Plaignant
M. François
Tessier; La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre
le sida
Représentant du plaignant
M. Yves Roy (rédacteur,
Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida)
Mis en cause
La Presse [Montréal]
et Mme Nathalie Petrowski (chroniqueure)
Représentant du mis en cause
M. Marcel
Desjardins (directeur de l’information, La Presse [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans sa
chronique «Fort Kox», publiée le 22 février 1994 par La Presse, la journaliste
Nathalie Petrowski commente une descente policière au bar Le Kox en employant
un vocabulaire injurieux et diffamatoire à l’endroit des clients de cet
établissement et des homosexuels en général. La journaliste manque
d’exactitude, d’objectivité et d’impartialité, en plus de faire appel à des
figures de style de mauvais goût et à des clichés.
Faits
La plainte
concerne un article paru dans l’édition de La Presse du 22 février 1994, signé
par Nathalie Petrowski, et intitulé «Fort Kox». Cet article commentait une
descente de police dans l’établissement de Montréal qui a nom Le Kox, à l’angle
des rues Sainte-Catherine et Plessis.
Griefs du plaignant
Un premier
plaignant, M. François Tessier, estime que Mme Petrowski a utilisé «un
vocabulaire hautement injurieux et rempli de jugements de valeur et de préjugés
discriminatoires envers la clientèle de ce bar (le Kox) et envers les
homosexuels en général».
M. Tessier dit
avoir écrit à M. Marcel Desjardins, directeur de l’information de La Presse
pour se plaindre et demander une rétractation. Le plaignant considère que ce
dernier a eu à son égard une attitude choquante et répréhensible lorsqu’il a
voulu lui exprimer par téléphone ses commentaires au sujet des propos tenus par
la journaliste.
Un deuxième
plaignant, M. Yves Roy, écrivain et rédacteur pour la Coalition des organismes
communautaires contre le sida, soutient que la journaliste Nathalie Petrowski a
fait preuve d’un manque d’objectivité et d’impartialité dans son article, en
plus de donner des informations inexactes. Il avance qu’elle appuie ses propos
sur ses propres préjugés, des ouï-dire et sur ses connaissances approximatives
concernant les bars gais, du fait notamment qu’elle n’était pas en mesure de
vérifier sur place ses allégations.
De plus, il
prétend que son langage est truffé de figures de style de mauvais goût et de
clichés, qui auraient le pouvoir de provoquer un climat de violence contre la
communauté gaie.
Commentaires du mis en cause
M. Marcel
Desjardins, directeur de l’information à La Presse, soutient de son côté qu’il
a offert à M. François Tessier de publier son point de vue dans les pages du
quotidien, ce que ce dernier aurait refusé puisqu’il exigeait une rétractation
pure et simple. Le directeur de l’information n’estimait pas que Mme Petrowski
doive se rétracter, puisque ses propos commentaient plutôt les pratiques du bar
Le Kox.
Pour sa part,
l’auteure de «Fort Kox» se défend d’avoir voulu être malhonnête dans ses
propos. Elle prétend avoir appuyé ses allégations sur des conversations
téléphoniques qu’elle a eues avec des amis gais.
Quant à
l’utilisation d’un langage coloré, c’est un style humoristique et caricatural qui
lui est propre en tant que chroniqueuse.
En ce qui trait
à la descente policière, cela aurait, selon Mme Petrowski, créé des dissensions
au sein de la communauté gaie.
Réplique du plaignant
M. Yves Roy
réitère sa plainte. Il croit que les sources d’information de la journaliste
auprès de ses amis gais sont insuffisantes pour que l’information soit juste et
complète. Il soutient aussi que, même si Nathalie Petrowski déclare qu’elle
tenait sensiblement les mêmes propos qu’un journal gai, il ne connaît aucun journal
gai québécois de réflexion destiné à la communauté homosexuelle.
L’autre
plaignant a décliné de présenter une réplique.
Analyse
La chronique est un genre journalistique qui, contrairement à la nouvelle ou au reportage, permet à son signataire d’émettre une opinion. La chroniqueuse a donc le privilège, et ce en conformité avec les règles de l’éthique journalistique, de prendre position, d’exprimer des commentaires et de faire valoir son point de vue sur les événements de son choix, pour autant qu’elle se soumette aux exigences de rigueur qui prévalent pour tous les professionnels de l’information.
Le Conseil de presse considère que la journaliste Nathalie Petrowski a le droit d’émettre une opinion sur des faits, en l’occurrence, les comportements des clients de l’établissement en question, faits comme tels qui ne sont par ailleurs pas contestés par les plaignants.
Quant au ton utilisé par la journaliste Nathalie Petrowski, le Conseil de presse est d’avis qu’elle y avait droit, y compris les clichés.
Pour ce qui est de la partie de la plainte affirmant que la journaliste a utilisé un vocabulaire «[…] rempli de préjugés discriminatoires envers la clientèle du bar et envers les homosexuels en général», le Conseil de presse n’a pu que constater que les clients ne sont ni nommés ni distingués par des généralisations; aussi le Conseil ne peut-il, en pratique, que conclure à une absence de discrimination.
Concernant la demande de rétractation adressée au quotidien La Presse par les deux plaignants, le Conseil rappelle pour la forme que la décision de publier ou non une rétractation demeure une prérogative de l’éditeur et que nul n’a accès de plein droit aux pages d’un journal ou aux ondes des stations de radio et de télévision. Le Conseil encourage cependant la libre circulation des idées et l’expression du plus grand nombre possible de points de vue.
En conclusion, le Conseil de presse n’accueille pas les plaintes de MM. François Tessier et Yves Roy à l’encontre de Mme Nathalie Petrowski et de La Presse.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C19A Absence/refus de rectification