Plaignant
M. Gilles
Guilbault (courtier en valeur mobilière)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et Mme Marie-Claude Lortie (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Richard
Dupaul (journaliste, La Presse [Montréal]) et M. Marcel Desjardins (directeur de
l’information, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans son article
titré «L’acquisition du Rothko à 1,8 million : Une question d’habitude», publié
le 16 juillet 1993, la journaliste Marie-Claude Lortie de La Presse décrit le
plaignant comme «un ancien courtier en valeur immobilière actuellement au
chômage […], qui tue le temps en préparant des bases de données sur le cours
des oeuvres d’art». La journaliste porte ainsi atteinte à la réputation du
plaignant et à celle de son logiciel. De plus, la journaliste a
«court-circuité» un confrère, le journaliste Richard Dupaul, en rédigeant un
article sur cette affaire avant lui.
Faits
La plainte
concerne un article de la journaliste Marie-Claude Lortie, titré «L’acquisition
du Rothko à 1,8 million : une question d’habitude…», paru dans l’édition du
16 juillet 1993 du journal La Presse.
Cet article
traite de la controverse ayant entouré l’acquisition par le Musée des
Beaux-Arts du Canada d’un tableau de l’expressioniste abstrait amÉricain Mark
Rothko. L’article rapporte les points de vue de différentes personnes sur cette
acquisition, dont celui de M. Gilles Guilbault, le plaignant dans le présent
dossier.
Griefs du plaignant
M. Gilles
Guilbault reproche à la journaliste Marie-Claude Lortie la façon dont elle l’a
présenté dans son article:
«A La Prairie
cependant, un ancien courtier en valeur immobilière actuellement au chômage,
Gilles Guilbault, qui tue le temps en préparant des bases de données sur le
cours des oeuvres d’art, pense que le musée a trop payé pour son Rothko.»
M. Guilbault
estime que Mme Lortie a, dans ce passage, porté «préjudice à (sa) réputation
d’individu, de compétence sur le marché de l’art et de (son) logiciel» en
présentant son travail comme celui d’un individu «au chômage, qui tue le temps
en préparant des bases de données sur le cours des oeuvres d’art».
D’autre part, M.
Guilbault considère que la journaliste a «court-circuité» un de ses confrères,
M. Richard Dupaul, également journaliste à La Presse, en rédigeant un article
sur ce cas avant lui. Il ajoute que ce «court-circuit» provoqué par Mme Lortie
ressemble «étrangement à du « lobbying » protectionniste et favoritiste
en faveur du Musée des Beaux-Arts du Canada».
Commentaires du mis en cause
Mme Marie-Claude
Lortie souligne d’abord que cet article «a été écrit de bonne foi, et ne porte
aucunement préjudice, à (son) avis, à M. Guilbault». Celui-ci rapporte les
opinions les plus diverses, dont celle de M. Guilbault, jugée pertinente, sur
l’achat du tableau de Rothko.
Mme Lortie
remarque qu’elle n’a jamais voulu dénigrer le travail du plaignant. Elle
indique qu’elle a présenté M. Guilbault comme n’ayant pas «d’emploi dans une galerie
d’art ni ailleurs mais qu’il pouvait ainsi consacrer tout son temps à la
compilation par ordinateur de données sur le cours des oeuvres d’art. C’est
tout ce qui était entendu par la phrase (qu’il lui) reproche».
Enfin, elle
précise qu’à aucun moment il n’a été question de «court-circuiter» son confrère
Richard Dupaul, et que c’est parce que ce dernier n’avait finalement nullement
l’intention de rédiger un article sur ce sujet qu’elle s’est chargée du
dossier.
M. Richard Dupaul
confirme de son côté les propos de Marie-Claude Lortie. Il rappelle à ce titre
qu’il n’a jamais déclaré qu’il avait la ferme intention d’écrire un article
«basé uniquement sur les commentaires de M. Guilbault». C’est donc en toute
collaboration qu’il a communiqué avec Marie-Claude Lortie, et qu’il a décidé de
ne rien rédiger à ce sujet.
M. Marcel
Desjardins, directeur de l’information du journal La Presse, endosse les propos
de Mme Lortie et de M. Dupaul sur la plainte de M. Guilbault. Le sujet de l’article
n’était pas sur M. Guilbault, sa compétence ou sur le fait qu’il consacre son
temps à l’analyse d’oeuvres d’art. Tout ce que Mme Lortie a voulu dire dans le
passage qui lui est reproché, est que M. Guilbault «consacre la majeure partie
de son temps libre à cette tâche».
Réplique du plaignant
M. Guilbault
«maintient (sa) plainte et refuse le « vide » explicatif de
Marie-Claude Lortie n’ayant point répondu aux éléments de fond de la requête».
Analyse
Dans le cas présent, le Conseil de presse reconnaît que la journaliste Marie-Claude Lortie a rapporté des informations conformes aux explications du plaignant en ce qui concerne le débat autour du prix payé par le Musée des Beaux-Arts du Canada pour l’acquisition d’une oeuvre de Rothko.
Cependant, le Conseil considère que la journaliste, en identifiant M. Gilles Guilbault comme un individu «actuellement au chômage», a livré aux lecteurs une information à caractère privé, d’aucun intérêt public ou informatif par rapport au sujet traité, et qui était susceptible de porter atteinte à la dignité et à la réputation de ce dernier.
De plus, en présentant son travail de mise au point d’un logiciel comme une activité qui «tue le temps», Mme Lortie a également dévalué l’occupation de M. Guilbault, dans des termes propres à discréditer ses propos auprès de l’opinion publique.
Pour ce qui est du «court-circuitage» d’information, le Conseil ne retient pas les griefs du plaignant compte tenu que les deux journalistes ont signifié leur entente à ce sujet.
Analyse de la décision
- C06H Affectation des journalistes
- C11D Propos/texte mal cités/attribués
- C16D Publication d’informations privées
- C17D Discréditer/ridiculiser
Griefs pour l’appel
D1989-01-002