Plaignant
M. Pierre Tremblay et Mme Yvette Tremblay
Mis en cause
M. Pierre Limoges, président-éditeur et Le Bruchésien
Résumé de la plainte
La présente décision adresse les deux plaintes que M. Pierre Tremblay et son épouse, Mme Yvette Tremblay, ont déposées contre le journal Le Bruchésien (un bi-mensuel) qui a cessé de paraître en août dernier) et son président-éditeur, M. Pierre Limoges.
La première plainte, déposée en août 1992, concerne un article paru dans l’édition du 25 mai 1992 du Burchésien sous le titre : « Ste-Anne des Plaines, Rang Ste-Claire. Une chicane de voisins vire au vinaigre : 4 arrestations ». L’article traite d’un incident survenu le 21 mai 1992, entre M. Pierre Tremblay et son épouse Mme Yvette Tremblay, et son voisin.
Outre cette plainte au Conseil de presse, M. et Mme Tremblay ont intenté une poursuite en dommages-intérêts contre M. Pierre Limoges et Le Bruchésien alléguant le caractère libelleux et diffamatoire de cet article. La Cour supérieure a rendu son jugement le 22 juin 1994, accueillant en partie l’action des demandeurs, mais sans frais, et ordonnant aux défendeurs de publier dans la prochaine édition du journal le texte intégral du jugement à un endroit aussi en vue que l’article du 25 mai 1992.
La deuxième plainte, déposée en août 1994, concerne le titre qui coiffe le jugement de la Cour suéprieure publié dans l’édition du 18 juillet 1994 du Bruchésien, ainsi que la note de la rédaction (N.D.L.R.) publiée à la suite du texte du Tribunal.
Griefs du plaignant
En ce qui concerne l’article du 25 mai 1992, M. Pierre Tremblay reproche à M. Pierre Limoges et au journal Le Bruchésien d’avoir rapporté plusieurs faussetés relativement à l’incident du 21 mai 1992. Notamment :
– que l’incident aurait pris naissance après que le fils de son voisin ait stationné un camion à proximité de la ligne de séparation de leurs terrains respectifs, plutôt qu’en raison de l’excavation effectuée par son voisin sur la ligne de séparation des terrains;
– qu’il y a eu engueulade entre son épouse et le fils de son voisin, alors qu’il s’agit d’un assaut sérieux avec blessures sur son épouse;
– que l’incident est décrit comme s’il avait voulu tuer le fils de son voisin, alors qu’il a tiré (avec un revolver .38) dans le pneu arrière pour le crever et les parties basses de la voiture
– que les policiers ont procédé à son arrestation et à celui de son épouse; qu’ils ont passé la nuit au poste de police; et devaient comparaître au Palais de justice pour l’enquête préliminaire.
M. Tremblay considère que M. Limoges a présenté les faits comme si lui et son épouse étaient des criminels. Il lui reproche également d’avoir mentionné qu’il est un ex-policier de la Communauté urbaine de Montréal et un ex-candidat à la mairie de Sainte-Anne-des-Plaines. Le tout démontrant que cet article se voulait destructeur à son endroit.
Pour de qui est de la publication du jugement de la Cour supérieure, le 18 juillet 1994, M. Tremblay reproche au journal d’avoir tiré le texte du Tribunal « Jugement favorable pour Le Bruchésien », laissant ainsi entendre que M. Pierre Limoges et le journal ont eu gain de cause, alors que la Cour a accueilli en partie l’action qu’il a intentée et a ordonné la publication intégrale du jugement à titre de réparation.
M. Tremblay reproche également le passage suivant de la note de la rédaction (N.D.L.R.) publiée à la suite du texte du Tribunal :
« De plus, selon moi, la Loi devrait être modifiée, à l’effet que si la partie défenderesse n’est pas reconnue coupable, la partie demanderesse devrait payer tous les frais, incluant les frais de l’avocat de la partie défenderesse. De cette façon, il y aurait beaucoup moins de gens qui entreprendraient des poursuites dans le seul but de s’enrichir! »
M. Tremblay estime que ce commentaires lui est préjudiciable puisqu’il laisse entendre qu’il a tenté, par le biais de la loi, d’extorquer une somme d’argent au journal.
M. Tremblay considère que ce commentaire et le titre sont contraires à l’esprit du jugement du Tribunal et ont pour effet d’aggraver le préjudice qu’il a subi plutôt que de le réparer. à cet égard, il fait valoir que les lecteurs qui ne sont pas concernés par ce litige ne liront pas le jugement de deux pages et s’en tiendront au titre et au commentaire qui laissent l’impression qu’il est celui qui a eu tort.
Commentaires du mis en cause
M. Pierre Limoges, président-éditeur du Bruchésien, relate ce qui l’a amené à couvrir l’incident du 21 mai 1992 (par suite de l’appel d’un citoyen anonyme) et comment il a couvert celui-ci.
