Plaignant
Famille de
plaignants
Représentant du plaignant
Mme Monique
Legault-Faucher (porte-parole, famille de plaignants)
Mis en cause
Le Journal de
Montréal et Mme Claire Harting (journaliste)
Résumé de la plainte
Le 31 octobre
1994, Le Journal de Montréal publie la manchette «Devant le refus des médecins
: Louise s’est mutilée pour changer de sexe», une photo et un article qui
reprennent une histoire déjà parue en 1989. Cet article, titré «Son être
masculin confronté à des refus « obstinés » : Louise est devenue
« elle-même » par ses propres moyens», exploite la misère humaine et
verse dans le sensationnalisme. La journaliste Claire Harting s’acharne sur la
personne concernée, sans chercher à savoir ce qu’elle est devenue.
Faits
La plainte
concerne un article paru le 31 octobre 1994 en page 8 du Journal de Montréal.
Celui-ci est annoncé en première page avec la manchette «Devant le refus des
médecins : Louise s’est mutilée pour changer de sexe» en surimpression de la
photo de cette dernière. Cet article, titré «Son être masculin confronté à des
refus « obstinés » : Louise est devenue « elle-même » par ses
propres moyens», rapporte le témoignage de Louise et traite du geste qu’elle a
posé pour changer de sexe.
Mme Claire
Harting signe deux textes en page 8 du journal, sous la rubrique «Les
transsexuels». Le premier mentionné ci-haut, qui est l’objet de la présente
plainte, et un deuxième intitulé «Un chirurgien qui accepte d’effectuer ce
« travail »». Celui-ci traite des différents aspects, du point de vue
d’un chirurgien plasticien, relatifs à une démarche de changement de sexe.
Griefs du plaignant
Mme Monique
Legault-Faucher, soeur de Louise et porte-parole de la famille, considère que
cet article «exploite la misère humaine sans se soucier du droit des lecteurs à
une information aussi complète et rigoureuse que possible, et respectueuse de
ceux et celles qui sont en cause, de façon directe ou indirecte».
Selon Mme
Legault, le journal a posé un geste sensationnaliste du plus mauvais goût en
publiant en première page, le jour de l’Halloween, la photo d’un transsexuel
avec, en micro-mortaise, la photo de Mgr Turcotte pour annoncer la nomination
au collège des cardinaux du prélat québécois. Elle remarque qu’aucune raison
valable sur le plan journalistique ne justifiait un tel choix puisque
l’histoire de Louise remonte à quelques années, alors que la nomination de Mgr
Turcotte constituait la nouvelle du jour. Aussi, utiliser le «désarroi d’une
personne se débattant avec de sérieux problèmes mentaux et d’identité pour
célébrer l’Halloween (lui) paraît être une stratégie de marketing
inacceptable».
Mme Legault
indique que le reportage en question est une grossière redondance
journalistique puisque Le Journal de Montréal et la journaliste Claire Harting
avaient déjà, le 10 juillet 1989, publié un article sur ce même événement sous
le titre «Louise n’en pouvait plus d’attendre l’ »opération » : Elle se
« castre » elle-même».
Ce qui ajoute à
la gravité, souligne Mme Legault, c’est que Mme Harting savait très bien à qui
elle avait affaire lorsqu’elle a décidé de ressortir cette vieille histoire. En
effet, Mme Legault mentionne que Mme Harting l’avait contactée quelques jours
après la publication de son premier article, en juillet 1989, afin de lui
donner l’heure juste au sujet du geste posé par Louise. Elle l’avait alors
informée que cette dernière souffrait d’une maladie chronique grave, dont l’une
des composantes est sa conviction d’être femme; des raisons du refus de deux
comités de spécialistes de recommander un changement de sexe; des gestes et des
moyens problématiques que Louise avait utilisés pour arriver à obtenir un
changement de sexe.
Mme Legault dit
comprendre que Mme Harting, ignorant à qui elle avait affaire en 1989, ait été
dupe et joué le jeu d’une personne cherchant surtout à attirer l’attention sur
son cas. Elle comprend également que Mme Harting n’ait pas eu l’idée à cette
époque de vérifier la validité des révélations de Louise. Elle est toutefois dépassée
par la décision de Mme Harting, cinq ans plus tard, de rejouer cette
malheureuse histoire sans même prendre la peine de vérifier à quoi ressemble,
en 1994, le vrai vécu de Louise, lequel comporte des problèmes et des
difficultés sérieuses.
Mme Legault
estime qu’il y a lieu de s’interroger sur la naïveté et le manque de jugement
de Mme Harting. Cette dernière aurait dû être alertée par un commentaire fort
significatif qu’elle rapporte dans son deuxième article. Le Dr Yvon Ménard,
évoquant la condition mentale des personnes venant le consulter, affirme qu’il
n’aurait probablement pas opéré Louise s’il l’avait vue au départ.
Mme Legault
souligne que c’est la deuxième fois que sa famille encaisse les pénibles et
très désagréables retombées des reportages de Mme Harting et qu’elle espère
vivement que ce sera la dernière.
Commentaires du mis en cause
Mme Claire
Harting et Le Journal de Montréal n’ont donné aucune suite aux deux invitations
qui leur ont été faites de répondre à cette plainte.
Analyse
C’est en l’absence de la version des faits de Mme Claire Harting et du Journal de Montréal, dont il déplore le manque de collaboration dans le présent dossier, que le Conseil rend la décision suivante.
Le Conseil a toujours reconnu la discrétion éditoriale des médias de traiter des sujets et des événements de leurs choix. A ce titre, Le Journal de Montréal et la journaliste Claire Harting étaient libres de s’intéresser à la question de la transsexualité et de recourir à des témoignages pour ce faire.
Dans le cas présent, Mme Harting et Le Journal de Montréal étaient en droit de publier un article de suivi sur une affaire qu’ils avaient déjà abordée. Le Conseil est cependant d’avis que Le Journal de Montréal a versé dans le sensationnalisme en jouant cette affaire à la une, y accordant de ce fait un importance indue considérant le caractère passé de l’événement.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C24A Manque de collaboration