Plaignant
M. Bernard
LeBrun
Mis en cause
La Presse
[Montréal], M. Martin Pelchat et M. Jean-Paul Charbonneau (journalistes)
Résumé de la plainte
La Presse publie
une série de six articles tendancieux traitant de l’agression d’un professeur
par un élève, survenue dans une polyvalente. Parus sous les signatures des
journalistes Martin Pelchat et Jean-Paul Charbonneau, ces textes portent les
titres «La polyvalente de Saint-Eustache recommande l’exclusion d’un adolescent
qui a frappé violemment un professeur» (Pelchat, 22 mars 1992), «Les collègues
du prof battu exigent le renvoi de l’élève fautif» (Charbonneau, 24 mars), «Le
prof battu par un élève songe à poursuivre les parents de son agresseur» (Charbonneau,
25 mars), «Accusations portées contre l’élève agresseur?» (Charbonneau, 26
mars), «Accusation de voies de fait portée contre l’élève-agresseur»
(Charbonneau, 27 mars) et «St-Eustache : L’élève fautif retiré de l’école»
(Pelchat, 28 mars).
Faits
La plainte
concerne une série d’articles parus dans La Presse à la suite de l’agression
d’un professeur par un élève. Ces articles ont été publiés entre le dimanche 22
mars et le samedi 28 mars 1992. Ils avaient respectivement pour titre: – «La
polyvalente de Saint-Eustache recommande l’exclusion d’un adolescent qui a
frappé violemment un professeur», de Martin Pelchat (22 mars 1992); – «Les
collègues du prof battu exigent le renvoi de l’élève fautif», de Jean-Paul
Charbonneau (24 mars 1992); – «Le prof battu par un élève songe à poursuivre
les parents de son agresseur», de Jean-Paul Charbonneau (25 mars 1992); –
«Accusations portées contre l’élève agresseur?», de Jean-Paul Charbonneau (26
mars 1992); – «Accusation de voies de fait portée contre l’élève-agresseur», de
Jean-Paul Charbonneau (27 mars 1992); – «St-Eustache: l’élève fautif retiré de
l’école», de Martin Pelchat (28 mars 1992).
Griefs du plaignant
M. Bernard
LeBrun reproche au journal La Presse la «série d’articles à caractère
tendancieux qui en appelait en quelque sorte à la vindicte corporative à
l’endroit d’un élève d’une polyvalente présumé coupable d’une réplique face à
une intervention physique d’un enseignant».
Ainsi, il considère
ces articles comme une forme de procès médiatique qui ne contribue qu’à
«renforcer chez le public-lecteur la peur et la justification publique à toutes
mesures répressives» à l’endroit de ce dernier, plutôt que d’«éclairer le
public sur l’interprétation des faits par « l’élève fautif »».
M. LeBrun
s’élève donc contre cette «forme de journalisme qui trace la ligne de conduite
à suivre en matière de répression socio-politique», et dont le traitement de
l’information tient «de la désinformation et de l’intoxication médiatique».
Commentaires du mis en cause
M. Martin
Pelchat et M. Jean-Paul Charbonneau, dans une réplique commune, tiennent à
affirmer que leur «intention n’était pas de faire le procès de cet élève ou de
susciter […] la « vindicte corporative » à l’endroit de cet élève».
Dans ces
articles, les journalistes se sont contentés avant tout d’«exposer les faits
tels qu’ils (leur) avaient été décrits par les sources accessibles», tout en
dégageant les «conséquences judiciaires et scolaires, pour l’élève, du geste
qu’on lui reprochait – des faits objectifs».
D’autre part,
les défendeurs soulignent que, par certaines précisions, ils ont fait preuve
dans cette affaire «de beaucoup de réserve et d’un souci évident de ne pas
accabler davantage l’étudiant».
Enfin, MM.
Pelchat et Charbonneau rappellent qu’ils sont «des reporters appelés à couvrir
l’actualité et c’est l’actualité qui a dicté (leur) couverture».
Réplique du plaignant
M. Bernard
LeBrun précise en retour que «ce n’est pas une plainte contre les journalistes,
mais contre la politique éditoriale de La Presse qui donne souvent dans l’appel
à la vindicte corporative et à la répression des gens du peuple».
Analyse
L’attention et le traitement que les médias et les journalistes décident d’accorder à un sujet ou à un événement particulier relèvent de leur jugement rédactionnel. Toutefois, les choix qui découlent de ces décisions ne doivent pas contrevenir au devoir de la presse de livrer au public une information équilibrée, le rendant apte à porter un jugement adéquat sur les événements relatés. Egalement, ces choix ne doivent en aucun cas être influencés par des préjugés ou un parti pris à l’égard de personnes ou de groupes impliqués dans ces événements.
Dans le cas présent, le Conseil de presse ne relève pas de manquement à l’éthique journalistique dans la façon dont La Presse et les journalistes Martin Pelchat et Jean-Paul Charbonneau ont traité l’incident de la polyvalente de Saint-Eustache. L’examen des articles mis en cause permet de constater que ces derniers, dans le suivi qu’ils ont accordé à l’évolution de cette affaire, se sont contentés, conformément aux règles du reportage, de relater des faits et des opinions diverses sans qu’un parti pris ne soit à relever.
Pour ce qui est de l’importance accordée à cet événement, le Conseil rappelle que les décisions à cet égard relèvent de la liberté rédactionnelle des médias. Le Conseil ne peut limiter ces choix sans risquer de devenir un organisme de direction et d’orientation de l’information, surtout dans le cas de sujets d’intérêt public.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C13A Partialité