Plaignant
M. Luc Senécal
et al.
Mis en cause
CBF-AM [SRC,
Montréal] et M. André Croteau (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Pierre Tougas
(directeur général des programmes, CBF-AM [SRC, Montréal])
Résumé de la plainte
Les 4, 11 et 18
août 1993, à l’émission radiophonique «CBF Bonjour» de la Société Radio-Canada,
le journaliste André Croteau présente des informations inexactes sur la nature
et les coûts de construction d’un projet de belvédères à Boucherville. Le
journaliste n’a pas respecté l’éthique professionnelle en ne vérifiant pas les
faits adéquatement avant de les diffuser.
Faits
La plainte
concerne des propos tenus par le journaliste André Croteau, les 4, 11 et 18
août 1993, à l’émission radiophonique CBF Bonjour de Radio-Canada. Les propos
reprochés portent sur un projet de construction de belvédères le long du fleuve
à Boucherville.
Cette plainte a
été déposée initialement par le conseil municipal de la Ville de Boucherville,
en février 1994. Elle a été retirée en décembre 1994 par le nouveau conseil
municipal, élu en novembre 1994. Toutefois, MM. René Delisle et Serge Laramée,
conseillers municipaux qui se sont opposés à cette résolution, M. Hugues
Aubertin, ex-maire, et MM. Luc Senécal et Laurent Rivard, ex-conseillers, ont
décidé de déposer une nouvelle plainte relativement à ce dossier. Ils
considèrent que les propos du journaliste André Croteau méritent toujours
d’être étudiés.
Griefs du plaignant
Les plaignants
reprochent au journaliste André Croteau et à Radio-Canada d’avoir diffusé des
informations qui ne correspondent pas à la réalité sur la nature et les coûts
de construction du projet de belvédères à Boucherville. Ils précisent que M.
Croteau fait référence à «une petite promenade» ou à «un petit trottoir de bois
sur pilotis», alors qu’il n’a jamais été question de projets de cette nature,
mais de la construction de deux belvédères.
Concernant les
coûts de construction, les plaignants reprochent à M. Croteau de parler, dans
les deux premières émissions, d’un coût de 500 000 $ pour la construction de
cette «petite promenade» ou de ce «petit trottoir de bois sur pilotis», alors
qu’il s’agit de deux belvédères au coût de 489 900 $. Dans la troisième
émission, ils lui reprochent de parler d’un belvédère au coût d’un million de
dollars.
Les plaignants
considèrent que M. Croteau a manqué à l’éthique professionnelle en ne vérifiant
pas les faits adéquatement et en diffusant des informations inexactes.
Commentaires du mis en cause
M. Pierre
Tougas, directeur général des programmes à la radio AM, renvoie à la réponse
qu’il a fait tenir à la Ville de Boucherville par suite de la plainte que cette
dernière avait déposée auprès de Radio-Canada, ainsi qu’au rapport de
l’ombudsman de Radio-Canada dans ce dossier. Il transmet également un rapport
que le journaliste André Croteau lui a présenté en réaction à la décision de
l’ombudsman de Radio-Canada.
Dans sa réponse
à la Ville de Boucherville, M. Tougas indique que l’ensemble des interventions
de M. Croteau étaient exactes à l’exception du chiffre d’un million de dollars
dans l’émission du 18 août, une erreur qui aurait dû être rectifiée.
L’ombudsman de
Radio-Canada, M. Mario Cardinal, indique dans sa décision que l’information
donnée par M. Croteau n’était ni exacte ni équitable. Il remarque que M.
Croteau n’avait pas, dans le cadre d’une chronique, à donner toutes les
informations à propos des belvédères, mais qu’il aurait pu en tenir compte afin
de permettre aux auditeurs de se faire une meilleure idée de la pertinence ou
non du projet. Il indique également que M. Croteau aurait appris, s’il avait
communiqué avec les autorités de la Ville de Boucherville, qu’il ne s’agissait
pas de structure sur pilotis, ni de trottoir de bois, ni même de trottoir, et
que les coûts des travaux n’allaient en aucun moment atteindre le million de
dollars.
Dans son rapport
à M. Tougas, M. Croteau indique qu’ayant appris qu’un projet municipal touchant
l’environnement était en voie d’être adopté par le conseil municipal de
Boucherville, il a fait enquête auprès de diverses sources administratives et
politiques. Présentant un historique des différents scénarios étudiés par la
Ville de Boucherville depuis mars 1990 en vue de l’aménagement des rives du
fleuve Saint-Laurent, il signale qu’il était question, depuis le début, de
structure en bois sur pilotis et que ce n’est qu’en juin 1993 qu’il a été
question de structure en béton et acier. A cet égard, il fait remarquer qu’une
conseillère municipale opposée au projet pour des raisons environnementales et
budgétaires rappelle, dans une lettre publiée le 10 juillet 1993 dans
l’hebdomadaire La Relève, que «ces belvédères devaient être en bois, de
structure légère, sans toit pour ne pas obstruer la vue».
