Plaignant
Le Syndicat des
professeurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières [SPUQTR]
Représentant du plaignant
M. Marc-André Gilbert
(président, Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières
[SPQUTR])
Mis en cause
Le Nouvelliste
[Trois-Rivières], Mme Isabelle Légaré (journaliste) et M. Alain Turcotte
(directeur de l’information)
Représentant du mis en cause
M. Bernard
Champoux (rédacteur en chef, Le Nouvelliste [Trois-Rivières])
Résumé de la plainte
Le reportage
«Des notes de cours vendues plus cher qu’elles ne coûtent : Quarante-cinq
plaintes contre des professeurs de L’UQTR», publié par Le Nouvelliste le 11
janvier 1992 sous la signature de la journaliste Isabelle Légaré, s’avère
tendancieux, biaisé, mal documenté et en partie erroné. La journaliste se
limite à amplifier le caractère calomnieux de la dénonciation de l’Association
générale des étudiants au sujet de la vente des notes de cours. De plus, le
directeur de l’information du journal, M. Alain Turcotte, profite de son statut
pour répliquer de manière hargneuse à la mise au point du plaignant, parue le
22 janvier.
Faits
La plainte concerne
un article intitulé «Des notes de cours vendues plus cher qu’elles ne coûtent:
Quarante-cinq plaintes contre des professeurs de L’UQTR», paru dans le
quotidien Le Nouvelliste, le 11 janvier 1992, sous la signature de la
journaliste Isabelle Légaré. La plainte concerne également la réplique de M.
Alain Turcotte, alors directeur de l’information du journal, publiée à la suite
d’une mise au point du SPUQTR, le 22 janvier 1992.
L’article de Mme
Légaré rapporte que des étudiants ont déposé des plaintes contre des
professeurs au bureau de l’Association générale des étudiants de l’Université
du Québec à Trois-Rivières (AGE) et que, selon ces plaintes, ces professeurs
auraient vendu leurs notes de cours à des coûts abusifs.
Griefs du plaignant
M. Marc-André Gilbert,
alors président du Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à
Trois-Rivières (SPQUTR), reproche à l’article de Mme Légaré d’être
«tendancieux, biaisé, erroné à plusieurs égards et mal documenté».
Le SPUQTR
considère que Le Nouvelliste «a nettement manqué à son devoir de présenter les
faits et d’en faire une analyse sérieuse». Il estime également que l’article de
Mme Légaré «se limite à amplifier le caractère calomnieux de la dénonciation de
l’Association générale des étudiants». Citant des extraits du reportage, M.
Gilbert indique que Mme Légaré:
1. a porté une
atteinte grave à la réputation de l’ensemble du corps professoral trifluvien en
rapportant que 45 professeurs auraient fait l’objet d’une plainte et en ne
précisant pas «s’il s’agissait de plaintes déposées contre des professeurs ou
des chargés de cours (55% de l’enseignement à l’UQTR est assumé par des chargés
de cours) et s’il s’agissait de 45 plaintes d’étudiants différents déposées
contre 45 enseignants différents ou dans 45 cours distincts»;
2. a «accordé
beaucoup trop de crédit aux soi-disant plaintes déposées à l’Association
étudiante en mentionnant faussement que la direction de l’Université
connaissait les plaintes en question», alors que le vice-recteur à
l’enseignement et à la recherche de l’UQTR affirme dans un article paru dans Le
Nouvelliste le 14 janvier 1992: «Formellement, je n’ai pas vu ces 45 plaintes
et je ne sais pas comment on les décompte. Je ne peux pas me prononcer»;
3. a induit le
public en erreur et rapporté des faussetés en écrivant que le Comité exécutif
de l’UQTR a adopté un «règlement interdisant à ses 350 professeurs de procéder,
en classe, à une quelconque transaction» et en ne mentionnant pas que ce
règlement s’applique également aux chargés de cours;
4. a affirmé que
les professeurs «auraient réclamé une somme dépassant largement le montant
encouru par l’impression et la distribution de leurs notes de cours» (souligné
de M. Gilbert) sans établir clairement toutes les nuances qui s’imposent eu
égard à la production et à la distribution des notes de cours;
5. a omis
d’établir un lien entre l’Association étudiante et la Coopérative étudiante, la
principale bénéficiaire dans cette affaire, ce qui aurait permis de relativiser
les accusations de la présidente de l’AGE et de comprendre que l’intervention
de cette association n’était pas complètement désintéressée.
Enfin, M.
Gilbert rappelle que Le Nouvelliste a publié, le 22 janvier 1992, dans la
chronique «Votre Opinion», une longue mise au point du président du SPUQTR,
suivi d’une réplique de M. Alain Turcotte, directeur de l’information du
journal. M. Gilbert considère que cette réplique est «une charge hargneuse
contre le Syndicat en référant à des dossiers qui ne concernent en rien la
vente des notes de cours», et que M. Turcotte a profité de son statut pour
porter des jugements de valeur sur le travail accompli par le Syndicat.
Commentaires du mis en cause
M. Bernard
Champoux, rédacteur en chef du Nouvelliste, indique que la réplique de M.
Turcotte, publiée à la suite de la mise au point du SPUQTR, le 22 janvier 1992,
est la réponse officielle du journal, de M. Turcotte et de Mme Légaré à cette
plainte.
