Plaignant
M. Jeffrey Asher
Mis en cause
The Gazette
[Montréal] et M. Jack Todd (chroniqueur)
Représentant du mis en cause
M. J.R. Walker
(rédacteur gérant adjoint et ombudsman, The Gazette [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans sa
chronique «Straight talk : Woman forced to defend column about nasty men»,
publiée par The Gazette le 3 décembre 1992, le journaliste Jack Todd reproduit
certains passages hostiles aux hommes d’une chronique signée par Julianne
Pidduck dans l’édition du 20 août 1992. Le journaliste renforce par ses
commentaires l’incitation à la haine et à la violence envers les hommes
contenue dans la chronique de Mme Pidduck. Il présente le plaignant comme un
individu qui cherche à censurer l’opinion de certains journalistes, et omet de
rapporter les positions l’ayant amené à déposer une plainte devant le Conseil
de presse du Québec.
Faits
La plainte
concerne une chronique de M. Jack Todd, intitulée «Straight talk : Woman forced
to defend column about nasty men», parue dans le quotidien The Gazette du 3
décembre 1992.
M. Todd reprend
dans ce texte de nombreux passages d’une chronique de Mme Julianne Pidduck,
parue le 20 août 1992 dans le journal Mirror, sous la rubrique «Female
persuasions». Outre l’opinion qu’il exprime eu égard au propos de Mme Pidduck,
M. Todd vient au soutien de sa consoeur à l’occasion de la plainte déposée
contre elle par M. Jeffrey Asher auprès du Conseil de presse.
Griefs du plaignant
M. Jeffrey Asher
reproche en premier lieu à M. Jack Todd d’avoir reproduit dans sa chronique les
propos tenus par Mme Pidduck dans le Mirror; et d’avoir ajouté, par ses commentaires,
au «ton irrationnel anti-mâle» de ces propos et «renforcé l’incitation à la
haine et à la violence (envers les hommes) du Mirror».
Il reproche
également à M. Todd d’avoir omis de publier le point de vue qui l’a amené à
déposer une plainte au Conseil de presse. Selon M. Asher, M. Todd l’a présenté
comme un individu cherchant à censurer l’opinion de certains journalistes. Sur
la question de censure, M. Asher estime que M. Todd, en omettant de rapporter
certains passages de la chronique de Mme Pidduck, a délibérément trompé les
lecteurs.
En conclusion,
M. Asher demande au Conseil de presse de «condamner (M. Jack Todd et The
Gazette) pour leur arrogance et leur irresponsabilité».
Commentaires du mis en cause
La rédaction du
journal The Gazette, par l’entremise de M. J.R. Walker, rédacteur gérant
adjoint et ombudsman, souligne d’abord que M. Jack Todd est «un chroniqueur et
non un reporter. Il a non seulement la permission, mais il en va de son devoir
d’exprimer ses opinions personnelles». A ce titre, «la chronique de M. Todd
était un commentaire juste du genre de ceux qui sont couramment exprimés par la
plupart des chroniqueurs à l’emploi des quotidiens nord-amÉricains».
M. Walker
indique qu’il était parfaitement légitime pour M. Todd d’utiliser le nom de M.
Asher dans sa chronique puisque ce dernier avait déposé une plainte officielle
au Conseil de presse.
Il explique par
ailleurs que M. Todd a cité plusieurs passages de la chronique de Mme Julianne
Pidduck afin d’expliquer aux lecteurs de quoi il s’agissait. S’il a omis de
citer d’autres passages, c’est que certains termes étaient obscènes, et qu’un
niveau de langage de cette sorte, s’il peut être acceptable dans un
hebdomadaire d’avant-garde, ne peut être publié dans un quotidien à tirage
général.
M. Walker estime
enfin que la chronique de M. Todd était simplement l’expression normale d’une
opinion, laquelle s’avère être différente de celle de M. Asher. Il se dit
désolé que ce dernier ait trouvé ce matériel offensant, mais ne voit aucune
raison pouvant justifier une plainte au Conseil de presse.
Analyse
La chronique est un genre journalistique qui laisse à son auteur une grande latitude dans l’expression de ses points de vue et de ses opinions. Ce genre lui permet d’adopter un ton de polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques, et d’utiliser un style qui lui est propre, même l’humour et la satire.
Par ailleurs, le Conseil est d’avis que l’attention que décide de porter un journaliste ou un organe de presse à un sujet particulier relève de son jugement rédactionnel. Le choix de ce sujet ainsi que la façon de le traiter lui reviennent en propre. A ce titre, l’information publiée dans les médias est du domaine du public et n’importe qui peut s’y référer, en rapporter la substance ou la citer. Ce faire ne dispense toutefois pas un média d’exercer son jugement rédactionnel. Celui-ci doit faire preuve de prudence afin de ne pas trahir le contexte dans lequel a été publiée la version initiale du texte.
Dans le cas présent, le Conseil de presse estime que les écrits de M. Jack Todd sont et demeurent des opinions personnelles, que ce dernier est libre de faire connaître selon le principe de la liberté d’expression.
D’autre part, le choix volontaire de la part du chroniqueur d’avoir amputé des passages des écrits de Mme Julianne Pidduck, afin de ne pas heurter la sensibilité de son public, est tout à fait recevable, surtout dans la mesure où il ne déforme en rien la véritable nature du texte d’où ils sont tirés.
Enfin, le Conseil de presse estime que le chroniqueur Jack Todd n’a pas porté atteinte à la réputation du plaignant, M. Jeffrey Asher, en mentionnant à l’intérêt du public que celui-ci avait déposé une plainte à l’encontre de Mme Pidduck devant le Conseil de presse.
En conclusion, le Conseil de presse rejette les griefs formulés par M. Asher à l’encontre de M. Jack Todd et du journal The Gazette.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C12B Information incomplète
- C12C Absence d’une version des faits
Date de l’appel
7 June 1994
Appelant
M. Jeffrey Asher