Plaignant
Le ministère de
l’Energie et des Ressources naturelles du Québec
Représentant du plaignant
Mme Nicole Malo (sous-ministre,
ministère de l’Energie et des Ressources naturelles du Québec)
Mis en cause
CKRS-AM
[Radiomutuel, Jonquière] et M. Louis Champagne (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Paul M.
Demers (avocat, Colby, Monet, Demers, Delage 1/4 Crevier) et M. Michel Arpin
(vice-président planification et secrétaire, Radiomutuel)
Résumé de la plainte
L’animateur
Louis Champagne utilise les ondes de la station radiophonique CKRS pour
défendre son point de vue dans une affaire qui l’oppose au Procureur général du
Québec, alors que le jugement n’a pas encore été rendu. De plus, il colporte
des propos faux, diffamatoires et hargneux à l’endroit de citoyens, de
représentants du gouvernement et du ministère de l’Energie et des Ressources
naturelles. Ces propos ont été diffusés entre le 9 septembre et le 7 octobre
1992, dans le cadre des émissions «Champagne pour tout le monde», «Champagne de
retour» et «Le Grand Cayer régional».
Faits
La plainte
concerne une série d’émissions diffusées sur les ondes de la station radiophonique
CKRS de Jonquière entre le 9 septembre et le 7 octobre 1992. Dans les émissions
intitulées «Champagne pour tout le monde» (6 h à 10 h), «Champagne de retour»
(16 h à 17 h), et «Le Grand Cayer régional» (12 h à 14 h), diffusées du lundi
au vendredi, l’animateur Louis Champagne attaque le ministère de l’Energie et
des Ressources, auquel il est lié par un différend concernant l’occupation
illégale d’un terrain.
Griefs du plaignant
Mme Nicole Malo,
alors sous-ministre du ministère de l’Energie et des Ressources, soumet que
l’animateur Louis Champagne «doit être sévèrement blâmé pour le manque flagrant
d’éthique dont il fait preuve depuis le 9 septembre 1992», ainsi que la station
CKRS «puisqu’elle cautionne les propos qu’il tient quotidiennement».
Les faits
reprochés à M. Louis Champagne et à CKRS sont les suivants:
«M. Champagne a
utilisé les ondes pour défendre son point de vue personnel dans une cause
d’occupation illégale du territoire public qui l’oppose au Procureur général du
Québec et qui a fait l’objet d’un jugement de cour». «Dans ce contexte, M.
Champagne a sciemment et délibérément alimenté ses auditeurs d’informations
fausses et semé ainsi la confusion dans l’opinion publique afin de faire valoir
son point de vue partial».
«M. Champagne utilise
également les ondes […] pour véhiculer des propos diffamatoires» dont les
représentants régionaux du ministère font les frais. Il tient également de tels
propos à l’égard de citoyens ayant conclu une transaction foncière avec le
ministère et à l’endroit d’élus municipaux. Il incite de plus les auditeurs «à
des propos orduriers à l’égard des représentants du gouvernement, du ministère
et de ces citoyens». En conclusion, le ministère de l’Energie et des Ressources
considère que M. Champagne «a manqué à l’éthique journalistique en profitant de
son poste d’animateur pour plaider sa cause personnelle en véhiculant des
propos faux, mensongers, diffamatoires et hargneux à l’endroit de représentants
du gouvernement, du ministère et de citoyens».
Commentaires du mis en cause
M. Michel Arpin,
vice-président planification et secrétaire de Radiomutuel inc., précise que la
station n’est plus en possession des rubans témoins des émissions en litige, et
que, de ce fait, les transcriptions transmises par la partie plaignante ne
peuvent être certifiées conformes.
M. Arpin
explique par ailleurs qu’il ne peut faire de commentaires sur cette plainte
compte tenu que la Cour supérieure du Québec est saisie de deux recours contre
Radiomutuel Inc. (division CKRS-AM), et que celle-ci «sera le forum le plus
approprié pour décider de la fausseté ou non des faits allégués de même que des
opinions exprimées en ondes». Il indique toutefois que les observations des
procureurs de Radiomutuel, dans une lettre adressée le 4 janvier 1993 au sous-ministre
du ministère de l’Energie et des Ressources, «demeurent pertinentes dans la
présente instance».
Dans cette
correspondance, M. Paul M. Demers, avocat, avise également le ministère qu’il
ne peut commenter cette plainte (en ce qui a trait à la fausseté ou non des
faits allégués et des opinions exprimées en ondes) compte tenu des actions
judiciaires en cours.
Ceci étant dit,
il indique que Radiomutuel «reconnaît volontiers le caractère grossier,
excessif, et gratuit de plusieurs propos dans le texte»; «désapprouve également
de l’utilisation de ses ondes par ses animateurs pour des fins personnelles»;
et constate, en ce qui concerne le manque d’équilibre, que le point de vue du
ministère «s’y retrouve très peu», mais, par contre, que des représentants du
ministère «ont décliné l’opportunité d’être interviewés en ondes sur la
question».
M. Demers
signale enfin que des «réprimandes sévères» ont été adressées par Radiomutuel
aux animateurs mis en cause pour avoir tenu des propos du genre sur les ondes
et utilisé celles-ci à des fins personnelles.
Analyse
La présente décision s’appuie sur les transcriptions fournies par la partie plaignante et les documents déposés au dossier.
Le Conseil de presse blâme sévèrement la station CKRS et l’animateur Louis Champagne pour avoir contrevenu gravement au principe d’équité dans le traitement de l’information.
Le Conseil constate que M. Louis Champagne s’est laissé guider par ses intérêts personnels et ses inimitiés à l’égard du ministère de l’Energie et des Ressources; et qu’il a utilisé les ondes pour des fins personnelles en vue de favoriser son propre point de vue et de défendre sa propre cause, au détriment de la partie adverse. Ceci a eu pour double conséquence de déformer les faits, au lieu de présenter une information exacte, équilibrée et honnête; et d’induire les auditeurs en erreur, en ne leur donnant pas les éléments nécessaires afin d’éclairer leur jugement.
Le Conseil constate également que M. Champagne a manqué de rigueur et d’équité dans l’évaluation des situations commentées; et qu’il a utilisé à l’endroit de plusieurs personnes publiques des propos offensants, grossiers, et propres à les discréditer.
Radiomutuel a d’ailleurs reconnu «le caractère grossier, excessif, et gratuit de plusieurs propos», et désapprouvé «l’utilisation de ses ondes […] pour des fins personnelles».
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil blâme la station CKRS pour avoir permis à son animateur, pendant un mois, de déroger ainsi aux exigences de rigueur et de discernement qui doivent présider au traitement de l’information; et de ne pas être intervenue pour corriger la situation.
Analyse de la décision
- C13A Partialité