Plaignant
M. Jocelyn
Bourbonnais
Mis en cause
Le Guide
Mont-Royal [Montréal] et M. Gaston Roberge (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. Yves
Chamberland (éditeur, Le Guide Mont-Royal [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans ses
chroniques «La grande marche des chiens» et «A propos d’une opinion», parues
les 9 et 30 juin 1992 dans la rubrique «Propos à l’air libre» du Guide
Mont-Royal, le journaliste Jocelyn Bourbonnais véhicule des préjugés et tient
des propos injurieux à l’égard des propriétaires de chiens. L’éditeur de ce
journal, M. Yves Charberland, néglige de rectifier la situation.
Faits
La plainte
concerne deux chroniques signées par M. Gaston Roberge, dont la première,
intitulée «La grande marche des chiens», est parue dans la rubrique «Propos à
l’air libre» du journal le Guide Mont-Royal le mardi 9 juin 1992. Dans cette
chronique, M. Roberge s’élève contre une manifestation de propriétaires de
chiens, et en profite pour marquer, avec véhémence, son point de vue à
l’occasion de ce rassemblement.
Dans une
deuxième chronique, intitulée «A propos d’une opinion», publiée le 30 juin 1992
sous la même rubrique, M. Roberge justifie ses prises de position dans le
précédent article.
Griefs du plaignant
M. Jocelyn
Bourbonnais, qui réside au Plateau Mont-Royal, estime que le chroniqueur Gaston
Roberge, en «véhiculant des préjugés populaires a, sans fondement, tenu des
propos injurieux, diffamatoires et libelleux» à l’égard des propriétaires de
chiens. Mais aussi, le plaignant dénonce l’attitude de l’éditeur «qui n’a
jamais cru bon de rectifier les choses dans son journal».
M. Gaston
Roberge aurait donc, «en démontrant un profond mépris en injuriant un groupe
social respectable», incité «de façon insidieuse à la haine et à la
discrimination».
En outre, M.
Bourbonnais reproche au Guide Mont-Royal de ne pas suffisamment différencier
les genres journalistiques qu’il propose dans ses colonnes. De ce fait, le
risque serait grand que l’opinion publique confonde de telles chroniques avec
un éditorial.
En conclusion,
M. Bourbonnais rappelle le droit du public à une information saine et demande
au Conseil de presse de sanctionner ce «manque flagrant d’éthique».
Commentaires du mis en cause
M. Yves
Chamberland, éditeur du Guide Mont-Royal, précise en premier lieu qu’il ne peut
y avoir de confusion possible en ce qui concerne le genre journalistique de
cette chronique. Le titre «Propos à l’air libre», ainsi que la «présentation
visuelle» semblent «suffisamment clairs pour que le lecteur ne voit pas là un
éditorial exprimant la position de la rédaction du journal». M. Chamberland
rappelle que cette rubrique a été créée afin que des chroniqueurs puissent y
exprimer librement leurs «humeurs et idées». C’est dans cette perspective que
s’inscrit l’article de M. Gaston Roberge; c’est donc «un commentaire personnel
et signé (qui) ne représente pas l’opinion de la rédaction du journal qui le
publie».
M. Chamberland
précise toutefois qu’il n’a pas lu cet article avant sa publication, mais il a
laissé le soin à la personne qui le seconde de remplir cette tâche. Celle-ci
aurait d’ailleurs «glissé sur certains mots».
D’autre part, M.
Chamberland reconnaît que l’article de M. Roberge a «souffert d’un manque de
mise en situation de l’événement, […] à savoir la manifestation de
l’Association des propriétaires de chiens». «C’est justement pour remettre les
faits en perspective que (le Guide Mont-Royal) a tenu à publier, le 23 juin
1992, un reportage sur l’événement en question».
Par ailleurs, le
journal a publié dans son intégralité la lettre du plaignant qui répondait aux
propos de M. Roberge. En conclusion, M. Chamberland souhaite que «ces faits
constituent une rectification comme le demande le plaignant, (tout en ayant)
l’avantage de le faire sans censurer la liberté d’expression du chroniqueur».
Réplique du plaignant
M. Jocelyn
Bourbonnais réitère ses griefs à l’encontre de l’article de M. Roberge. Pour
lui, les rectifications et précisions apportées par le Guide Mont-Royal ne sont
pas suffisantes, ni assez justes, pour réparer le tort causé.
Analyse
La chronique constitue une tribune réservée à l’expression des convictions, des tendances et des points de vue. Elle constitue une manifestation de la liberté d’expression et de la liberté de la presse. Ce genre journalistique laisse à l’auteur une grande latitude dans l’expression de ses jugements. Il permet au journaliste qui le pratique d’adopter un ton de polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques. Il est libre d’employer un style qui lui est propre, même l’humour et la satire.
Cependant, les médias et les journalistes doivent respecter les distinctions qui s’imposent entre les différents genres journalistiques, lesquels doivent être facilement identifiables afin que le public ne soit pas induit en erreur. D’autre part, les médias et les journalistes doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils ne peuvent se permettre d’utiliser à l’endroit des personnes ou des groupes, des termes méprisants ou propres à les ridiculiser ou à les discréditer auprès de l’opinion publique.
C’est pourquoi, pour ne pas empêcher la libre circulation des idées et des opinions, les médias ont le devoir de favoriser aux personnes ou aux groupes mis en cause la possibilité d’exprimer leur désaccord.
Dans le cas présent, le Conseil de presse estime: – que le genre journalistique des articles mis en cause était suffisamment clair, tant par le fond que par la forme, pour que le public ne le confonde pas avec un éditorial qui aurait exprimé la vue de l’ensemble de la rédaction; – que les opinions exprimées dans cette chronique n’engageaient que son auteur et qu’il le signifiait pleinement; – que le journal a permis l’expression de critiques sévères à l’encontre des écrits de M. Roberge en publiant intégralement la lettre du plaignant, M. Jocelyn Bourbonnais, dans la rubrique «Lettre ouverte».
A ce titre, le Conseil de presse rejette les griefs de M. Bourbonnais contre le Guide Mont-Royal et le journaliste Gaston Roberge, dans la mesure où les moyens nécessaires ont été mis en oeuvre pour que tous les points de vue soient diffusés au public.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C18D Discrimination
- C20A Identification/confusion des genres