Plaignant
Association des
entrepreneurs en construction du Québec
Représentant du plaignant
Mme Christiane Rioux
(directrice des communications, Association des entrepreneurs en construction
du Québec [AECQ])
Mis en cause
CFTM-TV
(Télé-Métropole) [TVA, Montréal] et M. Yvan Lamontagne (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Fabrice
Brasier (directeur des affaires publiques, CFTM-TV (Télé-Métropole) [TVA,
Montréal])
Résumé de la plainte
Dans un
reportage sur le syndicalisme dans l’industrie de la construction, diffusé à
l’émission «Le Match de la vie» le 20 avril 1993, sur le réseau TVA, le
journaliste Yvan Lamontagne fait passer un entrepreneur pour un ouvrier qui
travaille tout croche, au noir et illégalement. Le correctif diffusé lors d’une
émission ultérieure ne rétablit pas les faits adéquatement.
Faits
La plainte
concerne le premier de trois reportages diffusés à l’émission Le Match de la
vie du 20 avril 1993 sur le réseau TVA. Cette émission, intitulée «A quoi
servent les syndicats?», fait le point sur le monde syndical en 1993.
Le premier
reportage, annoncé en début d’émission par la manchette: «Ça donne quoi d’être
syndiqué?», traite de la situation du syndicalisme dans l’industrie de la
construction.
Les séquences du
reportage qui font l’objet du présent litige font voir des travailleurs
chômeurs de la construction, syndiqués à la FTQ-Construction, faisant irruption
sur un chantier de construction et exigeant de travailleurs de montrer leur
carte de compétence.
Griefs du plaignant
L’Association
des entrepreneurs en construction du Québec (AECQ), par l’entremise de Mme Christiane
Rioux, directrice des communications, reproche à l’équipe de production d’avoir
«totalement manqué d’éthique envers l’un de (ses) membres, monsieur Fernand
Ouellette, président des entreprises Fernand Ouellette Inc.».
Mme Rioux
explique que M. Ouellette, qui se trouvait sur le chantier en question, a été,
devant les caméras, harcelé par ces travailleurs afin qu’il leur montre sa
carte de compétence, et insulté pour avoir refusé de le faire, alors qu’il n’a,
dans les faits, aucune obligation de leur montrer cette carte.
Elle explique
que M. Ouellette, saisi par le fait que ces travailleurs ont fait irruption sur
le chantier, accompagnés d’une équipe de production de Télé-Métropole, «n’a pas
eu la présence d’esprit […] de se défendre».
Elle indique que
M. Ouellette est un honnête entrepreneur de la construction qui oeuvre dans
cette industrie depuis 20 ans. Or, dans le reportage, il «passe pour un
travailleur, mais pire encore, pour un travailleur tout croche, travaillant de
plus au noir et illégalement».
Enfin, Mme Rioux
indique que M. Ouellette a communiqué avec le responsable de l’émission Le
Match de la vie qui a accepté d’apporter un correctif. Celui-ci, qui a été
diffusé à la toute fin d’une autre émission, le 4 mai 1993, n’a pas permis, selon
l’AECQ, de rétablir les faits adéquatement.
Commentaires du mis en cause
M. Fabrice
Brasier, directeur des affaires publiques de Télé-Métropole, reconnaît que ce
reportage «pouvait laisser croire que monsieur Ouellette travaillait au noir,
ce pourquoi (il) a personnellement accepté d’apporter une précision dans une
émission subséquente du Match de la vie».
Il précise
cependant qu’au moment du tournage, en mars 1993, M. Ouellette n’était pas,
pour des raisons administratives, en possession de sa carte de compétence pour
l’année courante, «ce qui ne permettait pas au journaliste d’établir avec
certitude sa situation professionnelle».
C’est après
avoir parlé au téléphone avec le fils de M. Ouellette, et non avec M. Ouellette
lui-même comme l’indique la plaignante, qu’il a accepté, sous réserve de
recevoir copie de sa carte de compétence, d’indiquer en ondes qu’il travaillait
en toute légalité.
