Plaignant
M. John Dirlik
Mis en cause
The West Island
Suburban [Côte-Saint-Luc] et M. Dan Nimrod (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Christy
McCormick (éditeur, The West Island Suburban [Côte-Saint-Luc])
Résumé de la plainte
L’éditorial
«Second Hebron massacre» et l’article «Legitimizing war criminals, taboo on
« transfer » and condemnation of Goldstein rooted in warped morality»
(Dan Nimrod), parus respectivement les 2 mars et 18 mai 1994 dans le West
Island Suburban, incitent à la haine raciale et à la violence en prenant la
défense du colon juif qui a commis le massacre d’Hebron.
Faits
La plainte concerne
un éditorial titré «Second Hebron massacre» et un article de M. Dan Nimrod,
titré «Legitimizing war criminals, taboo on « transfer » and
condemnation of Goldstein rooted in warped morality», parus respectivement les
2 mars et 18 mai 1994 dans le West Island Suburban. Ces textes portent sur le
massacre perpétré à Hébron par le colon juif Baruch Goldstein.
Griefs du plaignant
M. John Dirlik
reproche au West Island Suburban d’avoir incité à la haine, à la violence et au
racisme envers les Arabes dans l’éditorial et l’article susmentionnés.
Concernant
l’éditorial «Second Hebron massacre», M. Dirlik considère que celui-ci, même
s’il affirme en début d’éditorial ne pas défendre les actes de Baruch
Goldstein, en vient à justifier ces actes et à faire même l’éloge de Baruch
Goldstein en le présentant comme un homme qui aimait Israël plus que la vie
même. Il dénonce également la phrase «They (les colons juifs) are completely
fenced in and fortified against their murderous Arab neighbours». Celle-ci
généralise les actes meurtriers de quelques uns à l’ensemble des Arabes.
Concernant
l’article «Legitimizing war criminals, taboo on « transfer » and
condemnation of Goldstein rooted in warped morality», M. Dirlik remarque que M.
Dan Nimrod y présente le massacre d’Hébron comme un acte de préemption et un
«contre-pogrom», et qu’il fait l’éloge de Baruch Goldstein pour avoir «vengé le
sang versé par les Juifs».
Commentaires du mis en cause
En réponse à
cette plainte, M. Christy McCormick, éditeur du West Island Suburban, commente
plusieurs passages que le plaignant a soulignés dans l’éditorial et l’article
qu’il dénonce.
Concernant
l’éditorial «Second Hebron massacre», M. McCormick souligne que le passage
selon lequel Baruch Goldstein «aimait Israël plus que la vie même» n’est en
aucun cas la justification de son acte ni un éloge à son égard, mais une simple
constatation; que le plaignant dénature le sens du passage «They (Israelis) are
completely fenced in and fortified against their murderous Arab neighbours»;
que l’opinion selon laquelle le plan de paix israélo-arabe menace l’existence
même d’Israël est très répandue dans le pays.
En ce qui
concerne l’article de M. Dan Nimrod, M. McCormick fait entre autres les
commentaires suivants: M. Nimrod y exprime simplement son point de vue sur
l’attitude du peuple juif face au peuple arabe; si les Arabes défendaient
l’idée de déporter les Juifs pour construire leur pays, les Juifs peuvent
légitimement défendre la réciproque; M. Nimrod ne justifie jamais l’acte de
Baruch Goldstein, mais tente de l’expliquer par le désir de vengeance et le
contexte particulier dans lequel les Arabes menaçaient d’attaquer les colons,
d’où l’utilisation de l’expression «contre-pogrom».
Par ailleurs, M.
McCormick estime que le mot «racisme» n’a pas sa place ici puisque les peuples
juifs et arabes sont tous deux d’origine sémite. Le problème est d’ordre
politique, religieux et territorial. Ajoutant qu’un article qui traite d’actes
violents n’incite pas pour cela à la violence, M. McCormick conclut que les
textes mis en cause par le plaignant se situent «dans les limites légales de la
liberté d’expression».
Pour sa part, M.
