Plaignant
M. Bertrand
Girard (maire sortant, Saint-Lambert)
Représentant du plaignant
M. Robert Brunet
(avocat)
Mis en cause
Le Citoyen
[Saint-Lambert] et Mme Christine Bourjade Radmanovich (éditrice)
Résumé de la plainte
L’éditorial
«Bertrand Girard s’entête à solliciter un deuxième mandat», publié le 11
octobre 1994 dans La Citoyen de Saint-Lambert, sous le signature de Mme
Christine Bourjade Radmanovich, renferme des propos diffamatoires, faux et
mensongers à l’encontre du plaignant. Mme Bourjade Radmanovich poursuit une
campagne de dénigrement initiée lors des élections municipales de 1990.
Faits
La plainte
concerne un éditorial paru le 11 octobre 1994 dans le journal Le Citoyen de
Saint-Lambert, sous le titre: «Bertrand Girard s’entête à solliciter un
deuxième mandat». Cet éditorial, signé CBR pour Mme Christine Bourjade
Radmanovich, éditrice du journal, porte sur la campagne électorale municipale
de Saint-Lambert à l’automne 1994.
Griefs du plaignant
M. Bertrand
Girard, maire sortant et candidat à la mairie lors de cette campagne
électorale, par l’entremise de son avocat, M. Robert Brunet, reproche à Mme
Christine Bourjade Radmanovich d’avoir publié un éditorial contenant des propos
diffamatoires, faux, mensongers et fallacieux.
Au soutien de sa
plainte, M. Girard soumet une publicité électorale dans laquelle il réplique à
l’éditorial de Mme Radmanovich, qu’il dénonce par ailleurs comme une opération
de salissage à son endroit. Qualifiant d’affirmations fausses plusieurs
passages de l’éditorial, M. Girard reproche à Mme Radmanovich:
– de mettre en
doute le jugement de la Cour qui l’a exonéré d’une accusation d’infraction à la
loi électorale lors de la campagne électorale de 1990;
– d’écrire
faussement qu’il a déclaré: «Ne pas me réélire c’est mettre en péril la ville
de Saint-Lambert»;
– de référer à
un communiqué anonyme pendant la campagne électorale, alors que toutes les
mesures ont été prises pour que la source soit connue et rejoignable;
– d’écrire
faussement qu’il s’attribue le crédit pour la création et la réalisation de
divers projets culturels et économiques à Saint-Lambert et de le traiter de
«récidiviste inguérissable» à cet égard, alors qu’il a maintes fois reconnu, félicité
et remercié les membres du conseil municipal qui ont travaillé à la réalisation
de ces projets;
– d’écrire que
l’hôpital Saint-Michel, dont il est le directeur, a dû embaucher un adjoint à
la direction afin de pallier à son absentéisme chronique en raison de sa
participation à la politique municipale, alors que dans les faits un poste a
été aboli;
– d’écrire que
c’est parce qu’il n’a pas obtenu le poste de directeur de l’hôpital de
Jonquière qu’il a décidé de solliciter un deuxième mandat à la mairie, alors
qu’il a quitté la direction de cet hôpital il y a dix ans pour diriger
l’hôpital Saint-Michel et qu’il n’a pas postulé à Jonquière depuis;
– de l’accuser
d’avoir fait abattre deux arbres sur sa propriété après avoir conseillé aux
Lambertois de planter des arbres et d’embellir leurs demeures, alors que ces
deux arbres ont été remplacés par deux autres et un aménagement paysager plus
élaboré;
– d’avoir
rapporté faussement des informations vérifiables relativement aux frais de
représentation dans l’exercice de ses mandats à la mairie, les frais d’un
voyage en Belgique et la modification d’un règlement sur l’installation de
gicleurs dans certains immeubles.
Selon M. Girard,
Mme Radmanovich trompe ses lecteurs avec des affirmations gratuites et continue
«la campagne de destruction qu’elle a initié [à son endroit] lors de la
dernière élection [de 1990]».
Commentaires du mis en cause
Mme Christine
Bourjade Radmanovich fait d’abord valoir que la plainte de M. Girard ne la surprend
pas puisque ce dernier désire tout contrôler et livre une lutte sans merci à
tous ceux et celles qu’il trouve en travers de son chemin.
Concernant
l’éditorial mis en cause, Mme Radmanovich indique que toutes les informations
publiées dans celui-ci sont bien documentées. Elle ajoute qu’elle ne peut
fournir des détails précis sur la façon dont elle a obtenu certaines
informations afin de ne pas compromettre ses sources. Elle soumet cependant, à
titre d’exemple, quelques parties de documents sur lesquels elle a appuyé
certains faits et commentaires exposés dans son éditorial et qui viennent
contredire les allégations du plaignant (frais de représentation, abattage de
deux arbres sur sa propriété, communiqué anonyme, déclarations concernant la
réalisation de certains projets culturels et économiques, etc.).
Mme Radmanovich
souligne qu’il existe un climat politique bien particulier à Saint-Lambert.
Afin d’illustrer celui qui a prévalu entre 1992 et 1994, elle mentionne qu’elle
a fait l’objet à plus d’une reprise de menaces verbales de la part de M.
Girard. Elle relate également certains événements de même nature survenus entre
M. Girard et d’autres personnes de la communauté.
A l’affirmation
du plaignant selon laquelle elle mènerait un opération de salissage à son
endroit, Mme Radmanovich rétorque que c’est surtout sa famille et elle-même qui
ont eu droit, grâce à une publication concurrente, à une campagne de
dénigrement aussi imaginative que destructrice de personnalité. En regard de la
présente plainte, Mme Radmanovich remarque que M. Girard est un politicien «qui
d’une part blâme les médias pour tout, mais veut aussi les contrôler afin de
satisfaire ses ambitions personnelles».
Analyse
Le Conseil rejette la plainte parce que Mme Christine Bourjade Radmanovich était en droit, dans le cadre d’un éditorial, d’exprimer ses critiques et de faire valoir ses points de vue sur les faits et gestes des candidats à l’élection municipale de Saint-Lambert, dont ceux du plaignant, maire sortant et candidat à la mairie. Même si elle pose un regard défavorable sur certains faits et gestes politiques du plaignant, le Conseil ne peut donc reprocher à Mme Radmanovich les affirmations qui relèvent de l’expression d’opinions.
Pour ce qui est des affirmations dont le plaignant conteste la véracité, le Conseil n’est pas en mesure, devant les versions contradictoires des parties et en l’absence d’informations suffisantes, de trancher sur cet aspect de la plainte. Le tribunal d’honneur du Conseil rappelle que le plaignant doit fournir les éléments à l’appui de sa plainte.
Le Conseil rejette aussi la plainte selon laquelle Mme Radmanovich met en doute le jugement qui a été rendu par la Cour du Québec au terme de son procès pour infraction à la loi électorale en 1990. Le fait qu’elle fasse référence à ce procès dans son éditorial ne signifie pas qu’elle met en doute le jugement de non-culpabilité qui a été rendu.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C11C Déformation des faits