Plaignant
Département de
santé communautaire du Centre hospitalier de Verdun; Département de santé communautaire
de l’Hôpital général Lakeshore
Représentant du plaignant
M. Marcel-Paul
Tenenbaum (DDS, M.Sc., Centre hospitalier de Verdun, Département de santé
communautaire) et Jean-Robert Vincent (DDS, M.Sc., Centre hospitalier de
Verdun, Département de santé communautaire); M. John Osterman (directeur,
Hôpital général Lakeshore, Département de santé communautaire)
Mis en cause
Protégez-Vous
[Montréal] et Mme Carole Hébert (journaliste)
Représentant du mis en cause
Mme Lise
Bergeron (rédactrice en chef, Protégez-Vous [Montréal])
Résumé de la plainte
Protégez-Vous
modifie le texte original du reportage «La santé dentaire des jeunes», paru
sous la signature de Mme Susan Hirshorn dans son édition du mois d’octobre
1991. Le magazine ajoute au reportage des informations fausses, sans indiquer
ces changements, ni consulter ou aviser son auteur. Les correctifs publiés par
Protégez-Vouse s’avèrent insatisfaisants tant par leur contenu que par la place
qu’ils occupent.
Faits
Deux plaintes
ont été déposées au Conseil de presse concernant un reportage publié dans l’édition
du mois d’octobre 1991 du magazine Protégez-Vous. Celui-ci est intitulé «La
santé dentaire des jeunes», et porte la signature de Mme Susan Hirshorn. Les
plaignants reprochent au magazine d’avoir modifié le texte original de Mme
Hirshorn et d’y avoir ajouté des informations fausses.
Dans la mesure
où les deux plaintes présentent les mêmes motifs de griefs, le Conseil de
presse a choisi de les traiter ensemble.
Griefs du plaignant
Selon les
plaignants, «d’importants ajouts au texte original de Susan Hirshorn ainsi que
de fausses assertions et des modifications importantes» auraient été effectués
par la rédaction de Protégez-Vous, sans que celle-ci n’ait clairement signifié
à ses lecteurs que le texte original avait subi des modifications. Or, ces modifications
auraient entraîné une déformation de la pensée de l’auteure, sans que cette
dernière en soit avisée ni consultée.
Les plaignants
reprochent à la revue Protégez-Vous:
– d’avoir
modifié le texte original de Mme Hirshorn par les ajouts d’une journaliste de
la rédaction de Protégez-Vous, Mme Carole Hébert, sans avoir consulté
préalablement l’auteure. Ces modifications donneraient au texte un sens parfois
contraire à la pensée initiale de l’auteure. D’autre part, certains chiffres
reproduits seraient faux;
– d’avoir inséré
les déclarations du Dr Guy Duquet dans le texte de Mme Hirshorn, alors que
celle-ci ne l’aurait jamais rencontré, lesdites déclarations allant à
l’encontre des propos de l’auteure;
– d’avoir mal
rapporté les commentaires du Dr Tobin;
– de ne pas
avoir présenté toutes les facettes à propos de certaines déclarations sur le
fluor, conduisant ainsi à induire le lecteur en erreur;
– d’avoir
volontairement présenté un point de vue partial sur la question de la santé
dentaire.
En conclusion,
les plaignants considèrent que l’article une fois modifié «contient de
nombreuses erreurs, faussetés et exagérations non fondées scientifiquement qui
pourraient effrayer inutilement les Québécois et les Québécoises et les inciter
à un comportement malsain par rapport à leur santé dentaire».
Commentaires du mis en cause
La rédaction de
Protégez-Vous tient à rappeler que le magazine «achète les droits d’auteur» des
journalistes pigistes. Le contrat stipule d’ailleurs que «Protégez-Vous se
réserve le droit de modifier, d’adapter ou de traduire le document faisant
l’objet du présent contrat selon les us et coutumes de la profession». C’est
donc en regard de ces dispositions que les modifications ont été apportées au
texte initial de Mme Susan Hirshorn.