Dans cette
réplique, M. Turcotte soutient que l’article en litige était rigoureux; il
signale que tous les intervenants ont été invités à donner leur point de vue, y
compris les enseignants. Il commente également la réaction du SPUQTR lorsque
celui-ci est mis en cause, rappelant à cet égard une autre affaire dans
laquelle le Syndicat a été impliqué.
Analyse
Le choix et l’angle de traitement de l’information relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes, lesquels doivent exercer cette prérogative avec le souci de livrer une information exacte et complète.
Après étude des éléments versés au dossier, le Conseil ne peut conclure, à l’instar du Syndicat des professeurs de l’UQTR, que l’article mis en cause dans sa plainte est «tendancieux, biaisé, erroné à plusieurs égards et mal documenté». Il y a lieu ici de prendre en considération que Le Nouvelliste a publié trois articles relativement à cette affaire de vente de notes de cours, lesquels font état du point de vue respectif de l’Association étudiante (AGE), du Syndicat des professeurs (SPUQTR) et de l’Université. Les lecteurs ont ainsi pu prendre connaissance de la version des faits des instances concernées.
Quant aux griefs spécifiques du SPUQTR concernant cet article, le Conseil conclut ce qui suit:
1. Eu égard au décompte des plaintes déposées par des étudiants à l’AGE, le Conseil déplore le manque de rigueur de la journaliste et du Nouvelliste dans leur compte rendu. Vérification faite, il s’avère que 81 plaintes ont été déposées à l’encontre de 44 enseignants différents (25 professeurs et 19 chargés de cours). Or, le titre de l’article mentionne «Quarante-cinq plaintes contre des professeurs de l’UQTR». Quant à l’amorce de l’article, celui-ci indique d’abord que «quarante-cinq professeurs […] auraient réclamé à leurs étudiants» des montants trop élevés pour les notes de cours, et ensuite que «Ces quarante-cinq plaintes ont été déposées au bureau de l’Association générale des étudiants(es)».
Par contre, le Conseil ne retient pas le grief du SPUQTR eu égard à l’utilisation du mot «professeurs» dans le titre et l’amorce de l’article, ni celui reprochant à la journaliste de ne pas avoir précisé le nombre de plaintes déposées à l’encontre de professeurs par rapport à celles portées à l’endroit de chargés de cours. Le terme «professeur» a été utilisé, selon toute apparence, au sens d’«enseignant».
2. Le Conseil ne retient pas le grief selon lequel la journaliste a «accordé beaucoup trop de crédit aux soi-disant plaintes déposées à l’Association étudiante en mentionnant faussement que la direction de l’Université connaissait les plaintes en question». La journaliste n’a pas affirmé dans son article que la direction de l’Université «connaissait les plaintes». Elle a plutôt rapporté les informations fournies par l’AGE quant au cheminement de ces plaintes à la direction de l’UQTR, ainsi que la déclaration du vice-recteur à l’enseignement et à la recherche concernant les motifs et le décompte desdites plaintes.
3. Concernant ce qui a été rapporté relativement au règlement adopté par l’Université, le Conseil déplore que la journaliste ait manqué d’exactitude en écrivant que ce règlement interdisait «à ses 350 professeurs» de procéder à des transactions en classe. Celui-ci s’adressait à l’ensemble de la communauté universitaire, et non seulement à 350 professeurs, ce qui représente la moitié des enseignants de l’Université. Le Conseil ne croit pas cependant que la journaliste ait voulu, ce faisant, cibler le corps professoral par rapport au groupe des chargés de cours. En effet, il est rapporté plus loin dans l’article que ledit règlement n’exclut pas, jusqu’au 1er mai 1992, la possibilité d’ententes entre la Coopérative étudiante et «des professeurs ou chargés de cours».
4. Concernant le reproche pour ne pas avoir établi de nuances relativement aux frais de production et de distribution des notes de cours, le Conseil estime que les trois articles publiés concernant cette affaire ont permis aux lecteurs de prendre connaissance de différents points de vue eu égard à cet aspect.
5. Enfin, en l’absence d’informations sur la nature du lien entre l’AGE et la Coopérative étudiante auquel le Syndicat réfère dans sa plainte, le Conseil ne peut statuer à savoir si la journaliste a livré une information incomplète en omettant d’aborder cet aspect dans son article.
En conclusion, et outre les manquements relevés aux points un et trois de la présente décision, le Conseil estime que la journaliste Isabelle Légaré et Le Nouvelliste ont traité cette affaire dans le respect des règles journalistiques.
Il y a lieu par ailleurs de considérer que le journal a publié la mise au point du Syndicat, le 22 janvier, permettant ainsi aux lecteurs de prendre connaissance de son opinion sur l’article en litige et sur certains aspects de cette affaire.
Quant à la réplique du directeur de l’information du Nouvelliste, M. Alain Turcotte, publiée à la suite de cette mise au point, le Conseil estime que ce dernier était en droit de commenter, comme il l’a fait, la réaction du SPUQTR à l’article de Mme Légaré. Le Conseil rappelle que le droit de réplique des journalistes est une pratique reconnue dans la profession journalistique.
Analyse de la décision
- C05A Réplique abusive
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11B Information inexacte
- C11H Terme/expression impropre
- C12B Information incomplète