Plaignant
Famille de
plaignants
Représentant du plaignant
M. Emile Colas
(avocat)
Mis en cause
Allô Police
[Montréal] et M. André Bécu (photographe)
Représentant du mis en cause
Mme Dominique
Poulin-Gouin (avocate, Société de Publication Merlin)
Résumé de la plainte
Dans son édition
du 16 mai 1993, Allô Police publie le photo d’un bébé de trois mois, victime de
meurtre, en première page et dans les pages consacrées à ce drame. Cette photo
est utilisée sans le consentement de la mère, qui ne l’a jamais fournie au
journal.
Faits
La plainte
concerne la publication de la photo d’un bébé de trois mois, victime de
meurtre, dans l’édition du 16 mai 1993 du journal Allo Police. Cette photo (une
photo de baptême du bébé) a été publiée en première page, ainsi que dans les
pages consacrées à l’article sur ce drame.
Griefs du plaignant
M. Emile Colas,
avocat pour le compte de la famille de l’enfant, tient à dénoncer les «grossières
erreurs et procédés illégaux et irréguliers» qui ont été utilisés par le
journal Allo Police, et en particulier par son journaliste André Bécu, pour la
publication de cette photo.
M. Colas
explique que cette photo a été publiée sans le consentement de la mère de
l’enfant, qui ne l’a d’ailleurs jamais fournie au journal. Il relate que M.
Bécu a communiqué avec la mère de l’enfant, le 3 mai 1993, mais que cette
dernière lui a dit qu’elle ne voulait pas lui donner une réponse avant le
lendemain. M. Bécu lui aurait alors confirmé qu’il la rappellerait à ce sujet.
Or, M. Bécu n’a-t-il jamais rappelé pour obtenir son accord, tel que promis,
mais le journal a procédé à la publication de cette photo.
En conséquence, M.
Colas demande que le journal Allo Police soit réprimandé pour avoir profité «de
la détresse, de la douleur et des traumatismes psychologiques subis par des
familles éprouvées par des meurtres de cette nature».
Commentaires du mis en cause
Mme Dominique
Poulin Gouin, avocate pour le compte de La Société de Publication Merlin ltée,
société éditrice du journal Allo Police, tient d’abord à préciser que M. André
Bécu doit être écarté du débat, car ce n’est pas lui qui a obtenu la photo en
question, et qu’il n’était pas au courant que celle-ci serait publiée.
D’autre part,
Mme Poulin Gouin indique que La Société de publication Merlin «ne disposait
d’aucun indice pouvant lui laisser croire que la famille de l’enfant décédée
s’opposerait à la publication de sa photo». Elle souligne que c’est en toute
bonne foi que celle-ci a été publiée, et que cette affaire découle d’un
regrettable «malentendu».
Mme Poulin Gouin
fait remarquer que «si Merlin a publié cette photo, c’est parce que l’événement
en question débordait le cadre de la vie privée des gens et tombait dans le
domaine de l’intérêt public»; et que Merlin a exercé la liberté de presse qui
lui est garantie par la Charte canadienne des droits et libertés et par la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec».
Mme Poulin Gouin
reconnaît, en toute conscience, «qu’un tel drame puisse peiner et affecter la
famille de l’enfant, mais (est) d’avis que le reportage sur ces événements et
la publication de la photo de l’enfant relevaient de l’intérêt public».
Analyse
A cause de leur caractère pénible tant pour les victimes que pour leurs proches, les drames humains sont des sujets particulièrement délicats, qui doivent être traités avec déférence et respect des personnes. La liberté de la presse et le droit du public à l’information seraient cependant compromis si les médias devaient cesser d’informer la population sur ces drames et sur les faits divers.
Evidemment, la situation idéale dans les cas de drames humains, où il y a publication de photos permettant d’identifier les victimes, serait que la famille fournisse elle-même cette photo. Mais lorsque cela n’est pas le cas, le journal doit s’assurer que la photo publiée respecte la dignité des personnes concernées, d’autant plus s’il s’agit de victimes. Dans le cas soulevé par la partie plaignante, le Conseil estime que ce principe a été respecté.
Analyse de la décision
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches