Plaignant
M. Guy Laflèche
(auteur)
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. Guy Cormier (chroniqueur) et M. Alain Dubuc (éditorialiste en
chef)
Résumé de la plainte
La Presse et son
éditorialiste en chef, M. Alain Dubuc, refusent de publier intégralement la
réplique du plaignant à une chronique de M. Guy Cormier parue le 16 février
1992 sous le titre «Les flèches du prof Laflèche». Cette dernière, en plus
d’être coiffée d’un titre insultant, est remplie d’insultes et d’affirmations
sans fondement au sujet d’un livre rédigé par le plaignant.
Faits
Il s’agit d’une
plainte contre le journal La Presse et M. Alain Dubuc, éditorialiste en chef,
pour refus de publier intégralement une réplique à une chronique de M. Guy
Cormier, intitulée «Les flèches du prof Laflèche», parue le dimanche 16 février
1992. Cette chronique porte sur les thèses du professeur Guy Laflèche sur les
saints martyrs canadiens, exposées dans son livre intitulé Le martyre de Jean
de Brébeuf selon Paul Ragueneau.
Griefs du plaignant
M. Guy Laflèche
signale d’abord que la chronique «Les flèches du prof Laflèche», en plus d’être
coiffée d’un titre insultant, est un «article inqualifiable à (son) endroit,
rempli d’insultes et d’affirmations sans fondement, au sujet de (son) livre sur
Jean de Brébeuf que le chroniqueur n’avait ni lu, ni même vu».
M. Laflèche
reproche à M. Alain Dubuc d’avoir refusé de publier sa réplique à la chronique de
M. Guy Cormier. Il écrit que «De la manière la plus malhonnête, mensongère et
hypocrite, sans aucune rigueur intellectuelle, Alain Dubuc a manoeuvré durant
trois semaines pour (qu’il) renonce à (son) droit de réplique ou pour (qu’il)
lui donne le prétexte de (le lui) retirer»; et qu’il a finalement, le 6 mars,
refusé de publier sa réplique.
Dans sa plainte,
M. Laflèche exige la parution intégrale de sa réplique en page éditoriale, en
stricte équivalence avec la chronique de M. Cormier, avec sa photographie de
vampire et sa légende. Il est hors de question, ajoute-t-il, de voir sa
réplique publiée dans la tribune libre. Il demande également à ce que La Presse
explique le retard inacceptable à publier sa réplique et s’excuse de ce délai.
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, M. Alain Dubuc remarque que la chronique «Les flèches du prof
Laflèche» est un texte d’opinion et ne constitue en aucune façon un manquement
à l’éthique journalistique. Il indique que celui-ci n’est pas libelleux et ne
cause pas de préjudice à M. Laflèche. Le fait d’affirmer que M. Laflèche, dans
son livre sur les martyrs canadiens, «fait preuve d’impiété, sur un mode
léger», n’est pas une insulte ni une accusation; et, par conséquent, ne
justifie pas un droit de réplique.
M. Dubuc signale
qu’il a accepté, lors d’une conversation téléphonique le 18 février 1992, que
M. Laflèche lui fasse parvenir une réplique, non pas pour corriger un
préjudice, mais parce que celle-ci pourrait éclairer les lecteurs sur ses
thèses sur les martyrs canadiens. Il a toutefois hésité à publier cette
réplique, car celle-ci «n’apportait aucun éclairage sur ses idées et se bornait
à relancer une chicane avec M. Cormier», ce qui ne présentait aucun intérêt
pour les lecteurs.
M. Dubuc
explique également que les exigences de M. Laflèche étaient inacceptables:
publication le dimanche, en page éditoriale, texte trois fois plus long que la
chronique de M. Cormier. Il ajoute cependant que La Presse a publié dans sa
tribune libre, le 13 mars 1992, un abrégé de la réplique de M. Laflèche, et ce,
par lassitude face aux pressions de ce dernier. Soulignant que les médias ont
le droit de raccourcir les textes, pour autant que les coupures respectent
l’essentiel du texte original, il estime que la plainte de M. Laflèche est non
fondée puisque ce dernier a bénéficié du droit de réplique réclamé.
M. Dubuc
rappelle que la plainte de M. Laflèche porte essentiellement sur la façon dont
il estime avoir été traité par La Presse. Il remarque à cet égard que la
longueur disproportionnée de sa réplique, les insultes qu’elle contient, ses
exigences «puériles», telles que la publication de sa photo de vampire,
«montrent qu’il était difficile pour le service de l’éditorial de La Presse de
pouvoir discuter de façon raisonnable avec M. Laflèche».
Réplique du plaignant
M. Laflèche
réitère l’essentiel de ses griefs, et considère que la publication d’un abrégé
de sa réplique était une manoeuvre visant à le «faire taire avec toutes les
apparences d’un droit de réplique accordé ou exercé».
Aussi, il exige
que La Presse lui demande et publie une série de cinq articles dans lesquels il
exposera les principaux résultats de ses recherches sur les saints martyrs
canadiens. M. Laflèche précise que cette nouvelle exigence est là pour faire
«la différence entre le droit de réplique qui (lui) appartient et le devoir
d’informer correctement ses lecteurs, qui appartient au journal, mais qui peut
légalement être parfois délégué en partie à ceux-là même qui détiennent
l’information, comme c’est le cas des spécialistes».
Analyse
La chronique et la critique littéraire sont des genres journalistiques qui tiennent de l’éditorial et du commentaire. Ces genres laissent à leurs auteurs une grande latitude dans l’expression de leurs opinions, critiques et points de vue; et permettent une place importante à la subjectivité et à la personnalité de leurs auteurs.
Dans le cas de la chronique du 16 février 1992, intitulée «Les flèches du prof Laflèche», le Conseil de presse estime que M. Guy Cormier avait droit à son opinion sur les vues de M. Guy Laflèche eu égard aux saints martyrs canadiens.
Quant à la plainte de M. Laflèche, qui reproche à La Presse de ne pas avoir publié intégralement sa réplique à la chronique de M. Cormier, le Conseil rappelle, tel qu’il l’a affirmé depuis plusieurs années, que la décision d’accorder un droit de réplique et de publier celle-ci appartient aux médias. Ces derniers sont seuls juges en la matière.
Le droit de réplique est un droit reconnu. Cette reconnaissance n’implique pas toutefois qu’il soit accordé automatiquement. Celui-ci doit par ailleurs être exercé, par les personnes ou les organismes qui le réclament, avec discernement et dans le respect des lecteurs.
Le Conseil conclut, dans le cas présent, que la plainte de M. Laflèche doit être rejetée compte tenu qu’il a eu sa réplique publiée dans La Presse, même si celle-ci était abrégée.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C09C Modification du texte