D’autre part, la
rédaction du magazine rappelle que certaines erreurs ont été corrigées et qu’un
rectificatif a été publié dans le Protégez-Vous de janvier 1992. Ce
rectificatif touchait notamment:
– l’encadré de
la page 38 traitant de la fluoration de l’eau;
– la publication
d’une lettre du Dr Richard Tobin pour remédier aux erreurs commises lors de la
retranscription des commentaires;
– la publication
d’une lettre de M. Irwin M. Becker du L.D. Pankay Institute de Floride, groupe
auquel le Dr Guy Duquet dit appartenir, qui rappelle que les propos exprimés
par ce dernier ne peuvent être que personnels, et qu’aucun membre n’est
autorisé à s’exprimer au nom de l’Institut;
– la publication
d’une note précisant que deux auteures ont rédigé l’article «La santé dentaire
des jeunes», et qu’à ce titre, les propos exprimés ne peuvent plus être
considérés comme les seuls propos de Susan Hirshorn, mais aussi, comme ceux de
Carole Hébert.
En conséquence,
la rédaction du magazine Protégez-Vous estime que les erreurs commises ont été
correctement réparées. Il n’y a donc plus lieu d’exprimer aucune sanction à
l’encontre des responsables du magazine.
Réplique du plaignant
Les plaignants
ne sont pas satisfaits des mesures correctives apportées par la rédaction du
magazine Protégez-Vous. Ils estiment que celles-ci ne sont pas suffisantes,
tant en ce qui concerne leur contenu que la place qui leur a été accordée. Les
correctifs laissent encore, selon eux, subsister certaines erreurs
dommageables, qu’ils ne décrivent pas.
En conclusion,
les plaignants demandent au Conseil de presse de réprimander Mme Carole Hébert
pour «manque d’éthique professionnelle grave», la direction de Protégez-Vous
pour «essayer de cacher sa responsabilité envers ses lecteurs pour une erreur
volontaire faite par l’une de ses employés», et de «prendre les mesures
nécessaires pour qu’une telle conduite ne se reproduise pas à l’avenir».
Analyse
Les médias et les journalistes doivent livrer au public une information complète, conforme aux faits et aux événements. La rigueur intellectuelle et professionnelle constitue la garantie d’une information de qualité. Cette rigueur est synonyme de précision, d’exactitude, d’intégrité, et de respect des personnes, des événements et du public.
Par ailleurs, il est normal dans les milieux de l’information d’élaguer, d’apporter des modifications imposées par des critères rédactionnels, de retravailler des textes originaux vendus aux organes de presse par des journalistes pigistes, puisque ceux-ci achètent également les droits d’auteur. Toutefois, lorsque de telles transformations ont lieu, l’auteur doit être consulté sur les modifications qui pourraient changer sensiblement le contenu et la portée de ses écrits. A ce titre, et lorsque de tels changements sont opérés, il est du devoir des médias de les signifier également au public, car celui-ci n’a pas à être trompé sur la provenance des informations qu’il reçoit. Agir d’une manière contraire à ces principes témoigne d’un manque de respect envers la propriété intellectuelle des autres et constitue, pour les professionnels de l’information, une solution de facilité dans l’exécution de leur travail, et finalement une atteinte au public dans son droit à une information de qualité.
Enfin si une telle situation a eu lieu, les rectifications doivent être faites de façon à remédier rapidement et pleinement au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs. Ils doivent consacrer aux rectifications qu’ils publient une forme, un espace et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses.
Dans le cas présent, le Conseil de presse constate que le magazine a effectivement pris des mesures pour signifier aux lecteurs les erreurs qui avaient été commises dans la publication précédente. Il déplore toutefois le manque de rigueur dans les rectifications qui ont été publiées dans le numéro suivant. Leur présentation éparse peut apparaître confuse aux yeux du lecteur, et ainsi ne pas remplir convenablement leur fonction rectificative et de mise au point.
Tout en reconnaissant le droit aux services de la rédaction d’apporter certaines modifications à des textes originaux, le Conseil de presse ne peut tolérer que celles-ci soient faites sans informer le lecteur ni consulter ou obtenir l’accord de l’auteur; ce qui fut le cas lors de la parution de l’article mis en cause. Ceci constitue un manquement à l’éthique journalistique et à la rigueur professionnelle. En conséquence, le Conseil de presse adresse un blâme à la revue Protégez-Vous.
Analyse de la décision
- C06J Modification d’un texte journalistique
- C19B Rectification insatisfaisante