Plaignant
M. Rénald Boily
et un groupe de plaignants
Mis en cause
Le Réveil
[Jonquière] et M. Claude Girard (directeur de l’information)
Résumé de la plainte
Le Réveil fait
preuve d’une partialité manifeste durant la campagne électorale municipale de
1991 à Jonquière. Le journaliste Claude Girard transgresse les règles les plus
élémentaires du journalisme en prenant aveuglément position pour son ancien
patron, M. Marcel Martel. Celui-ci a pris un congé sans solde de son poste de
directeur de l’information pour se présenter à ces élections.
Faits
La plainte
concerne la couverture que l’hebdomadaire Le Réveil à Jonquière a accordée à la
campagne électorale municipale de la ville de Jonquière, à l’automne 1991.
Quarante-cinq
candidats étaient en présence, soit quinze du parti Action Jonquière, dix-neuf
indépendants, et onze conseillers sortants. Les candidats à la mairie étaient
M. Paul-André Cantin, un haut fonctionnaire du gouvernement fédéral, et M.
Marcel Martel, directeur de l’information de l’hebdomadaire Le Réveil à
Jonquière, qui avait pris un congé sans solde pour mener campagne à la tête du
parti Action Jonquière.
Griefs du plaignant
Les plaignants,
neuf citoyens et citoyennes de la ville de Jonquière, reprochent au journal Le
Réveil à Jonquière d’avoir «fait preuve d’une partialité manifeste durant toute
cette campagne». Ils considèrent que le journaliste Claude Girard a transgressé
les règles les plus élémentaires du journalisme et de la démocratie «en prenant
position aveuglément pour son ancien patron Marcel Martel ainsi que le parti
Action Jonquière le tout au détriment des autres candidats en lice, y compris,
bien entendu, l’autre candidat à la mairie, Paul-André Cantin».
M. Rénald Boily,
porte-parole des plaignants, demande au Conseil de presse de déterminer s’il y
a eu écart de conduite professionnelle de la part du journal et de son
journaliste, «au point de léser les autres candidats qui n’étaient pas membres
d’Action Jonquière».
Il souligne par
ailleurs que M. Martel demeurait au service du Réveil à Jonquière, même en
prenant un congé sans solde pour faire campagne; et que par conséquent, il
restait le patron du journaliste Claude Girard. M. Boily mentionne également,
qu’au lendemain de la victoire de M. Martel, M. Girard obtenait, de façon
permanente, le poste de directeur de l’information.
Commentaires du mis en cause
M. Girard fait
valoir que les plaignants portent de graves accusations contre le journal, et
mettent en doute son intégrité professionnelle, sans pour autant faire la
démonstration de ce qu’ils avancent. Il estime que leur façon de faire est un
procès d’intention né dans l’amerture de la défaite électorale, les plaignants
ayant tous joué un rôle actif dans l’organisation électorale du candidat
défait, M. Paul-André Cantin.
M. Girard fait
observer que Le Réveil à Jonquière n’était pas sans réaliser que la candidature
à la mairie de son directeur de l’information, M. Marcel Martel, plaçait
l’équipe de la rédaction dans une situation délicate. C’est pourquoi le journal
«s’est fait un point d’honneur de couvrir la campagne électorale de façon équitable».
La seule révision des éditions de l’automne 1991 démontre que le candidat
Paul-André Cantin a eu droit à la même couverture journalistique que son
adversaire Marcel Martel, et que cette équité a été respectée pour les autres
candidats.
Quant à la page
éditoriale, M. Girard rappelle que c’est «le propre même d’un bon éditorial de
recommander un choix ou l’autre, à ses lecteurs, à la veille d’un scrutin. Rien
de plus normal». Il signale d’ailleurs que la prise de position du journal, en
faveur d’un candidat, ne s’est pas faite en début de campagne, mais à la fin,
après que les programmes et les idées des deux candidats eurent été rendus
publics.
M. Girard
indique qu’il a personnellement rencontré MM. Cantin et Martel dès le début de
la campagne pour leur expliquer la politique d’information qu’entendait suivre
Le Réveil pour toute la durée de la campagne électorale, à savoir une
couverture journalistique objective et équitable, de même que le droit de
commenter le déroulement de cette campagne en page éditoriale et d’opter pour
un candidat ou l’autre à la fin de celle-ci.
M. Girard
considère que Le Réveil à Jonquière s’est acquitté de son devoir dans le
respect de l’éthique professionnelle, et avec une grande considération pour ses
lecteurs et pour les candidats en lice. Ces derniers ont été jugés à la seule
lumière de leurs idées et de leurs programmes.
M. Girard
souligne enfin que M. Martel s’est prévalu d’un congé sans solde dès l’annonce
de sa candidature, et qu’il s’est engagé dans la course à la mairie
complètement dégagé de ses fonctions et de ses responsabilités au journal.
Conséquemment, et contrairement à ce qu’affirment les plaignants, M. Girard
indique qu’il n’a jamais relevé de la responsabilité de M. Martel au cours de
cette campagne. Il a assumé l’intérim du directeur de l’information en relevant
directement du directeur général de l’entreprise, M. Jacques Girard.
Analyse
Le choix et le traitement de l’information relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes. Dans le cas de la couverture d’une campagne électorale, les médias doivent livrer une information équilibrée et conforme aux faits concernant les partis et les candidats en lice. Ceci n’exclut cependant pas la possibilité pour les médias et les professionnels de l’information de prendre position en faveur d’un parti ou d’un candidat, pour autant que cette prise de position s’exprime dans les espaces réservés à l’opinion, tels l’éditorial et le commentaire.
Les médias et les journalistes doivent par ailleurs éviter de se placer dans des situations de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts. Dans le cas où ils se trouvent placés dans une situation inévitable d’apparence de conflit d’intérêts, – comme cela était le cas du Réveil à Jonquière, dont le directeur de l’information avait pris un congé sans solde pour se présenter aux élections municipales de 1991 -, ils doivent faire preuve d’une très grande prudence et d’une très grande vigilance afin de s’assurer que la couverture d’une campagne électorale, dans ses différents aspects de traitement, soit équilibrée et équitable.
Dans le cas présent, le Conseil estime que le Le Réveil à Jonquière a respecté ces normes, et qu’il a accordé dans son ensemble une couverture équilibrée de la campagne électorale municipale de Jonquière à l’automne 1991. L’étude des articles d’information qui ont été publiés permet de constater qu’un traitement équitable a été accordé aux partis et aux candidats à la mairie. Quant à la position éditoriale du journal en faveur du candidat d’Action Jonquière, M. Marcel Martel, celle-ci a été exprimée, comme il se doit, dans des textes d’opinions.
Après analyse du dossier, et en regard de ce qui précède, le Conseil ne retient pas la présente plainte.
Analyse de la décision
- C01B Objection à la prise de position
- C02A Choix et importance de la couverture
- C22B Engagement politique