M. Croteau
estime qu’il n’avait pas, dans le cadre de ses courtes chroniques sur cette
affaire, à s’attarder sur le détail du projet ni de ses coûts puisque les
journaux locaux le faisaient très bien. Lorsqu’il a parlé du projet, le 4 août
1993, il a dit qu’il s’agissait d’«un petit belvédère» et a décrit celui-ci
comme «un petit trottoir de bois». Il s’est également moqué du projet en le
décrivant comme «un chameau, un cheval dessiné par un comité» du fait que la Ville
de Boucherville avait «voulu tout faire parfait».
Concernant les
coûts de construction, M. Croteau souligne qu’il n’a jamais eu l’intention d’en
discuter en ondes. L’information qu’il a donnée à ce sujet était non seulement
exacte, mais le chiffre d’un demi-million de dollars mentionné les 4 et 11 août
1993 sous-estimait les faits si l’on tient compte de tous les coûts directs et
indirects du projet. Quant à la mention d’un million de dollars, le 18 août
1993, il remarque que celle-ci ne peut en aucun cas être interprétée comme une
évaluation du projet, mais comme une figure de style pour signifier un montant
important. Selon, M. Croteau, le conseil municipal de Boucherville a trompé
tout le monde quant au coût réel et aux conséquences environnementales du
projet.
Réplique du plaignant
Les plaignants
répliquent que M. Croteau a fait preuve d’un manque d’équité en ne consultant
aucun membre du personnel de l’administration ou du conseil municipal, avant ses
interventions en ondes, à l’exception semble-t-il de la conseillère qui
s’opposait au projet. Ils contestent l’énoncé de M. Croteau selon lequel la
discussion a toujours porté sur une structure en bois sur pilotis. Ils font
remarquer qu’à l’époque il s’agissait de «suggestions» ou de «concepts
préliminaires» et non d’un projet comme tel. Le projet tel qu’adopté
officiellement ne retient pas une structure de bois sur pilotis pour les
belvédères.
Ils se demandent
par ailleurs pourquoi M. Croteau a avancé à cinq reprises les coûts du projet
si, selon ce qu’il dit dans sa version des faits, il n’avait pas à s’attarder
sur le détail du projet et de ses coûts. Quant à la mention d’un million de
dollars, le 18 août 1993, qui serait selon M. Croteau «une figure de style pour
signifier un montant important», ils rétorquent qu’il s’agit là d’une nuance
qui n’est pas très facile à percevoir et que cette mention fait fi d’un souci
de véracité et d’exactitude.
Enfin, les
plaignants soulignent que toutes les décisions prises relativement à ce projet
l’ont été dans le respect de la loi et que tout citoyen pouvait consulter les
documents déposés lors des séances publiques du conseil. Il est donc faux de
prétendre que le conseil a trompé tout le monde sur ce projet.
Analyse
Le Conseil de presse reconnaît aux chroniqueurs le droit à une grande latitude dans l’expression de leurs opinions, critiques et points de vue. Cette latitude doit toutefois s’exercer en tenant compte des exigences de rigueur et d’exactitude.
Dans le cas présent, le journaliste André Croteau était en droit, dans le cadre de ses chroniques à l’émission CBF Bonjour, d’exprimer son point de vue et ses critiques sur le projet d’aménagement des rives du fleuve par la Ville de Boucherville.
Concernant l’exactitude des informations, la lecture des transcriptions des émissions mises en cause permet de constater ce qui suit. Le 4 août 1993, M. Croteau parle d’un «petit trottoir de bois» et d’un «petit belvédère» de 500 000 $. Le 11 août, M. Croteau parle «des belvédères» et «des trottoirs de bois». Le coût mentionné dans cette émission est également de 500 000 $. Le 18 août, M. Croteau fait référence à nouveau au projet en parlant du «belvédère d’un million de dollars».
Devant une telle variation de données, sans référence à des sources qui auraient permis au public de faire la part des choses, le Conseil formule un reproche au journaliste André Croteau et à Radio-Canada pour des erreurs de faits, soit d’avoir indiqué dans la première et la troisième émission qu’il s’agissait d’un belvédère au lieu de deux, et dans la troisième émission, d’un coût d’un million de dollars au lieu de 500 000 $.
Analyse de la décision
- C01A Expression d’opinion
- C11A Erreur