Plaignant
Le Conseil
Canadien de la Fourrure
Représentant du plaignant
M. Del Haylock
(vice-président exécutif, Conseil Canadien de la Fourrure)
Mis en cause
CFJP-TV [TQS,
Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Jean Fortier
(vice-président exécutif et vice-président Programmation-Information, CFJP-TV
[TQS, Montréal])
Résumé de la plainte
Un reportage sur
les droits des animaux, diffusé à l’émission «Caméra 92» du 18 octobre 1992,
sur les ondes de Télévision Quatre-Saisons, porte injustement atteinte à la
réputation des industries canadiennes de la fourrure. En plus de diffuser des
commentaires trompeurs, la station n’utilise pas correctement le vidéo
corporatif et les informations fournies par le plaignant.
Faits
La plainte
concerne l’un des trois reportages d’un dossier sur les droits des animaux
diffusé à l’émission Caméra 92 du 18 octobre 1992, sur les ondes de Télévision
Quatre Saisons (CJFP-TV, Montréal). Ce reportage traitait de l’impact de l’industrie
de la fourrure sur les animaux. Le Conseil Canadien de la Fourrure estime que
celui-ci porte atteinte, «délibérément», à la réputation des industries
canadiennes de la fourrure.
Griefs du plaignant
Selon le
vice-président exécutif du Conseil Canadien de la Fourrure, M. Del Haylock, ce
reportage comprend «des images soutenues de commentaires inexacts, troublants
et trompeurs». Au soutien de ce reproche, M. Haylock relève entre autres les
éléments suivants:
– l’utilisation
d’une bande visuelle fournie par le Conseil Canadien de la Fourrure, sur
laquelle aurait été surajoutée une bande sonore différente, contenant «des
faussetés et de l’information trompeuse»;
– l’entrevue
avec M. Jacques Godin, qui, interrogé dans la cadre de ce reportage et militant
en faveur du droit des animaux, aurait lui aussi émis des informations «fort
trompeuses»;
– la production
d’images qui conduiraient à mal renseigner le public; par exemple, en montrant
un léopard, un hibou et une belette piégée, suivis de manteaux en fourrure
synthétique (dont certains au motif de léopard), sans mentionner qu’il
s’agissait de fausse fourrure. Cet extrait induirait le public en erreur en
suggérant que certaines espèces en voie de disparition sont utilisées dans
l’industrie de la fourrure.
Par ailleurs, le
Conseil Canadien de la Fourrure regrette que les journalistes de l’émission
Caméra 92 n’aient pas utilisé correctement les documents et les informations
qui leur avaient été communiqués.
En conclusion,
le plaignant constate que «le reportage de Caméra 92 était biaisé et
malveillant pour mieux peindre de façon injuste et extrêmement dommageable
(leur) industrie». A ce propos, il demande que du temps d’antenne leur soit
accordé gratuitement pour présenter «l’information exacte sur tout ce qui
concerne notre industrie».
Commentaires du mis en cause
Télévision
Quatre-Saisons, par l’entremise de M. Jean Fortier, alors vice-président
exécutif et vice-président Programmation/Information, estime que ce reportage
traitait de la problématique du droit des animaux dans son ensemble. «Sa
couverture se voulait un vaste survol des opinions sur la question». C’est
pourquoi, des personnes ayant des opinions divergentes sur la question ont été
interrogées.
Télévision
Quatre Saisons rappelle qu’un effort a été déployé pour que «les éléments,
arguments ou opinions communiqués dans le reportage soient mis en continuelle
opposition, que ce soit par le biais d’un autre intervenant ou par le biais de
commentaires de narration».
Télévision
Quatre-Saisons réfute donc les accusations portées par le Conseil Canadien de
la Fourrure selon lesquelles le reportage diffusé dans le cadre de Caméra 92
serait «tendancieux». «Il reflète seulement les opinions divergentes que l’on
rencontre dans ce débat».
Réplique du plaignant
Le Conseil Canadien
de la Fourrure renouvelle son profond mécontentement à l’égard du reportage
diffusé. Selon le vice-président exécutif, M. Del Haylock, les justifications
apportées ne seraient pas suffisantes. Il maintient ses griefs et ajoute que
les journalistes ont manqué à l’éthique de leur profession en:
– n’identifiant
pas la source de certains des documents vidéos présentés, et notamment les
documents fournis par le Conseil Canadien de la Fourrure lui-même;
– en favorisant un
manque d’équilibre dans les propos recueillis, au détriment des industries de
la fourrure.
En conséquence,
le Conseil Canadien de la Fourrure estime encore une fois que ce «reportage est
faible dans le volet de la recherche, inéquitable dans son traitement et
entraîne des répercussions qui sont dommageables pour (leur) industrie». A
titre de correctif, il réitère sa demande de temps d’antenne ou la production
d’une nouvelle émission sur l’industrie de la fourrure.
Analyse
Le Conseil reconnaît que le choix et le traitement de l’information relèvent du jugement rédactionnel des médias et des journalistes. Cependant, ceux-ci doivent livrer une information conforme aux faits et complète, couvrant dans la mesure du possible les principales facettes d’une question. Ils doivent aussi livrer une information équilibrée, présentant des opinions diverses, voire même divergentes, qui sont pertinentes à la question abordée, d’autant plus s’il s’agit d’une question suscitant la controverse.
Dans le cas présent, le Conseil estime que le reportage mis en cause par le Conseil Canadien de la Fourrure a respecté dans son ensemble les critères d’équilibre en matière d’information, en présentant des propos divergents et des personnalités exprimant des points de vue opposés sur la question.
Cependant, le Conseil relève certains manquements à l’éthique journalistique, notamment en ce qui concerne le montage et l’utilisation de certaines images:
– selon le Conseil, la présentation d’images d’animaux dont un léopard et une belette, suivie peu après d’une séquence montrant des manteaux de fourrures imitant entre autres la fourrure de léopard, était susceptible d’entraîner les téléspectateurs à penser que l’industrie de la fourrure fabrique des vêtements à partir de la peau de ces animaux;
– le Conseil estime par ailleurs que Télévision Quatre Saisons aurait dû obtenir l’autorisation du Conseil Canadien de la Fourrure pour utiliser, comme il l’a fait, des extraits visuels de son vidéo corporatif.
Le Conseil déplore donc que Télévision Quatre Saisons ait, de cette manière, manqué de rigueur professionnelle dans le traitement de ce sujet délicat. Le Conseil croit ici opportun de rappeler aux médias qui décident d’aborder de tels sujets de faire preuve de grande prudence dans le traitement qu’ils leur accordent.
Enfin, le Conseil signale que la décision de donner suite à la requête du Conseil Canadien de la Fourrure – demandant que Télévision Quatre Saisons lui accorde du temps d’antenne ou produise une émission sur l’industrie de la fourrure – demeure la prérogative de ce télédiffuseur. Le Conseil croit opportun de souligner que le sujet de l’émission portait sur les droits des animaux à la vie et non sur l’industrie de la fourrure comme telle.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C12A Manque d’équilibre
- C15A Manque de rigueur