa fille, qui est tombée sur un trottoir, depuis le
logement paternel, le soir du 9 août. Suit la relation des événements, depuis
la chute de la fillette.
L’article du 12
août 1991:
Le 12 août, en
haut de la première page et avec photo, apparaissent le titre superposé: «La
petite Méliza», et le titre, en gros caractères bleus: «La DPJ dénoncée».
En page 3,
entourés d’un cadre et coiffés du même titre superposé, on trouve deux articles
intitulés: «La DPJ fait volte-face et autorise le père à voir sa fille blessée»
et «Me Saint-Laurent, indignée: « C’est un abus de pouvoir! »».
Le premier
article fait état de la rencontre du père avec sa fillette, dans une chambre
d’hôpital, et de ses démêlés avec la DPJ. Le deuxième article rapporte le
propos de l’avocate du père qui s’indigne du comportement de la DPJ et qui
décrit la peur que, selon elle, l’organisme suscite chez les gens défavorisés.
Griefs du plaignant
Après avoir
analysé en détails les articles de Mme Roy, le Centre de services sociaux de
Québec (CSSQ), responsable de l’application de la Loi sur la protection de la
jeunesse dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches, conclut qu’ils
sont inexacts et tendancieux. Le CSSQ estime que le travail de la journaliste
manquait de rigueur et constituait une campagne de désinformation à l’endroit
de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) et de son directeur
régional, M. Alfred Couture.
Selon M. Jean
Rousseau, alors directeur général de la CSSQ, Mme Roy aurait évité de
mentionner des faits susceptibles de clarifier la situation et les
circonstances dans lesquelles s’inscrivait la décision de la DPJ. Elle aurait
aussi tu certains éléments d’information, obtenus de M. Couture, qui auraient
contredit la version du père de la fillette. Enfin, elle aurait insinué que la
DPJ et son directeur mentaient.
Commentaires du mis en cause
Pour Le Journal
de Québec, tout cela est affaire de linguistique, de lexicologie, de sémiologie
et de grammaire. L’éditeur, M. Jean-Claude L’Abbée, estime que Mme Roy a fait
son travail de manière professionnelle, compte tenu des circonstances et des
informations qui lui étaient disponibles. Il rappelle aussi que son journal a
consacré de nombreux autres articles relatifs à la DPJ et au dossier des 11 et
12 août et, qu’ainsi, il a pu «présenter, dans l’ensemble, la version et les
prétentions de toutes les parties». M. L’Abbée transmet également les
explications détaillées de la journaliste Nathalie Roy en réponse aux éléments
soulevés dans l’analyse des articles par la DPJ.
Analyse
Le décision de rapporter une nouvelle et l’angle de traitement de celle-ci relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes. Ceux-ci doivent toutefois livrer une information impartiale, équilibrée, et conforme aux faits et aux événements. Ils doivent également faire preuve de prudence et de discernement lorsque une nouvelle met en cause des personnes mineures impliquées dans des événements dramatiques.
Dans le cas présent, le Conseil estime que les articles des 11 et 12 août 1991 tiennent davantage d’une charge à l’encontre de la DPJ que d’une information équilibrée et impartiale sur l’affaire rapportée. Celle-ci a été traitée principalement à partir de la perspective du père de la fillette, en omettant de situer dans leur contexte les décisions et les agissements de la DPJ. Ce traitement a eu pour conséquence d’orienter l’opinion des lecteurs plutôt que de leur livrer une information leur permettant de comprendre et de se former une opinion éclairée sur l’incident et les agissements de la DPJ.
De plus, les articles contiennent des informations contradictoires, notamment en ce qui concerne les communications entre le père et la DPJ. Le Conseil estime que la manière dont cet aspect a été traité ne permet pas au public de situer ces contradictions de façon à ce qu’il puisse tirer une information claire, plutôt que confuse, sur les points de vue des parties à cet égard.
Le Conseil adresse donc un reproche au Journal de Québec et à la journaliste Nathalie Roy pour le manque d’équilibre et d’impartialité dont témoignent les articles mis en cause dans cette plainte, et ce, malgré le fait que le journal ait publié de nombreux articles sur le suivi du dossier, signés par d’autres journalistes, et que ces articles aient pu contribuer à rétablir une vision plus équilibrée de l’affaire.
Par ailleurs, bien que la partie plaignante n’ait pas insisté sur ce fait, le Conseil blâme le Journal de Québec pour avoir identifié la fillette mise en cause dans cette histoire, d’autant plus que ce dossier était alors traité dans le cadre de la Loi de la protection de la jeunesse. Il était d’ailleurs faux d’écrire dans l’article du 11 août 1991 que la loi autorisait le journal à nommer l’enfant et ses proches. Le Conseil rappelle que les médias devraient s’abstenir d’identifier les personnes mineures impliquées dans de tels dossiers, compte tenu des répercussions négatives que cela peut avoir sur leur vie actuelle et future.
Analyse de la décision
- C13A Partialité
- C16B Divulgation de l’identité/photo