Plaignant
La Commission de
protection des droits de la jeunesse
Représentant du plaignant
M. Gilles Marchildon
(secrétaire, Commission de protection des droits de la jeunesse)
Mis en cause
Photo-Police [Montréal]
et M. Pierre-A. Champoux (journaliste)
Résumé de la plainte
Photo Police
publie un article du journaliste Pierre-A. Champoux surmonté du titre,
inqualifiable, «Gros violeur, petite kékette!». Cet article rapporte des
détails qui permettent d’identifier la victime mineure d’un viol, causant ainsi
un grave préjudice à cette dernière et à sa famille.
Faits
La Commission de
protection des droits de la jeunesse, en la personne de M. Gilles Marchildon,
porte plainte contre l’hebdomadaire Photo-Police et son journaliste d’alors, M.
Pierre-A. Champoux, pour avoir délivré des détails sensationnalistes sur une
affaire de viol permettant, de surcroît, l’identification de la victime.
Griefs du plaignant
Le 10 avril
1995, M. Marchildon porte plainte auprès du Conseil de presse au nom de la
Commission de protection des droits de la jeunesse, en raison de la publication
par Photo-Police d’un article de M. Champoux «portant le titre inqualifiable»
de: «Gros violeur, petite kékette!». La Commission affirme que les détails
rapportés par ce journaliste permettent l’identification de la victime, une
adolescente de 15 ans. L’hebdomadaire s’est donc immiscé inutilement dans la
vie privée de cette famille, lui portant ainsi un grave préjudice.
Commentaires du mis en cause
M. Champoux
répond de ces accusations le 8 mai 1995: le reportage «a été réécrit» par
l’éditeur et ne permet en aucun cas l’identification de la victime. Le journaliste
ajoute qu’il n’est pas non plus responsable du choix des intitulés. M. Champoux
conclut que cette plainte n’est pas fondée.
Réplique du plaignant
Le 13 juin 1995,
la Commission maintient sa plainte. Elle considère que le fait «d’identifier
les villages où l’accusé a opéré, le métier qu’il exerçait et les circonstances
dans lesquelles l’adolescente l’accompagnait a permis l’identification de la
victime».
Analyse
Le Conseil de presse blâme l’hebdomadaire Photo-Police et le journaliste, M. Pierre-A. Champoux pour avoir publié, sous une forme sensationnaliste, plusieurs articles sur un fait divers tragique, le viol d’une adolescente de 15 ans, permettant de surcroît l’identification de la victime.
La liberté de la presse et le droit du public à l’information seraient compromis si les médias devaient s’interdire d’informer la population sur des drames humains. Mais dans le cas de sujets aussi délicats, les professionnels de l’information doivent prendre les plus grandes précautions pour éviter d’exploiter le malheur d’autrui, à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une personne mineure. Les faits divers doivent être traités avec discernement et rigueur. Les journalistes doivent manifester de la déférence et de l’humanité à l’endroit des personnes en cause, quel que soit le genre journalistique choisi.
Il apparaît au Conseil que, dans cette affaire, l’hebdomadaire Photo-Police a fait le choix du sensationnalisme au détriment d’une information rigoureuse et de qualité. Le Conseil de presse estime que le choix des titres relève de la discrétion de l’éditeur. Mais celui-ci doit éviter d’adopter des manchettes à caractère sensationnel sous le seul prétexte de rendre l’information plus attrayante, ce que n’a pas évité l’hebdomadaire Photo-Police.
De plus, le journaliste Pierre-A. Champoux a choisi de dévoiler certaines informations sur le violeur et sa victime dans le seul but de piquer la curiosité du public et non dans l’intérêt public. Le Conseil considère que certaines informations publiées permettent l’identification de la victime, même si elle n’a pas été explicitement nommée. Le Conseil tient à ajouter que dans cette affaire M. Champoux n’a fait preuve d’aucune compassion ou d’humanité vis-à-vis de la victime, préférant ajouter force détails à son article.
En conclusion, le Conseil de presse blâme le journaliste Pierre-A. Champoux et l’hebdomadaire Photo-Police pour n’avoir pas respecté l’éthique journalistique qui s’impose dans le traitement de drames humains.
Analyse de la décision
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C16D Publication d’informations privées
- C16G Manque d’égards envers les victimes/proches