Il s’est rendu sur les lieux de l’incident où le voisin de M. Tremblay et ses deux fils lui ont donné leur version des faits. Il a pris quelques photos du camion sur lequel M. Tremblay a tiré. Il a également parlé à un policier qui est arrivé sur les lieux et qui lui a confirmé que M. Tremblay et son épouse avaient été conduits au poste de police.
M. Limoges indique que le lendemain de l’incident, avant d’écrire son article, et parce qu’il n’avait que la version du voisin de M. Tremblay, il a téléphoné au poste de police pour connaître les faits réels. Un policier l’a alors informé que le voisin de M. Tremblay (père) aurait proféré des menaces de mort par téléphone à M. Tremblay; qu’une bonne engueulde avait ensuite débuté entre le fils du voisin et l’épouse de M. Tremblay; que ce dernier avait utilisé un revolver de calibre .38 lors de la fusillade; que les Tremblay et les voisins (père et fils) ont passé la nuit au poste de police pour comparaître ensuite au Palais de justice.
M. Limoges souligne qu’il n’a jamais accusé M. Tremblay ou son épouse de criminels. Il a mentionné que l’une des balles tirées par M. Tremblay a frappé la portière du côté du chauffeur à environ un pied de la tête du fils du voisin, tel que la photo publiée l’atteste, ce qui aurait pu être fatal.
à savoir qui étaient les véritables coupables de cette altercation, M. Limoges indique qu’il ne s’est pas rendu au Palais de justice le lendemain de l’incident, car il devait compléter le journal. Il ajoute par ailleurs qu’il y a « déjà eu plusieurs meurtres à Sainte-Anne-des-Plaines et malgré la publication des faits, (il n’a) jamais suivi ces procès pour savoir qui étaient les coupables, et (qu’il n’a) pas fait d’exception dans le cas présent ». Il laisse plutôt cette tâche à des journalistes comme Allô Police, Photo Police, etc.
Le Bruchésien n’a par ailleurs pas jugé utile de soumettre sa version des faits concernant cette plainte.
Réplique du plaignant
Aucune réplique n’a été soumise.
Analyse
En ce qui concerne la véracité des informations dans l’article du 25 mai 1992 au sujet de l’incident du 21 mai 1992, lesquelles ont pu être vérifiées à l’aide du jugement rendu par la Cour supérieure, le Conseil conclut ce qui suit :
Le Conseil regrette que le journal ait rapporté des informations fausses selon lesquelles :
– il y aurait eu bousculade entre Mme Tremblay et le fils du voisin, alors que ce dernier a plutôt agressé Mme Tremblay;
– M. Tremblay aurait débuté sa fussillade dès sa sortie de la maison, alors qu’il a d’abord ordonné au fils du voisin de relâcher son épouse et de demeurer sur place jusqu’à l’arrivée des policiers et qu’il a tiré dans sa direction lorsque celui-ci s’est enfui au volant de son véhicule;
– Mme Tremblay a passé la nuit au poste de police, alors qu’elle a été libérée immédiatement après avoir donné sa version des faits au policier-enquêteur.
Le Conseil regrette également que le journal ait rapporté que M. Tremblay et son épouse « devaient comparaître au Palais de justice de Saint-Jérôme […] pour l’enquête préliminaire », laissant ainsi entendre que des accusations ont été portées contre ces derniers alors que cela n’ été aucunement le cas. M. Pierre Limoges indique toutefois qu’il a obtenu cette information de source policière.
En ce qui concerne le grief du plaignant reprochant au journal d’avoir mentionné dans l’article qu’il est un ex-policier de la Communauté urbaine de Montréal et un ex-candidat à la mairie de Sainte-Anne-des-Plaines, le Conseil estime que cette identification n’était pas abusive dans le contexte de cette affaire. Le Conseil rejette donc ce grief.
Par ailleurs, et en regard de ce qui précède, il est d’autant plus regrettable que Le Bruchésien ait titré « Jugement favorable pour Le Bruchésien » lorsqu’il a publié, le 18 juillet 1994, le jugement de la Cour supérieure. Le Bruchésien a clairement titré à son avantage, ce qui n’est pas conforme au jugement rendu par le Tribunal, lequel a accueilli en partie les griefs de M. et de Mme Tremblay.
Décision
Le Conseil blâme donc Le Bruchésien d’avoir publié un titre qui pouvait induire le public en erreur sur la conclusion de cette affaire judiciaire, d’autant plus que ce jugement venait rétablir les faits de l’article du 25 mai 1992. Ceci dit, le Conseil tient à signaler que le plaignant n’a pas informé le journal que des informations fausses avaient été rapportées dans l’article du 25 mai 1992, sinon en intentant une poursuite judiciaire. Une telle démarche aurait permis au journal de publier un rectificatif dans une édition subséquente.