M. Brasier
indique qu’il n’avait pas encore reçu ce document au moment de l’enregistrement
des présentations de l’émission du 4 mai 1993 (par l’animateur de l’émission,
M. Claude Charron), lequel lui est parvenu quelques jours plus tard. Aussi, une
précision a été apportée sur la foi des dires du fils de M. Ouellette, «ce qui
nous a conduit à la faire avec une certaine prudence».
M. Brasier
souligne que le journaliste Yvan Lamontagne et Télé-Métropole «n’ont agi avec
aucune intention malicieuse à l’endroit de monsieur Fernand Ouellette»; que la
précision diffusée deux semaines plus tard témoigne de leur bonne volonté; et
que de leur point de vue, «les faits ont donc été rétablis adéquatement, au
mieux de notre connaissance compte tenu des informations dont nous disposions».
Réplique du plaignant
Mme Christiane
Rioux réplique que la mise au point diffusée «présente encore monsieur Ouellette
comme un travailleur et non un entrepreneur». Il aurait été préférable, selon
elle, de reporter la diffusion du correctif si Le Match de la vie ne disposait
pas de toutes les informations nécessaires à ce moment.
Elle rappelle
par ailleurs que les faits reprochés à l’équipe du Match de la vie sont «de ne
pas avoir poussé les vérifications des faits en s’assurant de la réelle
fonction (de M. Ouellette) sur le chantier», d’avoir diffusé les séquences
[…] sans lui en avoir demandé la permission ou l’avoir averti qu’elles
seraient diffusées dans une émission de télévision, ce qui lui aurait permis
d’expliquer sa situation et d’éviter ainsi l’erreur d’interprétation dont il
allait être la victime».
Mme Rioux
convient que l’équipe de tournage n’a pas agi malicieusement à l’endroit de M.
Ouellette, mais considère néanmoins que les images diffusées ont eu pour
conséquence d’entacher sa réputation d’entrepreneur. C’est pourquoi l’AECQ
demande qu’une nouvelle rectification, proportionnelle au temps d’antenne consacré
aux séquences litigieuses, soit diffusée.
Analyse
Les séquences mises en cause dans la plainte visent à illustrer des situations qui ont cours dans l’industrie de la construction où des travailleurs syndiqués en chômage font irruption sur des chantiers pour vérifier si les ouvriers possèdent la carte de compétence qui leur donne droit au travail ou s’ils travaillent au noir.
Ces séquences présentent une information brute, sans traitement journalistique, sur un incident du genre. Cet incident, au cours duquel M. Fernand Ouellette est accusé par des pairs de travailler au noir, n’a pas été situé dans son contexte particulier. De ce fait, l’information diffusée pouvait laisser croire que M. Ouellette travaillait dans l’illégalité alors que cela n’était pas établi, ce que le Conseil déplore.
A ce titre, M. Claude Charron, l’animateur de l’émission, aurait pu informer les auditeurs sur la façon de travailler de l’équipe de production, à savoir qu’elle avait suivi des travailleurs chômeurs syndiqués sur un chantier de construction; et que Le Match de la vie ne pouvait dire si les travailleurs de ce chantier possédaient ou non une carte de compétence. Une telle mise en contexte aurait permis aux auditeurs de faire la part des choses en ce qui concerne M. Ouellette.
En ce qui a trait à la mise au point diffusée le 4 mai 1993, le Conseil reconnaît que le statut professionnel de M. Ouellette n’a pas été clairement éclairci, à savoir s’il est un entrepreneur ou un travailleur. Le Conseil estime par ailleurs que cette mise au point laisse planer un doute sur la situation de M. Ouellette puisqu’il n’est pas affirmé avec certitude s’il possède ou non une carte de compétence. Le Conseil déplore que Télé-Métropole n’ait pas adéquatement rétabli les faits à cet égard, en reportant au besoin la diffusion de cette mise au point.
Enfin, pour ce qui est de la rectification demandée par la partie plaignante, à la suite de la mise au point diffusée le 4 mai 1993, le Conseil rappelle que la décision d’y donner suite demeure la prérogative de Télé-Métropole.
Analyse de la décision
- C12D Manque de contexte
- C19A Absence/refus de rectification
- C19B Rectification insatisfaisante