Plaignant
La Régie des
installations olympiques
Représentant du plaignant
M. Maurice
Régnier (avocat, Guy 1/4 Gilbert)
Mis en cause
Le Devoir
[Montréal] et M. Laurent Soumis (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Bernard
Descôteaux (rédacteur en chef, Le Devoir [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans une série
d’articles publiés par Le Devoir entre le 24 février et le 27 mars 1992, le
journaliste Laurent Soumis traite du Village olympique et de la construction du
Biodôme en présentant les faits d’une manière incomplète et en versant dans le
sensationnalisme, la partialité et l’insinuation. Il rapporte des informations
fausses et des accusations de favoritisme, sans avoir obtenu la version des
faits des personnes concernées.
Faits
La plainte
concerne un dossier composé d’une série d’articles parus dans Le Devoir entre
le 24 février 1992 et le 27 mars 1992 et signés par le journaliste Laurent
Soumis. Ces articles étaient consacrés à la Régie des installations olympiques,
et plus particulièrement à la construction du Biodôme, ainsi qu’au Village
olympique lui-même.
Griefs du plaignant
Pour M. Maurice
Régnier, du cabinet d’avocats Guy 1/4 Gilbert, qui agit au nom de la Régie
des installations olympiques, le journaliste Laurent Soumis et Le Devoir «ont
présenté les faits d’une manière incomplète, en sombrant dans le
sensationnalisme, la partialité et l’insinuation».
Dans l’exposé
des griefs, la partie plaignante présente une description exhaustive des
erreurs attribuées au journaliste.
En ce qui
concerne le Biodôme, le journaliste aurait tenu des propos non fondés,
contenant des informations fausses ainsi que des accusations de favoritisme,
sans avoir obtenu la version des faits des personnes concernées. La partie
plaignante indique que les accusations dirigées contre la Régie peuvent se
résumer comme suit: – «il y a eu modification par la Régie des installations
olympiques des règles gouvernant l’octroi des contrats pour permettre un
recours répétitif aux mêmes firmes de professionnels; – «les contrats à des
firmes de professionnels et à des entrepreneurs de construction ont été
accordés à des entreprises d’allégeance libérale […]; – «les réunions du
conseil d’administration auraient donné lieu à d’acerbes critiques à l’endroit
de la haute direction».
Selon la partie
plaignante, ces accusations sont établies sans preuve et usent de
rapprochements hasardeux entre des faits qui n’ont aucun rapport entre eux. En
donnant «aux événements sus-relatés une signification qu’ils n’ont pas (Laurent
Soumis et Le Devoir) ont laissé planer des malentendus qui ont gratuitement
discrédité la Régie des installations olympiques».
De même, pour ce
qui est du Village olympique, la partie plaignante considère que des
affirmations fausses sont encore à déplorer; lesquelles témoignent «de la
propension de M. Laurent Soumis et du Devoir à présenter les faits avec
sensationnalisme et en imposant au lecteur des conclusions non fondées sur la
preuve».
En conclusion,
la partie plaignante considère que «la série d’articles présentée par Le Devoir
était empreinte de sensationnalisme et d’insinuations»; elle considère en outre
qu’il y a eu «manque de rigueur professionnelle et une confusion entre les
notions d’information et d’opinion».
Commentaires du mis en cause
En réponse aux
griefs formulés par le plaignant, le journaliste Laurent Soumis soutient avoir:
– «présenté les faits de manière exacte, soucieuse de précision […]; – «livré
une information libre de toutes contraintes extérieures […] dans la seule
recherche de la vérité; – «publié les différents points de vue […]; – «servi
le droit du public à une information libre et la plus complète possible […];
– «fait preuve d’une rigueur à la hauteur des exigences les plus élevées […];
– «différencié les notions d’information et d’opinion […].»
De plus, M.
Soumis estime que «la présente plainte au Conseil de presse vise à baîllonner
un organe d’information, intimider un journaliste […] dans le but de priver
le public de son droit à l’information sur la gestion d’une régie
gouvernementale […] dont les activités relèvent du domaine des affaires
publiques». Il rappelle également que toutes les informations qui ont été
livrées s’appuient sur des documents officiels, des déclarations et quelques
sources confidentielles.
M. Bernard
Descôteaux, rédacteur en chef au Devoir, tout en étant d’accord avec l’analyse
de la plainte de son journaliste, ajoute qu’il est important de rappeler que
«le travail journalistique ne permet pas de traiter de façon exhaustive et avec
toutes les nuances souhaitables un dossier comme celui du Biodôme».
«Dans ce
dossier, Le Devoir a été animé par l’intérêt public». Et, c’est dans cet esprit
que le journaliste a été «affecté en priorité à ce dossier». Celui-ci a
rapporté des faits et observé des pratiques, sans omettre toutefois de «donner
la version de toutes les parties et de publier leurs répliques».
En conclusion,
M. Laurent Soumis et Le Devoir invitent le Conseil de presse à ne pas
«cautionner cette tentative de restreindre le rôle et les responsabilités de la
presse» dans ces affaires d’intérêt public.
Réplique du plaignant
La Régie des
installations olympiques réaffirme que «ces articles, dans leur ensemble,
pèchent non seulement par des oublis volontaires ou involontaires de faits mais
par un parti pris incompatible avec le journalisme d’enquête».
Elle souligne
d’ailleurs que «jamais à (sa) connaissance, au cours de ces trois mois, M.
Soumis n’a vérifié ou tenté de vérifier ses sources auprès de la principale
intéressée soit la Régie des installations olympiques elle-même».
Ce dossier, de
la manière dont il a été traité constitue bien un manquement grave à l’éthique
journalistique, qui a conduit le public en erreur et, de ce fait, à discréditer
la Régie des installations olympiques.
Analyse
Le Conseil de presse tient tout d’abord à souligner que le public a un droit inaliénable d’être renseigné sur l’administration publique et sur les décisions que les responsables de cette administration sont appelés à prendre. De ce fait, il appartient aux médias et aux journalistes de renseigner adéquatement le public sur les affaires d’intérêt public, et de chercher à révéler des irrégularités lorsqu’elles peuvent être prouvées.
Dans le cas présent, le Conseil de presse ne peut, par manque de sources vérifiables et devant des affirmations contradictoires mais néanmoins étayées, mettre en doute la bonne foi de chacune des deux parties. Le Conseil considère d’ailleurs que les thèses défendues par l’une et l’autre des parties relèvent avant tout des multiples interprétations qu’il est possible de faire à partir des documents officiels, des diverses sources, ainsi que des faits observés. Le Conseil de presse constate en outre que le journal Le Devoir et son journaliste Laurent Soumis ont appuyé et démontré les affirmations qu’ils livraient à leurs lecteurs, soit par des rapports, documents officiels, comptes rendus, déclarations, etc.
De plus, le Conseil de presse estime que le travail effectué par le journaliste Laurent Soumis montre un souci de prudence et de rigueur et par ce fait, le journaliste ne peut être accusé d’avoir recouru au sensationnalisme ou d’avoir tenté de déformer la réalité en livrant le résultat de ses recherches.
Enfin, le Conseil de presse ne peut retenir les griefs exprimés par la Régie des installations olympiques à l’encontre du journal Le Devoir et de son journaliste Laurent Soumis, dans la mesure où ces derniers ont livré au public une information factuelle et ont laissé place aux points de vue divergents sur la question.
Analyse de la décision
- C11C Déformation des faits