Plaignant
La Ligue des
Droits et Libertés
Représentant du plaignant
Mme Lucie
Lamonde (présidente, Ligue des Droits et Libertés)
Mis en cause
Super Hebdo
[Pointe-aux-Trembles] et Mme Christiane Desjardins (rédactrice en chef)
Résumé de la plainte
La rédactrice en
chef du Super Hebdo, Mme Christiane Desjardins, exploite un incident à
caractère raciste dans ses articles «Ecrivain battu par ses voisins: « J’ai
vécu un épisode de Racine à Pointe-aux-Trembles »», «La version blanche…»
et «Ecrivain battu: « L’enquête n’avance pas beaucoup », dit la
police», parus le 4 septembre 1994. Mme Desjardins publie l’adresse de la
victime dans cette affaire et rapporte les propos racistes de ses voisins.
Faits
La présente
plainte concerne trois articles de Mme Christiane Desjardins, rédactrice en
chef de Super Hebdo, parus le 4 septembre 1994 sous les titres: «Ecrivain battu
par ses voisins. « J’ai vécu un épisode de Racine à Pointe-aux-Trembles »»,
«La version blanche…» et «Ecrivain battu. « L’enquête n’avance pas
beaucoup », dit la police». Ces articles traitent d’un incident survenu
dans un quartier de Pointe-aux-Trembles au cours duquel un écrivain et éditeur
noir, M. Edgar Gousse, a été battu par des individus.
Griefs du plaignant
La Ligue des
Droits et Libertés, par l’entremise de sa présidente, Mme Lucie Lemonde,
reproche au journal d’avoir exploité un incident à caractère raciste dans son
traitement de cette affaire, notamment en publiant l’adresse de M. Edgar
Gousse, en titrant le second article «La version blanche…», et en rapportant
les propos racistes des voisins de M. Gousse, tels: «S’il avait voulu faire des
dommages au « char » du nègre, il l’aurait poussé jusqu’au bout de la
rue. Il a un « truck »», «Y’en a plein de nègres « icitte » pis
on les entend pas. La preuve qu’on n’est pas raciste, c’est qu’on laisse même
nos enfants jouer avec les noirs», «Avant j’étais pas raciste, mais là je le
suis», «Depuis ce temps là, la police nous a averti de ne pas sortir. On paie
500 $ de loyer pis on peut pas sortir à cause des h… de nègres», «Depuis ce
temps là, y’a des nègres qui passent leur temps à passer devant la maison en
nous regardant. C’est fatiguant en h… de se faire z’yeuter comme ça».
Mme Lemonde
estime également que le troisième article, par les déclarations policières
rapportées dans le titre et le texte, laisse entendre que l’enquête policière
n’avance pas beaucoup à cause de M. Gousse qui «est trop occupé à alerter les
médias».
Commentaires du mis en cause
Au reproche que
le journal a exploité un incident à caractère raciste, Mme Christiane
Desjardins demande: «Qu’aurait-il fallu faire? Taire l’incident? Le relater en
prenant des gants blancs?». Elle souligne que ce qu’elle a écrit est ce qu’elle
a vu et entendu en se rendant sur place et en interrogeant M. Gousse et les
voisins impliqués.
Quant aux propos
racistes, elle remarque qu’ils sont ceux que les voisins impliqués dans cet
incident ont tenus. Elle ajoute à cet égard: «Leur langage n’est pas très
correct? C’est le leur.» Pour ce qui est de l’enquête policière qui n’avance
pas beaucoup à cause de M. Gousse, elle indique que c’est exactement ce que le
policier laissait entendre. En rapport avec ces propos et ces déclarations, Mme
Desjardins souligne que le Super Hebdo n’est pas un journal de fiction ni une
entreprise de traduction.
Analyse
Le Conseil reproche au journal Super Hebdo la publication de l’adresse de M. Edgar Gousse dans le premier article. En plus de n’être d’aucun intérêt public ni d’aucune utilité à l’information rapportée, la publication de l’adresse de M. Gousse risquait d’entraîner qu’il ne soit inquiété, d’autant plus si l’on tient compte de la situation dans laquelle il était impliqué.
Quant au deuxième article intitulé «La version blanche», le Conseil constate que les témoignages rapportés traduisent surtout les sentiments négatifs des voisins de M. Gousse envers les Noirs en général plus qu’il ne rendent compte de leur version sur l’incident même. Il aurait été intéressant de savoir ce que les voisins ont vu par rapport à cet incident.
Le Conseil ne condamne pas le fait de rapporter des propos racistes tenus par certaines personnes lorsque cela est pertinent et justifié dans une nouvelle d’intérêt public. Cependant, dans leur traitement de l’information, les médias et les journalistes doivent éviter d’amplifier ou de véhiculer inutilement de tels propos.
Quant au troisième article, le Conseil ne retient pas les griefs de la plaignante. Le fait de rapporter les déclarations de l’enquêteur, laissant entendre que l’enquête n’avance pas beaucoup parce que M. Gousse est trop occupé à alerter les médias, n’est pas discriminatoire dans le présent contexte.
Analyse de la décision
- C16C Publication de l’adresse/téléphone
- C18E Discrimination (citation)