Plaignant
La Prélature de
l’Opus Dei, Canada
Représentant du plaignant
M. Richard Brisebois
(directeur, Prélature de l’Opus Dei, Canada)
Mis en cause
M. Michel
Legault (journaliste, L’Actualité [Montréal])
Représentant du mis en cause
M. Jean Paré
(directeur, L’Actualité [Montréal])
Résumé de la plainte
Le reportage «Opus
Dei ou Octopus Dei?», publié dans l’édition du 1er avril 1993 de L’Actualité,
sous la signature du journaliste Michel Legault, contient des erreurs de fait
et des citations inexactes ou erronées. De plus, le journaliste identifie sans
raison suffisante plusieurs personnes, portant ainsi atteinte à leur vie
privée. Son reportage dégage une impression très négative de l’Opus Dei.
Faits
La plainte
concerne un reportage écrit, paru dans L’Actualité le 1er avril 1993, réalisé
par Michel Legault et intitulé «Opus Dei ou Octopus Dei?».
Griefs du plaignant
Richard
Brisebois, directeur du Bureau d’information de la Prélature de l’Opus Dei au
Canada, dénonce dans cet article:
– «34 erreurs de
fait;
– 11 citations
inexactes: six parce qu’elles rapportent incorrectement les propos d’une
personne, et cinq parce qu’elles rapportent des propos dont le contenu est
erroné».
Richard
Brisebois considère également que «l’article porte atteinte à la vie privée
d’au moins 13 personnes dont la publication de leur nom n’est pas justifiée par
le principe d’intérêt public».
Finalement, le
plaignant estime que «l’impression globale de l’Opus Dei qui se dégage de la
lecture de l’article est extrêmement négative», du fait même que le journaliste
insinue que cette organisation est une «secte» «élitiste», qui développe un
«réseau» de «conspiration», dans «le secret», et qui use d’une attitude
«discriminatoire envers les femmes».
En outre,
Richard Brisebois déplore le choix des titres et sous-titres («La phalange du
Pape utilise toutes les armes, y compris la Sainte coercition dans sa discrète
conquête du pouvoir», «Eglise dans l’Eglise, elle choisit ses missionnaires
parmi l’élite») qui pourtant, comme il le rappelle, «ne doivent pas déformer
les faits et se doivent de rendre l’esprit et le contenu des textes qu’ils
accompagnent».
Richard
Brisebois précise enfin que l’Opus Dei ne porte pas plainte contre L’Actualité,
qui a d’ailleurs par la suite publié un témoignage d’un membre de l’Opus Dei,
faisant de ce fait état des «éléments que L’Actualité a implicitement reconnu
comme manquants», mais bien contre le journaliste Michel Legault.
Commentaires du mis en cause
Jean Paré,
directeur de L’Actualité, entend tout d’abord lier le journaliste Michel
Legault et la revue dans le traitement de ladite plainte.
Ainsi, selon
Jean Paré, «M. Legault a fait un reportage, non pas un texte de promotion ou de
propagande, il rapporte ce qu’il a vu et entendu au cours des mois qu’a duré
son enquête». De plus, Jean Paré précise que la rédaction lui a «demandé, à maintes
reprises, de vérifier des faits et de bien s’assurer que tous les propos qu’il
apportait ont été tenus».
Jean Paré
souligne également qu’après publication de l’article en cause, «L’Actualité a
donné une large place (aux) commentaires et protestations», mais «qu’aucune
demande de rectification ne (leur) a été faite». De plus, un membre de l’Opus
Dei, M. Miller, a pu publier son propre témoignage dans la revue.
De son côté,
Michel Legault précise qu’il «a choisi de peindre un tableau équilibré de l’Opus
Dei», et que «à ce stade […] le choix de ce sujet ainsi que la façon dont
(il) l’a traité, en accord avec la direction de L’Actualité, correspondent aux
règles de la pratique journalistique».
Il considère donc
que «les accusations de l’Opus Dei sont aussi graves que sans fondement».
Ainsi, pour ce
qui est des «erreurs de fait», Michel Legault, après avoir commenté chacune des
erreurs, en reconnaît deux mineures, à propos d’un ouvrage cité et de
l’utilisation d’un nom fictif sans l’avoir précisé au lecteur, mais estime que
dans l’ensemble son travail est conforme aux exigences d’exactitude dans les
faits rapportés.
Pour ce qui est
des «citations inexactes», Michel Legault rejette ces «accusations sans fondement».
Ces citations sont soutenues par des «sources diverses, […] exactes et
documentées».
Michel Legault
considère également qu’il était d’intérêt public de nommer les personnes liées
à l’Opus Dei, dans la mesure où toutes les personnes citées «sont des
personnages publics ou des professionnels: professeurs d’université, haut
fonctionnaire, cadre, journaliste, représentants ou membres éminents de l’Opus
Dei».
Michel Legault
estime enfin que l’impression globale extrêmement négative dénoncée par le plaignant
ne fait que refléter la réalité, et qu’il aurait contrevenu au devoir de la
presse si, dans le cadre d’une enquête, il n’avait pas fait état des
accusations dont l’Opus est l’objet et de ses découvertes qui mettent
sérieusement en doute la crédibilité du discours de ses porte-parole sur les
véritables intentions de cette organisation. Michel Legault précise enfin que
plusieurs autres témoignages qu’il a recueillis lui ont permis de vérifier les
informations avancées, mais qu’il n’a pu les publier en raison de la place
disponible allouée au sujet, et par souci de laisser parler les faits.
