Plaignant
M. André St-Jean
(ex-sous-ministre, ministère du Revenu du Québec)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et Mme Nathalie Petrowski (chroniqueure)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans sa
chronique «Le réfugié de l’immigration», parue dans l’édition du 4 mai 1993 de
La Presse, la journaliste Nathalie Petrowski porte contre le plaignant des
accusations diffamatoires fondées sur le témoignage d’une personne aux motifs
douteux, et sur les allégations d’une informatrice anonyme. Cette chronique
traite du fait que le plaignant a reçu un salaire du gouvernement pendant près
de quatre ans, sans occuper de fonction.
Faits
La plainte
concerne une chronique de Mme Nathalie Petrowski, intitulée «Le réfugié de
l’immigration», parue dans le journal La Presse du mardi 4 mai 1993. Cette
chronique traite de l’affaire André St-Jean, un ex-sous-ministre du ministère
du Revenu qui a reçu un salaire du gouvernement pendant près de quatre ans sans
occuper de fonctions.
Griefs du plaignant
M. André St-Jean
estime que Mme Petrowski «a manqué à toutes les règles de l’éthique
journalistique en portant contre (lui) des accusations calomniatrices et
diffamatoires fondées sur le témoignage d’une personne aux motifs douteux
qu’elle s’est bien gardée d’enquêter, de même que sur les allégations d’une
informatrice anonyme».
M. St-Jean
indique que cette chronique fut une attaque «si basse et lâche que plus d’une
soixantaine de personnes ayant travaillé avec (lui) au cours de sa carrière
dans la fonction publique […] ont réagi pour protester contre de tels propos
qui n’ont pas leur place dans une société libre et démocratique». Un tel écrit,
ajoute M. St-Jean, constitue une violation grave des chartes québécoise et
canadienne des droits «en ce qu’il vise essentiellement à détruire
malicieusement la réputation […]».
M. St-Jean
considère que cette chronique a eu de graves répercussions sur sa réputation
personnelle et professionnelle.
Commentaires du mis en cause
Bien que Mme
Nathalie Petrowski reconnaisse que cette chronique n’est pas particulièrement
élogieuse à l’endroit de M. St-Jean, elle considère que les accusations de ce
dernier lui apparaissent non fondées, d’abord sur le plan journalistique, mais
aussi parce que M. St-Jean «ne semble pas comprendre l’essence de la chronique
ni la nature du chroniqueur».
Elle rappelle
que ce dernier dispose d’une grande latitude «pour exprimer des idées, des
opinions ou des visions qu’il peut être parfois le seul à partager».
D’ailleurs, la chronique mise en cause est un texte «où l’information et
l’opinion se mêlent à la critique et à la satire non pas d’un individu mais
d’un système». Elle souligne que la compétence de M. St-Jean n’est pas une
seule fois remise en cause, mais ce qui l’est, en revanche, c’est «la situation
absurde dans laquelle il s’est retrouvé pendant quatre ans pour des raisons
(qu’elle) a cherché à éclaircir».
Mme Petrowski signale
que les informations qu’elle a obtenues de plusieurs sources convergeaient dans
le même direction. Faisant état d’un certain nombre de ces témoignages, Mme
Petrowski considère, malgré que cela ne soit pas indiqué dans sa chronique,
qu’elle a effectué un réel travail journalistique; et que de celui-ci, elle a
tiré un certain nombre de conclusions, ce qui était dans son droit.
Enfin, Mme
Petrowski dit n’avoir jamais visé à détruire la réputation de M. St-Jean, mais
qu’elle a «simplement cherché à en savoir plus long sur cette affaire pour le
moins bizarre, à dépasser les grands titres et la nouvelle factuelle et à faire
un peu de lumière sur les raisons réelles à l’origine de la mise en disposition
de Monsieur St-Jean». Cette chronique étant «moins une attaque de Monsieur
St-Jean que d’un système un peu absurde dans lequel il oeuvre et qui l’a
empêché de fonctionner pendant quatre ans».
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint, indique que La Presse appuie et fait
sienne la réponse de Mme Petrowski à cette plainte. Il souligne par ailleurs
que La Presse a offert un droit de réplique à M. St-Jean et que près d’une
demi-page de lettres réprouvant le contenu de la chronique de Mme Petrowski» a
été publiée par souci d’équité.
M. Masson
remarque que «la chronique d’une « columnist », même rédigée de bonne
foi et selon les critères professionnels reconnus, peut-être blessante pour la
personne concernée». Toutefois, «L’essentiel, c’est qu’il y ait justice, fair
play, équité». C’est ce que La Presse a fait en publiant des témoignages
contradictoires par rapport au contenu de la chronique de Mme Petrowski.
Réplique du plaignant
Selon M. André
St-Jean, «les effets de style importent plus (pour Mme Petrowski) que la
vérité. Il tient par ailleurs cette dernière «pour une (journaliste)
irresponsable qui ne publie que ce qui fait son affaire et tait les témoignages
qui dénient ses conclusions préjugées». Il reproche également à Mme Petrowski
de n’avoir pas cherché à communiquer avec lui pour connaître sa version des
faits.
Analyse
La chronique permet à son auteur d’exprimer, dans un style qui lui est propre, ses opinions, critiques et points de vue. Cette latitude ne le soustrait cependant pas à la rigueur afin d’éviter de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas, ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer des personnes ou des groupes.
Dans sa chronique, Nathalie Petrowski était en droit d’interroger les raisons qui ont pu sous-tendre l’affaire André St-Jean, un ex-sous-ministre du ministère du Revenu ayant reçu un salaire pendant près de quatre ans sans qu’il n’occupe de fonctions, et d’exprimer son point de vue et ses critiques à cet égard.
Si sa chronique questionne à juste titre le système gouvernemental, elle porte également, dans une proportion importante, sur la personnalité et le style de direction de M. André St-Jean. Le Conseil de presse estime ici que le propos tenu sur la personnalité d’André St-Jean est peu pertinent au fond du problème dans cette affaire. Ce faisant, et de par le langage abusif qu’elle utilise à certains moments pour illustrer la personnalité de M. St-Jean, Mme Petrowski contribue à jeter le discrédit sur sa personne.