Dan Nimrod transmet une série d’articles qu’il a rédigés sur le conflit
israélo-arabe et dans lesquels il analyse des écrits du plaignant publiés dans
le quotidien The Gazette entre 1986 et 1993. Il considère que le plaignant est
un propagandiste aguerri qui déforme la réalité et qui refuse au peuple juif
ses droits historiques, moraux et légaux sur son patrimoine national.
Dans une
correspondance ultérieure, M. Nimrod signale qu’il est en accord avec la
réponse de M. McCormick à laquelle il ajoute quelques observations. Il indique
entre autres que l’histoire confirme que les voisins arabes d’Israël sont
individuellement et collectivement meurtriers; que tous les Etats arabes
voisins d’Israël ont tenté à plusieurs reprises de détruire Israël; que
l’opinion selon laquelle le processus de paix menace l’existence même d’Israël
est partagée par plusieurs.
M. Nimrod
maintient également l’expression «contre-pogrom». Il exprime ici son opinion
sur l’acte perpétré par Baruch Goldstein comme étant un acte d’auto-défense
face aux menaces qui pesaient sur les colons juifs d’Hébron. Il ajoute que
l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a appelé à la déportation du
peuple juif. Il est donc légitime de proposer le transfert des populations
arabes pour protéger les Israéliens.
M. Nimrod
conclut que le plaignant veut utiliser le Conseil de presse afin de censurer
ceux qui ne défendent pas les intérêts du peuple palestinien.
Réplique du plaignant
M. Dirlik
n’entend pas répliquer à toutes les allégations et à tous les commentaires de
M. McCormick, qu’il estime par ailleurs non pertinents. Il écrit qu’il a porté
plainte contre le West Island Suburban pour avoir publié du matériel haineux et
parce qu’il considère aberrant que celui-ci justifie implicitement et
explicitement le massacre de citoyens innocents.
Analyse
Le Conseil de presse blâme The West Island Suburban pour avoir développé un discours politique militant sous le couvert de la pratique journalistique.
L’article de M. Dan Nimrod, paru le 18 mai 1994 sous le titre «Legitimizing war criminals, taboo on « tranfer » and condemnation of Goldstein rooted in warped morality», exprime une prise de position politique et dépasse la simple analyse journalistique d’un événement d’actualité, le massacre d’Hébron perpétré par le colon juif Baruch Goldstein. Ce texte contient un programme politique précis. L’auteur y défend notamment l’idée de la déportation des populations musulmanes afin de préserver l’Etat d’Israël: «transferring members of that hostile Arab minority (…) as a perfectly natural response –and remedy — to a cancerous tumour upon the body of the nation».
Les médias sont responsables de par leur rôle de la défense de la liberté d’opinion. Ils ouvrent donc leurs colonnes à des opinions variées. Mais ils doivent les identifier comme telles. Dans le cas de cet article, The West Island Suburban a abusé ses lecteurs. En accordant une crédibilité journalistique à des écrits engagés, il a failli à sa mission première qui est d’informer rigoureusement et équitablement le public. Par ailleurs, si le Conseil de presse reconnaît une plus grande latitude dans le genre éditorial, il estime que le West Island Suburban a eu recours dans son éditorial «Second Hebron massacre», paru le 2 mars 1994, à une généralisation abusive et outrancière en qualifiant les Arabes de «meurtriers»: «They (Jews) are completely fenced in and fortified against their murderous Arab neighbours». Par cette façon de faire, le journal semble justifier l’acte criminel dont il est question.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable
- C20A Identification/confusion des genres
Date de l’appel
11 April 1997
Appelant
M. John Dirlik;
The West Island Suburban [Côte-Saint-Luc] et M. Dan Nimrod (journaliste)
Décision en appel
En vertu de ses
règlements, la commission n’a pu accueillir dans cette cause de nouveaux
documents. Après examen, les membres ont conclu à l’unanimité de maintenir
intégralement la décision de première instance et de rejeter les appels.
Griefs pour l’appel
M. John Dirlik,
The West Island Suburban et M. Dan Nimrod ont interjeté appel de cette décision
rendue par le tribunal d’honneur.