Plaignant
M. Michel Dufour
(journaliste, Le Journal de Québec)
Mis en cause
L’Hôpital de
l’Enfant-Jésus
Représentant du mis en cause
M. Emilien
Rochette (directeur des services professionnels, Hôpital de l’Enfant-Jésus)
Résumé de la plainte
L’Hôpital de
l’Enfant-Jésus empêche le plaignant, journaliste au Journal de Québec, de
réaliser une entrevue avec un témoin d’accident. Ce dernier, blessé très
superficiellement, a consenti à lui accorder cette entrevue, mais les
formalités imposées par l’hôpital ont tellement retardé son travail que le
témoin a eu le temps de quitter.
Griefs du plaignant
La plainte
concerne la conduite de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus à l’endroit d’un
journaliste dans l’exercice de ses fonctions.
M. Michel
Dufour, journaliste au Journal de Québec, reproche à l’Hôpital de
l’Enfant-Jésus d’avoir, le 4 décembre 1992, fait entrave à son travail de
journaliste en mettant «tout […] en oeuvre pour (l’)empêcher de compléter une
entrevue avec un témoin adulte d’accident».
M. Dufour
indique que ce témoin, qui faisait partie d’un groupe de personnes qui avaient
été heurtées au coin d’une rue par un véhicule, et qui n’avait été blessé que
très superficiellement, avait consenti à lui accorder cette entrevue.
M. Dufour
explique qu’un membre du personnel de l’hôpital, invoquant la confidentialité
des dossiers médicaux, a exigé qu’il demande une autorisation auprès du
responsable des relations publiques pour effectuer cette entrevue. Il indique
que les consignes qu’il a dû suivre en raison de cette politique ont consommé
beaucoup de temps, et qu’en conséquence, il n’a pu interviewer ce témoin
puisque celui-ci avait quitté l’hôpital «depuis des lunes».
Il ajoute qu’il
comprendrait l’intervention de l’hôpital si la santé d’une personne avait été
mise en danger par sa présence, ou si la personne interviewée avait été confuse
ou sous sédation. Tel n’était cependant pas le cas.
Aussi, M. Dufour
fait valoir qu’«en dehors de ce qui touche directement la santé des patients,
le personnel des hôpitaux n’a pas à faire entrave au travail des journalistes»;
et que la seule autorisation qui s’avère nécessaire est celle du patient
concerné. Il considère que «la nécessité de soumettre […] tous les projets
d’entrevue à l’intérieur de l’hôpital à la responsable des relations publiques
constitue une atteinte directe à la liberté de presse».
Commentaires du mis en cause
Le Dr Emilien
Rochette, directeur des services professionnels, indique que l’Hôpital de
l’Enfant-Jésus est toujours ouvert et prêt à collaborer avec la presse.
Il explique
cependant, qu’il faut comprendre que l’on «ne peut permettre à tout
journaliste, quel qu’il soit, de rencontrer ou le personnel ou les malades ou
toute autre personne sans suivre une certaine procédure et surtout dans le but
de protéger l’accès à l’information et la confidentialité».
Il signale que
l’hôpital n’a habituellement aucun problème à cet égard puisque la majorité des
journalistes savent qu’il doivent communiquer avec le responsable des relations
publiques.
Analyse
Les plaintes acheminées au Conseil de presse concernent généralement la conduite des médias. Si elle revêt un caractère inhabituel, cette plainte présente un problème intéressant et qui risque de survenir régulièrement, à des degrés divers, dans l’exercice des fonctions journalistiques.
Dans le cas présent, il nous apparaît, selon toute vraisemblance, que les autorités de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, en empêchant le journaliste de poursuivre son entrevue, ont compromis sans raison évidente l’exercice des fonctions journalistiques, ce que le tribunal d’honneur déplore.
Il va sans dire que le droit du public à l’information peut parfois céder la place à des considérations plus importantes, notamment: – quand l’état du patient ne permet pas qu’il subisse une entrevue; – quand le travail du journaliste peut interférer avec celui du personnel médical et risque de mettre en danger la santé des patients; – quand le patient est un malade psychiatrique, en état de confusion ou s’il s’agit d’un enfant.
Cependant, dans le cas qui nous occupe, le patient, un adulte en possession de tous ses moyens, avait donné son accord pour répondre aux questions du journaliste Michel Dufour. Cette liberté d’expression qu’a tout individu ne disparaît pas avec son entrée à l’hôpital. De plus, selon toute vraisemblance, le travail du journaliste ne nuisait aucunement au travail du personnel médical. Egalement, il y a lieu de signaler que M. Dufour effectuait la couverture d’un fait divers, ce qui impliquait une certaine question d’urgence qui n’est pas nécessairement présente lors d’autres reportages.
Analyse de la décision
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