Plaignant
M. Marc
Pomerleau
Mis en cause
CKRB-AM
[Radiomutuel, Saint-Georges-de-Beauce] et M. Simon Roy (animateur)
Représentant du mis en cause
M. Jacques Petit
(directeur général, Radio Beauce inc.)
Résumé de la plainte
Entre le 8 et le
16 octobre 1992, l’animateur Simon Roy adopte une attitude outrageuse dans le
cadre de l’émission «Le délateur plus» diffusée par CKRB. Le 8 octobre, il
demande à une personne qui déclare avoir subi des sévices corporels
d’identifier la religieuse censément coupable. Dans les émissions subséquentes,
l’animateur aborde ce sujet avec sa collaboratrice et le public.
Faits
La plainte
s’adresse à une émission qui était diffusée sur les ondes de la station radiophonique
CKRB, intitulée «Le délateur plus», et animée par M. Simon Roy, en compagnie de
Me Lucie Thibodeau. Les émissions mises en cause sont principalement celles des
8 et 9 octobre 1992.
Dans la première
émission, l’animateur s’entretient par téléphone avec une personne qui déclare
avoir subi des sévices corporels alors qu’elle était en pension dans un
orphelinat. Egalement, à la demande de l’animateur, elle nomme une religieuse
qui lui aurait fait subir ces sévices. Dans l’émission du lendemain, M. Roy
tente de rejoindre cette religieuse, en vain.
Les émissions
des 13, 14, 15 et 16 octobre 1992 sont également mises en cause dans la mesure
où l’animateur évoque le problème avec sa collaboratrice, Me Lucie Thibodeau,
ainsi qu’avec le public à l’occasion de lignes ouvertes.
Griefs du plaignant
Le plaignant, M.
Marc Pomerleau, s’indigne de «l’attitude malséante, outrageuse et surtout
intolérable de l’animateur radio, Simon Roy». Il considère que lorsque l’on
dénonce certaines situations, comme cela est le cas dans les émissions mises en
cause, cette «dénonciation doit s’adjoindre d’un minimum de décence avant
d’être rendue publique».
M. Pomerleau est
d’avis que «Simon Roy, en utilisant les ondes comme il le fait, se veut un
catalyseur et un propagandiste de la pensée ostracique et de la proscription
éhontée et cynique».
Il rappelle que
«si la réputation de quelqu’un est attaquée dans l’esprit des gens
raisonnables, ils ont droit à une réparation. Qu’elles soient fondées ou non,
la loi considère les rumeurs malicieuses, propagées verbalement ou par écrit,
comme une diffamation».
Il demande donc
au Conseil de presse d’intervenir «afin d’annihiler pour toujours ces
exhortations discriminatoires et ces allégations injurieuses» et de sanctionner
l’animateur et la station CKRB.
Commentaires du mis en cause
M. Jacques
Petit, directeur général de Radio Beauce inc., ne comprend pas «ce qui incite
monsieur Pomerleau à qualifier d’attitude malséante, outrageuse et intolérable,
l’animation de monsieur Roy dans ce dossier. Ce dernier a mené cette entrevue
de la même façon que tout autre animateur le fait, lors d’émissions
semblables».
Il souligne que
ce n’est pas la première fois que l’on traite du sujet des «Enfants de
Duplessis» au Québec; et que l’animateur n’a «rien inventé; cette dénonciation
(ayant) été rendue publique, il y a plusieurs mois déjà, à travers le Québec».
Selon M. Petit,
ce que le plaignant reproche à CKRB, c’est «d’avoir permis à des
« démunis », des personnes sans défense et sans instruction, de
s’exprimer et de chercher appui et réconfort auprès d’un auditoire
radiophonique». Il ajoute que M. Pomerleau a parfaitement le droit de juger
comme il l’entend l’animateur des émissions mises en cause, mais souhaiterait
«qu’il reconnaisse que « Les Enfants de Duplessis » ont également le
droit de se faire entendre et, qu’à la radio, nous leur donnons la possibilité
de s’exprimer».
M. Petit
souligne enfin que ces émissions ont reçu le soutien de nombreux auditeurs, et
qu’à ce titre, il est convaincu du «bien-fondé de leur diffusion»; et rappelle
que le «but premier de la radio est d’informer le public».
M. Simon Roy,
pour sa part, indique qu’il a «traité ce dossier comme tous les autres en
respectant un code d’éthique journalistique qui s’impose dans toutes les
entrevues en général».
Réplique du plaignant
M. Marc
Pomerleau réitère les principes premiers qui ont motivé sa plainte; il regrette
que M. Petit «tente malhabilement de biaiser l’objet principal de (sa)
plainte», qui est l’utilisation de termes méprisants ou propres à ridiculiser
et à discréditer des personnes auprès de l’opinion publique et l’attitude
décriante de l’animateur.
Analyse
Les tribunes téléphoniques qui traitent d’actualité et d’affaires publiques sont des émissions d’information. Tel est le cas des émissions mises en cause dans la présente plainte. Toutefois, parce que les tribunes téléphoniques font appel au public, ces émissions comportent des difficultés particulières, qui découlent principalement de leur caractère de spontanéité, ce qui exige de l’animateur qu’il s’assure, dans la mesure du possible, de l’exactitude des propos tenus, particulièrement quand le sujet est délicat.
Dans le cas des émissions en litige, le Conseil constate que l’animateur Simon Roy a manqué de rigueur dans la conduite de l’entrevue téléphonique: en invitant la personne interviewée à dévoiler l’identité de la religieuse et en suscitant, sans les vérifier, des propos préjudiciables à la personne considérée.
Pour ces raisons, le Conseil de presse adresse un blâme à l’animateur Simon Roy et à la station CKRB. Le Conseil rappelle que ce genre d’émission ne doit pas devenir une tribune de diatribes qui n’ont d’autre effet que de porter atteinte publiquement à la réputation des personnes.
Analyse de la décision
- C15J Abus de la fonction d’animateur