Plaignant
Le Magazine de
l’Ile des Soeurs [Verdun]
Représentant du plaignant
M. Peter Wheeland
(ex-rédacteur en chef, Magazine de l’Ile des Soeurs [Verdun]) et M. François
Vézina (rédacteur en chef, Magazine de l’Ile des Soeurs [Verdun])
Mis en cause
Le Journal de
l’Ile des Soeurs [Saint-Lambert]
Représentant du mis en cause
Mme Barbara
Noetzel (avocate)
Résumé de la plainte
Le Journal de
l’Ile des Soeurs plagie des articles du Magazine de l’Ile des Soeurs sans en
mentionner la source, profitant de ce fait du travail de ses journalistes. Par
exemple, le contenu de trois articles parus dans le Journal de l’Ile des Soeurs
les 18 et 28 juin 1992 proviennent de textes publiés dans le Magazine les 10 et
24 juin.
Faits
La plainte
concerne trois articles, écrits à la fois en français et en anglais, publiés
dans le Journal de l’Ile des Soeurs. Le Journal a coiffé ces articles des titres
suivants: – «La police déroutée par l’augmentation des crimes/Crime increase
baffles police» (18 juin 1992); – «Début du tournoi de tennis samedi:
inscription jusqu’à demain» (18 juin 1992); – «Tournoi de tennis très
populaire/Tennis tournament is a success» (28 juin 1992).
Or, ces articles
seraient des plagiats d’articles, écrits à la fois en français et en anglais,
parus dans le Magazine de l’Ile des Soeurs, signés par M. François Vézina, et
titrés: – «Augmentation de 54% des vols par effraction à l’Ile en 1992/Island
break-ins have jumped 54%» (10 juin 1992); – «Tournoi de tennis à l’Ile du 20
juin au 12 juillet/Tennis tourney June 20 to July 12» (10 juin 1992); –
«Tennis: le tournoi double mixte est en branle/Mixed doubles tourney off to a
roaring start» (24 juin 1992).
Griefs du plaignant
M. Peter
Wheeland, alors rédacteur en chef du Magazine de l’Ile des Soeurs, a remarqué
que depuis son arrivée en janvier 1989, le Journal de l’Ile des Soeurs plagiait
sans cesse les articles du Magazine, «profitant du travail de (leurs)
journalistes sans même mentionner les sources». Ceci malgré trois tentatives
menées auprès de l’éditeur du journal mis en cause, M. David Leonardo, pour
remédier à la situation et qui sont restées sans réponse.
Concernant les
trois articles mis en cause, M. Wheeland en veut pour preuve:
– la déclaration
signée le 12 novembre 1992 par Mme France Néron et M. Louis Simard,
organisateurs d’un tournoi de tennis en juin 1992, comme quoi ils n’auraient
jamais donné d’entrevue au Journal de l’Ile des Soeurs avant la parution de
l’article du 18 juin 1992, même si celui-ci le laisse entendre;
– une erreur à
propos du tournoi de tennis, parue dans l’article du Magazine de l’Ile des
Soeurs du 24 juin 1992, a été observée dans les mêmes termes dans l’article du
Journal de l’Ile des Soeurs du 28 juin 1992;
– les demandes
répétées que l’éditeur du Journal de l’Ile des Soeurs aurait faites à une
ancienne rédactrice en chef de copier certains articles: «Quand elle refusait
de le faire, M. Leonardo (éditeur dudit journal) ré-écrivait lui-même des
articles non signés utilisant le Magazine comme unique source».
En conclusion,
M. Wheeland déclare que leur «seul objectif en logeant cette plainte contre
cette pratique est de convaincre le Journal de l’Ile des Soeurs de cesser de
voler le travail de (leurs) journalistes».
Commentaires du mis en cause
Le Journal de
l’Ile des Soeurs, par la voix de son avocate, Mme Barbara Noetzel, «nie
vigoureusement toutes et chacune des allégations faites par les représentants
du journal Magazine de l’Ile des Soeurs».
