Plaignant
M. Ernest Haim
Mis en cause
Allô Police
[Montréal]
Représentant du mis en cause
Mme Dominique
Poulin-Gouin (avocate, Société de Publication Merlin)
Résumé de la plainte
Allô Police
montre peu d’égards envers la famille d’une jeune femme victime de meurtre en
publiant, à la première page de son édition du 27 juillet 1994, sa photo de
finissante avec le titre «Mélanie… Trouvée nue!» en surimpression.
Faits
La plainte
concerne la photo et le titre que le journal Allô Police a publiés en première
page, le 17 juillet 1994, après que le cadavre d’une jeune femme disparue
depuis le 22 juin 1994 ait été retrouvé. Le journal a publié une photo de finissante
de la jeune femme avec la manchette «MELANIE… TROUVEE NUE!» en surimpression.
Griefs du plaignant
M. Ernest Haim
dénonce la façon dont le journal Allô Police a présenté cette information. Il
estime que «cette façon de présenter un événement qui a ému l’entière province
(constitue) une incitation à la pire perversité — la nécrophilie». Considérant
la mort tragique que cette jeune femme a connue, M. Haim ajoute qu’il n’est pas
difficile d’imaginer le heurt que cette présentation a pu constituer pour sa
famille.
Commentaires du mis en cause
Me Dominique
Poulin Gouin, avocate pour le compte de la Société de Publication Merlin
Limitée, dit être très surprise que l’on puisse porter un tel jugement sur
cette photo et ce titre. Elle soumet que ceux-ci doivent être appréciés en
tenant compte du contexte de cette affaire: le moment où le corps de cette
jeune femme a été retrouvé a été précédé de deux longues semaines de
recherches, d’attente éprouvante pour ses proches et au cours desquelles toute
la province s’est émue pour le sort de celle-ci. D’ailleurs, ce que plusieurs
médias ont publié au cours de cette période atteste de ce climat particulier
d’attente et de recherches.
Mme Poulin Gouin
indique que l’idée selon laquelle le titre «MELANIE… TROUVEE NUE!» puisse
constituer une incitation à la nécrophilie n’a effleuré l’esprit de personne et
que cela n’était certes pas l’intention du journal. La photo où l’on voit
Mélanie revêtue de sa toge de finissante, le sourire aux lèvres, une image même
de l’adolescente épanouie et confiante dans l’avenir, ne confère certainement
pas cette idée.
Mme Poulin Gouin
signale que cette photo a été publiée à plusieurs reprises dans les journaux et
dans les avis de recherche. Quant à la manchette, elle remarque qu’il ne peut
être considéré qu’Allô Police détient le monopole des titres si l’on regarde ce
qui a été publié dans d’autres journaux.
En ce qui
concerne le heurt que, selon le plaignant, cette première page a pu constituer
pour les proches de cette jeune femme, Mme Poulin Gouin souligne qu’Allô Police
compte plusieurs parents dans son équipe et que tous ont vibré au même diapason
que la famille de Mélanie. Il est évident que cette famille est heurtée. Non
pas par le titre, mais par le drame qu’elle est en train de vivre.
Mme Poulin Gouin
convient que toute cette affaire est triste, mais que ce sont là les faits.
Allô Police a livré une «information conforme aux faits et aux événements,
c’est-à-dire la vérité, la vérité qui choque certes, mais la vérité tout de
même», tel étant le premier et le plus important devoir d’un journal.
Analyse
Les drames humains, comme celui dont il est question dans la présente plainte, sont des sujets particulièrement délicats à traiter à cause de leur caractère pénible pour les proches de la victime. Les médias doivent traiter ces événements avec déférence et respect des personnes et éviter de faire du sensationnalisme, que ce soit dans les informations qu’ils publient ou les photos et illustrations qui accompagnent ces informations.
Dans le cas présent, le Conseil de presse estime que le journal Allô Police n’a pas contrevenu à ces règles. Le Conseil est d’avis que la photo et le titre publiés en première page ne sont pas empreints de sensationnalisme et qu’ils respectent le sens de l’événement rapporté. Le Conseil ne retient donc pas la plainte déposée par M. Ernest Haim.
Analyse de la décision
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches