Plaignant
M. Claude
Saint-Laurent (psychiatre)
Mis en cause
La Presse
[Montréal] et Mme Martha Gagnon (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Claude Masson
(vice-président et éditeur adjoint, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
L’article «Le
psychiatre Claude Saint-Laurent devra subir son procès pour agressions
sexuelles, tranche la cour», publié par La Presse le 22 décembre 1993 sous la signature
de la journaliste Martha Gagnon, porte atteinte à la réputation du plaignant en
plus de compromettre son droit à la présomption d’innocence. La journaliste
formule des insinuations mensongères et néglige de préciser que les faits
allégués restent sans preuve. Elle et son journal privilégient un traitement
sensationnaliste en illustrant l’article d’une photographie du plaignant
accompagné de Mme Denise Bombardier, qui demeure étrangère à cette affaire.
Faits
La plainte
concerne un article paru dans La Presse, le 22 décembre 1993, intitulé «Le
psychiatre Claude Saint-Laurent devra subir son procès pour agressions
sexuelles, tranche la cour». Dans cet article, la journaliste Martha Gagnon
expose les derniers développements liés au cas d’un psychiatre soupçonné
d’avoir eu des relations sexuelles avec deux de ses patientes.
Griefs du plaignant
M. Claude
Saint-Laurent déplore la publication d’un tel article «dont les affirmations
(l’) ont blessé et menacent, par leur effet d’insinuation, (son) droit à la réputation
sinon à la justice».
Dans cet
article, M. Claude Saint-Laurent reproche à Mme Martha Gagnon:
– d’insinuer que
le but des différents recours entrepris est de retarder l’audition de sa cause;
– d’avoir
occulté que «les faits allégués restent sans preuve et que la présomption
d’innocence joue toujours en (sa) faveur»;
– de lui prêter
des paroles qu’il n’a jamais prononcées sur le prétendu consentement préalable
des deux victimes, et ainsi donner l’illusion qu’il tente de se disculper d’un
acte dont il se reconnaît coupable;
– de privilégier
un côté sensationnaliste en publiant «la photo de Mme Denise Bombardier qui n’a
rien à voir dans cette cause».
En conclusion,
M. Claude Saint-Laurent estime que cet article est «vexatoire et agressif». De
plus, il «fait un grand tort auprès de (ses) proches et de (ses) patients, de
qui (il) avait mérité une présomption d’innocence comme le garantit encore la
loi du pays».
Commentaires du mis en cause
M. Claude
Masson, vice-président et éditeur adjoint de La Presse, estime que «Martha
Gagnon a fait honnêtement et professionnellement son travail en rapportant le
contenu du jugement rendu par la cour d’appel».
De plus, il
tient à souligner que, conformément à la politique en vigueur au journal La
Presse «à l’égard des personnes ou organismes qui croient avoir été lésés ou
victimes d’un traitement injuste» dans les pages du journal, M. Claude
Saint-Laurent a été invité à publier un texte «dans lequel il apporterait tout
l’éclairage requis face à ce qui a été rendu public dans son cas». Or, il a
refusé cette possibilité qui lui était offerte.
Enfin, et pour
ce qui est de la publication d’une photo montrant M. Claude Saint-Laurent en
compagnie de Mme Denise Bombardier, La Presse reconnaît son erreur. M. Claude Masson
précise à ce titre que le journal a présenté ses excuses à Mme Bombardier dans
son édition du 8 mars 1993.
Pour sa part,
Mme Martha Gagnon rappelle tout d’abord que les effets nuisibles d’un tel
article font malheureusement partie du «sort de toute personne accusée». Elle
tient également à souligner qu’elle n’a jamais eu «d’intentions malicieuses» à
l’égard du plaignant.
De plus, en
précisant que M. Claude Saint-Laurent multipliait les recours, Mme Martha
Gagnon n’a fait qu’évoquer la réalité, sans donner «aucune interprétation».
Enfin, elle
considère tout simplement qu’elle a «tenté de rapporter le plus fidèlement
possible le contenu du jugement».
Réplique du plaignant
A propos de la
lettre de M. Claude Masson, M. Claude Saint-Laurent estime que la réparation
«presque introuvable» publiée par La Presse, à la suite de «l’injure» faite à
Mme Denise Bombardier, n’est pas correcte.
Pour le reste,
M. Claude Saint-Laurent maintient les griefs exprimés à l’encontre du journal.
Il en est de
même après la réponse formulée par Mme Martha Gagnon, dont les explications ne
sont pas jugées satisfaisantes selon le plaignant.
En ce qui
concerne le droit de réplique proposé par La Presse, M. Claude Saint-Laurent
estime que «cette proposition est irrecevable, en cela que ce n’est pas aux
journaux qu(‘il) doit affirmer (sa) non-culpabilité et (son) innocence mais au
tribunal».
Analyse
A la lumière des documents et aux dires de la journaliste Martha Gagnon, le Conseil de presse constate, dans le cas présent, que la journaliste s’est effectivement référée à des informations contenues dans le jugement de la Cour d’appel du juge Christine Tourigny, notamment en ce qui a trait au consentement des victimes et au caractère particulier de cette affaire.
«Depuis le début, le psychiatre Saint-Laurent affirme qu’il ne peut être accusé d’agressions sexuelles parce que les patientes étaient consentantes et qu’il n’a jamais fait usage de sévices physiques ou de menaces. […]»
Le Conseil déplore que ces informations aient été présentées aux lecteurs, dans le cadre de l’article, de manière telle que ces derniers pouvaient croire que M. Claude Saint-Laurent avait admis ces faits personnellement, ce qui n’est pas le cas, aux dires des deux parties impliquées dans cette plainte.
Par ailleurs, le Conseil de presse constate que le plaignant Claude Saint-Laurent a multiplié les recours, et que la journaliste Martha Gagnon n’a fait que rapporter les faits sans les commenter, ce qui est tout à fait son droit.
Toutefois, et ce malgré la publication du rectificatif, le Conseil de presse déplore la publication de la photo de M. Claude Saint-Laurent en compagnie de Mme Denise Bombardier. Ce faisant, La Presse a juxtaposé illustration et événement qui n’avaient pas de lien entre eux, créant ainsi la confusion sur le véritable sens de l’information transmise.
Analyse de la décision
- C03A Angle de traitement
- C15A Manque de rigueur
- C17F Rapprochement tendancieux