Mme Noetzel
attire l’attention sur le fait que ces deux publications sont des hebdos
communautaires qui desservent le même petit territoire. En conséquence, «il
n’est pas surprenant que les mêmes sujets soient traités dans les deux
journaux, et que les mêmes faits et informations y apparaissent».
Ainsi, si l’on
considère le plagiat «comme étant la reproduction substantielle du texte d’un
autre, […] et non pas le fait de répéter des faits notoires et publics qui y
auraient été publiés, […] une simple lecture des articles en question
démontre qu’il n’y a pas eu plagiat dans le présent cas».
Le Journal de
l’Ile des Soeurs considère «que la plainte formulée par le Magazine de l’Ile
des Soeurs à leur égard non seulement est sans fondement aucun, mais constitue
plutôt une forme de harcèlement par un concurrent».
Réplique du plaignant
M. Peter
Wheeland, qui admet que deux journaux concurrents sont susceptibles de couvrir les
mêmes événements, indique toutefois que lorsqu’un journal publie des
informations tirées d’un autre journal, l’éthique et le professionnalisme
obligent à mentionner d’où l’information a été puisée. Or, le Journal de l’Ile
des Soeurs aurait bel et bien failli à ce devoir en s’attribuant des
déclarations recueillies par le Magazine de l’Ile des Soeurs.
M. Wheeland
précise d’autre part qu’il a quitté sa fonction de rédacteur en chef au
Magazine de l’Ile des Soeurs, et que, de ce fait, s’il poursuit la plainte,
c’est uniquement par conviction que «le plagiat est une pratique journalistique
répréhensible» qui doit être condamnée. L’objet de son action n’est donc
absolument pas motivé par un quelconque intérêt commercial.
M. François
Vézina, rédacteur en chef du Magazine de l’Ile des Soeurs, jusqu’à tout
récemment, souscrit aux arguments développés par M. Wheeland. Il ajoute
toutefois que «Mme Noetzel a une définition étroite du plagiat. […] récupérer
les informations recueillies par un concurrent afin de les publier en changeant
quelques mots et quelques virgules sans en citer la provenance constitue aussi
du plagiat journalistique. Citer des sources utilisées par un concurrent sans
avoir parlé avec eux est une forme de plagiat».
Il récuse également
l’argument selon lequel la plainte a été maintenue pour des raisons de
concurrence économique. M. Vézina veut «que le journal fasse simplement son
travail en respectant les règles de l’éthique journalistique». Il croit en une
information diversifiée et pluraliste: «Si un journal se contente de plagier ou
même de réécrire des articles de son ou ses concurrents, les lecteurs n’ont
plus alors droit à une information diversifiée».
Analyse
Il va de soi qu’une fois publiée ou diffusée, une information devient publique, et n’importe qui, incluant les professionnels de l’information, peut s’y référer, en rapporter la substance et la citer. Toutefois, la forme journalistique et la structure données à cette information demeurent propriété du média qui l’a diffusée en primeur. On ne peut donc reproduire tel quel ce qui a été publié ou diffusé sans en mentionner la provenance et obtenir le consentement du média.
Dans le cas présent, le Conseil de presse constate que le Journal de l’Ile des Soeurs n’a pas reproduit tel quel, ni même simplement modifié quelque peu les articles parus précédemment dans le Magazine de l’Ile des Soeurs. La lecture des articles considérés ne permet pas de déduire qu’il y eu plagiat. Egalement, le Conseil note que les personnes dont les propos sont rapportés dans le Journal de l’Ile des Soeurs ne sont pas présentées comme des individus ayant fait des déclarations au Journal en particulier.
Le Conseil de presse ne retient donc pas les griefs de plagiat portés par le Magazine de l’Ile des Soeurs à l’encontre du Journal de l’Ile des Soeurs. Le Conseil s’interroge toutefois sur la présence, dans l’article du 28 juin 1992 du Journal, de la même erreur que celle publiée le 24 juin 1992 dans le Magazine, sans que les défendeurs n’expliquent cette situation dans leur réponse à la présente plainte.
Analyse de la décision
- C23G Plagiat/repiquage