Réplique du plaignant
M. Richard
Brisebois, dans sa lettre datée du 17 mai 1994, reprend et commente en suivant
l’ordre d’exposition de sa plainte chaque point de l’argumentation de la
défense présentée par le journaliste Michel Legault et l’éditeur de
L’Actualité, M. Jean Paré.
Analyse
Dans le cas présent et pour ce qui concerne l’accusation globale de traitement négatif accordé au sujet et dénoncé par le plaignant, le Conseil de presse considère que le journaliste Michel Legault n’a pas utilisé à l’encontre de l’Opus Dei ou de ses membres de termes méprisants, propres à les ridiculiser ou à les discréditer auprès de l’opinion publique. Le Conseil rappelle à ce titre que le choix d’un sujet ainsi que la manière de le traiter relèvent de la prérogative des médias.
Toutefois, le Conseil reproche à la rédaction de L’Actualité d’avoir, aux dires du journaliste, éliminé les mots «nom fictif» dans la description du personnage qui débute le récit du journaliste Michel Legault. Par ailleurs, le journaliste n’ayant pas indiqué qu’il décrivait une situation fictive a privé, de ce fait, le lecteur d’un élément d’information qui aurait permis de lire autrement le portrait de Robert, un membre (comme les autres) de l’Opus Dei, qui baise le sol en se levant le matin, fait ses ablutions et se rend à son cabinet d’avocat. Un cas d’espèce ne peut être un personnage fictif. Si on choisit quand même d’y recourir pour illustrer son propos, il faut en aviser le lecteur.
Si la majorité des citations et des faits en litige relèvent de l’interprétation et alors qu’il est évident que le journaliste Michel Legault s’est appuyé sur une somme considérable de sources pour étayer ses dires, le Conseil constate d’une part une erreur de fait (le titre erroné de l’ouvrage «Vocation»), admis par ailleurs par le journaliste lui-même dans sa défense, et d’autre part que deux des citations en litige venaient d’une source secondaire et que le journaliste a omis ou oublié de les attribuer à leur source. Les deux citations concernent des déclarations qu’aurait faites Mgr Portillo lors d’une visite à Montréal en 1988:
– «Les gens sans formation religieuse devraient s’abstenir d’avoir des opinions religieuses.»
– «Les ennemis de Dieu ne méritent pas notre tolérance.»
Dans le cas présent, le Conseil n’y voit pas un accroc majeur qui pourrait induire le lecteur en erreur, mais il en profite pour rappeler au journaliste que l’identification des sources secondaires est un élément d’information qui permet au lecteur de se faire une idée plus juste du poids de telle ou telle déclaration dans le contexte global d’un article.
Le Conseil de presse estime également que le journaliste était en droit de publier le nom de certaines personnes influentes, dans la mesure où ces informations sont d’intérêt public.
Enfin, pour ce qui est du choix des titres et des sous-titres, le Conseil de presse rappelle que ceci relève de la politique propre des médias. Toutefois, puisqu’on sollicite son avis, le Conseil estime que les différents titres reflètent le contenu des textes qu’ils accompagnent, et que, même s’ils ont un style «accrocheur», ils n’adoptent pas un caractère sensationnaliste sous le seul prétexte de rendre l’information plus attrayante.
En conclusion, nonobstant les quelques manquements relevés, le Conseil de presse ne retient pas les griefs prononcés à l’encontre de L’Actualité et de son journaliste Michel Legault, celui-ci ayant satisfait dans la globalité de l’article aux principes de professionalisme de pratique journalistique.
Analyse de la décision
- C11A Erreur
- C11F Titre/présentation de l’information
- C12B Information incomplète
- C13A Partialité
- C16B Divulgation de l’identité/photo
Date de l’appel
18 October 1994
Appelant
La Prélature de
l’Opus Dei, Canada
Décision en appel
Après étude, la
décision de la commission d’appel est comme suit:
Que soit
maintenue la décision du tribunal d’honneur et rejeté l’appel du plaignant,
pour les motifs suivants: 1) relativement aux erreurs de faits évoquées par
l’appelant, la commission est d’avis quc celles-ci ont pour la plupart été
provoquées par l’appelant, qu’alors le fardeau de la bonne foi lui revenait, et
pour ce qui est des autres, que celles-ci émanaient des perspectives ou points
de vue des partis, et que dans ce cas, la commission comme le tribunal
d’honneur n’était pas en mesure de trancher; 2) relativement au choix des sources,
la commission est d’avis qu’on ne peut reprocher à des journalistes de recourir
à des sources secondaires lorsque les sources primaires se récusent, la
commission estimant, pour ce qui est du nombre de membres de l’Opus Dei, entre
autres points, que l’organisme avait donné des chiffres qui semaient la
confusion; 3) par ailleurs, la commission constate que le journaliste a fait
usage de sa liberté rédactionnelle et a évoqué les deux thèses qui
s’affrontaient quant à l’organisme, donc que la notion d’équilibre avait été
respectée, le journaliste, qui n’est pas un spécialiste, ayant mis divers
textes en évidence, dont ceux du fondateur de l’organisme et ayant tiré des
conclusions de vulgarisateur par l’accumulation d’éléments d’information, ce
qui est une pratique journalistique acceptée.
Griefs pour l’appel
La Prélature de
l’Opus Dei au Canada a interjeté appel de cette décision.