Plaignant
M. Luc Racicot
Mis en cause
CIVM-TV
[Radio-Québec, Montréal] et M. Stéphan Bureau (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Luc Audet
(secrétaire général et directeur juridique, CIVM-TV [Radio-Québec, Montréal])
Résumé de la plainte
Une émission sur
le thème «Société d’Etat vs privatisation», diffusée sur les ondes de
Radio-Québec les 20 et 23 avril 1992, adopte un biais pour le secteur public
sous le couvert d’une soi-disant étude comparative des secteurs privé et
public.
Faits
La plainte
concerne une émission de télévision, diffusée sur les ondes de Radio-Québec le
20 avril 1992 à 19 heures 30, et rediffusée le 23 avril 1992 à 22 heures. Le
thème de cette émission était «Société d’Etat vs privatisation», et s’intégrait
dans une série de 20 sujets consacrés au défi que relève l’entreprise privée au
Québec.
Deux reportages
(sur les sociétés d’Etat et sur les privatisations municipales), ainsi que deux
invités (M. Léo-Paul Lauzon, professeur à l’Université du Québec à Montréal, et
M. Adrien Payette, professeur à l’Ecole nationale d’administration publique)
ont apporté leur concours à ce dossier consacré à la privatisation de certains
secteurs étatiques.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.
Luc Racicot, estime que cette émission, «sous le couvert d’une soi-disante
étude comparant les secteurs privés et publics, a pris toutes les dispositions
possibles pour édulcorer le problème que le secteur public a créé, et pour ne
pas avoir de vrai porte-parole du secteur privé qui fasse le point pour le
secteur privé».
Selon M.
Racicot, l’émission fait ressortir «un secteur privé niais, sans envergure et
sans souci de la communauté, laissant à ces messieurs du public le souci du
« bien » général sans s’embarrasser de la notion de profit». Au soutien
de ce reproche, il fait valoir les points suivants:
– il estime que
le titre «Faut-il privatiser en grand?» donne une fausse idée d’un caractère
gigantesque que pourrait revêtir la privatisation de secteurs étatiques, et
ferait «peur aux auditeurs en leur laissant voir une situation qui serait
extrémiste»;
– il regrette
qu’aucun représentant du secteur privé n’ait été convié à présenter sa vision
des choses, à l’encontre des «praticiens publics» invités;
– pour ce qui
est des exemples présentés, M. Racicot souligne qu’ils «n’ont pas fait l’objet
d’une recherche réellement profonde: on s’est satisfait à répéter les lieux
communs officiels»;
– il dénonce
également le discours et son orientation. Il remarque à cet égard que M.
Léo-Paul Lauzon nous ramène «dans la logique socialiste voire communiste». Rien
n’a été fait pour sortir d’un commentaire officiel propagateur et justificateur
de l’idéal étatique. Bref, cette émission était vide de toute force critique, à
tel point qu’elle constituait en elle-même une vision déformée de la réalité.
En conclusion,
M. Racicot demande que cette émission «soit dénoncée par le Conseil comme
biaisée et dont le biais est de donner au secteur public des virtualités
inhérentes qu’il n’a pas, trompant ainsi le public».
Commentaires du mis en cause
La Société
Radio-Québec souligne son étonnement et son indignation devant une telle
plainte. Pour M. Luc Audet, secrétaire général et directeur juridique, il
apparaît plutôt que le message qui ressort de l’émission est contraire aux
prétentions du plaignant.
M. Audet
rappelle que, «en qualité de télédiffuseur public dans le domaine de
l’éducation, de la culture et de l’information, la Société de radio-télévision
du Québec revendique […] le droit fondamental de la liberté d’expression pour
elle-même et pour ses collaborateurs».
En conclusion,
même si elle reconnaît à M. Racicot – comme à tout autre auditeur – le droit
d’exprimer sa propre opinion, Radio-Québec considère toutefois que les propos
tenus par le plaignant à son égard sont «outranciers, contraires à la réalité
et injurieux». Elle invite donc le Conseil de presse à rejeter le bien-fondé de
cette plainte.
Analyse
Les émissions d’affaires publiques relèvent de l’information. A ce titre, elles sont soumises aux mêmes exigences d’impartialité, d’authenticité, de rigueur et de qualité que tout autre type de traitement de l’information.
Le rôle de ceux qui les animent est difficile. Il requiert une discipline et un discernement d’autant plus grand que les sujets abordés, en raison des intérêts et des passions qu’ils soulèvent, suscitent la controverse. Les animateurs doivent respecter les opinions de leurs interlocuteurs. Le public est en droit de s’attendre à ce qu’ils n’abusent pas de leur fonction ou de leur latitude pour imposer leurs points de vue personnels, ou écarter ceux qui n’y correspondent pas.
Dans le cas présent, le Conseil de presse estime que le journaliste n’a ni dans ses propos ni dans ses choix rédactionnels donné à son émission une quelconque connotation partiale.
D’autre part, les invités, tout comme les reportages présentés, répondaient aux objectifs de cette émission qui étaient, non pas de mettre en parallèle secteur public et secteur privé, mais bien d’aborder le thème de la privatisation d’entreprises d’Etat.
Le Conseil tient à souligner que l’émission «Société d’Etat vs privatisation» faisait partie intégrante d’un dossier plus large, composé de 20 sujets consacrés au défi que relève l’entreprise privée au Québec. Par conséquent, il considère que la série Québec en affaires a convenu aux exigences de pluralisme des opinions et des points de vue, propres à tout télédiffuseur.
En conclusion, le Conseil estime que Radio-Québec et le journaliste Stéphan Bureau ne peuvent être accusés d’avoir voulu justifier et légitimer une quelconque dérive «socialiste, voire communiste» de l’Etat québécois. Il rejette donc la plainte formulée par M. Luc Racicot.
Analyse de la décision
- C13A Partialité